Des vacances bien méritées [PV : Dmitrii]

Thème musical ♪ L'Île du Destin:

L’Île du Destin est un endroit charmant, avait dit la Reine Minnie. Elle n’avait pas tort ; mais si elle avait voulu être parfaitement exacte, elle aurait dû ajouter que c’était un « véritable petit havre de paix » et un « coin paradisiaque ».
Le soleil illuminait la plage de sable fin d’une lumière chaude et dorée ; ça et là, des zones d'ombre remuaient doucement, lorsque les lourdes et vertes feuilles des palmiers se balançaient sous la brise marine. Cette dernière transportait avec elle les effluves du sable chaud et l'odeur de l'iode. L’eau, d’un bleu azur, scintillait magnifiquement sous un ciel dénué de tout nuage, parachevant cette œuvre chatoyante et idyllique.

C’était un beau début d’après-midi, et, du fait de la chaleur qui s’installait progressivement, les enfants avaient choisi des activités plus ou moins reposantes : Selphie, dans sa jolie robe jaune, s’était installée à l’ombre d’un arbre, et confectionnait des colliers de coquillages. Le grand Wakka, pour sa part, avait choisi de se battre avec son ami Tidus.

Selphie:

Wakka:

Tidus:

Quant à Senjougahara, il avait décidé de se jeter à l’eau, et d’y résider pour le reste de la journée.
Depuis qu’il était arrivé, le jeune homme n’avait eu qu’une seule envie : se baigner dans cette étendue d’eau, si grande et si belle qu’elle semblait sortie tout droit d’un de ses rêves.
Etherrance ne possédait pas de mer : les îles flottaient dans un ciel infini, et les rares étendues d’eau n’excédaient jamais la taille d’un lac.

… Et maintenant qu’il était dans l’eau, le jeune homme ne voulait plus en sortir. Bien qu’il ne sût pas nager, il s’amusait réellement, et ce, en dépit des coups de soleil qui rougissaient ses épaules et le haut de son dos.

Après leur aventure dans les Montagnes Hurlantes, lui et Dmitrii avaient bien mérité des vacances sous un climat plus clément…

Dmitrii était installé sur le sable fin. Il sirotait une glace à l'eau de mer qui avait commencé à fondre avec la chaleur. Il n'était pas très habitué à ce genre de climat, son truc, c'était plutôt les grandes étendues gelées et le froid mordant. Mais bon, il ne crachait pas sur du soleil et un sable chaud. Loin de là. Il regardait son compagnon nager dans l'océan. Cette étendue d'eau respirait véritablement la splendeur. Mais bon, l'eau, très peu pour lui. L'adolescent aux cheveux blancs préférait rester au sec. Il observa les deux garçons qui se battaient à quelques mètres de lui.
"Tu te joins pas à eux ?
- Ch'ais pas, j'ai peur d'avoir trop chaud si je m'agite.
- Ça pourrait être cool, ils ont l'air de bien se débrouiller ! Et puis, faudrait pas que tu perdes la main, ça fait un moment que vous glandouillez avec Senjou.
- Ça fait à peine quelques jours ! Et pis, fallait le temps qu'on se remette !
- Comment ça fait tarlouze de dire ça !!!
- Ouais, trop !
- Vous me cherchez, là ??
- Ouuuuuuh ! Tafiole !
- Ah, c'est comme ça, hein ?"
Dmitrii se dressa et se dirigea en direction de Wakka qui tenait Tidus par le col. Il eut un sourire et lança :
"Je peux vous aider ?"
Alors il se joignit à la bagarre. Les poings fusèrent. Ils avaient de bons réflexes. Tous les trois se battaient énergiquement et de l'extérieur, on pouvait observer les mouvements rapides entraîner des jambes, des poings, des crânes dans un choc commun. Dmitrii prit un coup de poing au coin de la lèvre. Il marqua une pause, surpris, qui lui empêcha de réagir face à un second coup qui l'envoya à terre.
"Allez du nerf" dit un gars à son adresse.
L'adolescent aux cheveux blancs se releva d'un bond. Ses pupilles étaient devenues soudainement des fentes d'une finesse dérangeante, lui donnant un air illuminé. Il eut un sourire. Tous ses sens se mirent alors en alerte. Il regarda autour de lui. La plage, le sable, l'eau, Senjou, Wakka, Tidus, Selphie. Il ferma les yeux. Le souffle du vent. Les grains de sable qu'il apportait sur ses mollets. Le reste de goût de la glace dans la bouche. Le son des vagues sur le sable. Le son du vent qui frôlait ses oreilles. Le son que provoquait les coups portés par les garçons. Leurs directions. Leurs puissances.
L'adolescent retourna à la bagarre avec plus d'entrain et de puissance. Les coups devenaient de plus en plus agressifs. Dmitrii envoya un coup douloureux à Tidus qui lui répondit violemment avec un coup dans la jambe.
"Eh oh, tu cherches quoi, là ?"
Dmitrii se tint la jambe en regardant Tidus.
"Il te cherche. Défonce-le !
- Vas-y !"

- Les garçons ! Ça suffit ! Ce fut, finalement, Selphie qui mit fin au conflit avant que celui-ci ne dégénère : la jeune femme se campa au beau milieu des trois combattants, poings sur les hanches, menton relevé. Qu’est-ce qui vous prend ? Je croyais que vous vous battiez « pour rire » !
- Mais c’est lui qui… Commença Tidus, avant que le regard de Selphie ne le fasse taire.
- Faut te calmer, frère, fit alors Wakka à l’adresse de Dmitrii. C’est une joute amicale, pas une tentative de meurtre ! Le ton était doux et enjoué, mais le sérieux qui perçait dans sa voix était sans appel : un tel incident ne devait plus se reproduire.

- Bon, allez, on ne va pas se fâcher pour si peu, s’exclama Selphie, convaincue que la bavure avait été involontaire. Et si on allait plutôt rejoindre Senjou ?
- Ouais, et on pourrait se faire quelques passes ! Renchérit Wakka.
Finalement, le coup de sang de Dmitrii avait été noyé sous l’enthousiasme des deux habitants de Spira, et, plus encore, leur réelle volonté de passer du bon temps sur l’île.
- Ok, j’vais chercher la balle ! Concéda finalement Tidus, avant de filer vers la cabane.

Wakka se tourna vers Dmitrii :
- Bon allez, sans rancune, frère, fit-il.

Dmitrii fit un signe de tête à Wakka.
"Ouais"
Alors que Selphie se jetait à l'eau et que Tidus allait chercher la balle en courant, l'adolescent au cheveux blancs retint Wakka qui allait se joindre à Senjou.
"Euh, attends, je... Je sais pas si je vais venir avec vous. Enfin, la baignade, c'est pas trop mon truc...
- Qu'est-ce tu racontes ? Allez, viens, faut pas rester fixé sur ce qui vient d'arriver, viens plutôt te détendre !
- Nan, mais, je sais pas bien nager et j'aime pas trop la flotte, comme ça...
- T'as les jetons ?
- Meuh non, enfin, pourquoi j'aurais les jetons ?
- C'est immense, la mer, ça peut faire peur ! Mais c'est sans danger, on y va tout le temps ! Allez frère, va te chercher un short si tu veux pas mouiller ton fut' !" s'exclama Wakka avec un sourire.
Il disparut bientôt dans les vagues et réapparut quelques mètres plus loin, à côté de Senjou. Tidus avait trouvé la balle et il rejoignit rapidement ses compagnons avec lesquels il entama des passes.
Dmitrii resta sur le bord en les regardant. Ils ont l'air de bien se marrer. Mais j'aime pas me baigner. J'aime pas l'eau. Rah, fais chier.
"Qu'est-ce que tu fabriques, Dmitrii ? Tu viens ? demanda alors Selphie.
- Euh... J'arrive !"
Le garçon enleva sa veste légère pour dévoiler ses abdos, puis il rejoignit la cabane histoire de se trouver un maillot de bain, et il les rejoignit bientôt en short. Ce fut magistral : il commença par courir sur le sable pour se donner du courage, et au moment de se jeter dans l'eau, il fit un blocage, il hésita, il mit un pied dans l'écume, fit une grimace, en mit un deuxième, marcha sur un coquillage coupant, hurla de surprise, glissa on ne sait comment et finit par s'étaler dans l'eau peu profonde. L'éclat de rire fut général. Ensuite, il rejoignit ses camarades où l'eau était un peu plus profonde et il joua avec eux.

En dépit de la cascade particulière de Dmitrii, de son orteil blessé et de sa méfiance vis-à-vis de l’eau, les adolescents passèrent une excellente après-midi. Leurs jeux allèrent de la balle au chahut, en passant par la course et la bataille d’algues.

Un moment, Wakka tenta d’apprendre à nager à Senjougahara ; l’expérience fut laborieuse, mais, à la fin, le blondin savait patauger à la manière d’un petit chien, ce qui déclencha l’hilarité de Selphie et de Tidus. Fort de sa réussite, le grand insulaire voulu également apprendre à Dmitrii.

Le soir commençait à tomber lorsque les adolescents sortirent de l’eau pour aller se rincer sous la cascade. Le soleil se para d’une somptueuse couleur sanguine tandis que le ciel virait au doré. Un vent frais vint rafraîchir le sable brûlant, et les jeunes gens purent s’installer sur la plage pour manger. Wakka parla de son île d’origine et de l’équipe de Blitzball qu’il entraînait, et Tidus se moqua du niveau de ses joueurs.
Selphie, pour sa part, tâcha d’expliquer pendant dix bonnes minutes à ses compagnons en quoi l’adhérence des trains aux rails n’était pas seulement due au poids de la locomotive.
Senjougahara les écouta parler de leur monde avec avidité : cela ne faisait aucun doute que le blondinet planifiait déjà sa prochaine expédition dans les îles ensoleillées de Spira.

Le soleil finit par disparaître, mais le ciel resta encore clair. Tidus et Wakka, épuisé par leur journée sportive et la chaleur, finirent par se calmer. Le silence s’installa doucement mais sûrement avec la pénombre.

Dmitrii sortit de l'eau avec la ferme intention de s'entraîner sérieusement à la nage dans les prochains jours. Il ne s'en était pas trop mal sorti sur les conseils de Wakka. Il allait y arriver. Puis, dans la soirée, le garçon écouta distraitement les histoires des insulaires en admirant l'océan qui changeait de teinte suivant la couleur du ciel. Il remarqua l'expression avide de son compagnon qui buvait chaque parole de Wakka, de Tidus et de Selphie. Dmitrii écouta alors plus attentivement la conversation et les prouesses dont se vantait Tidus. Cela le fit décrocher à nouveau et il finit son assiette. Bientôt, chacun repoussa sa gamelle vide. L'océan s'était assombri et la lune faisait scintiller quelques vagues de l'immensité bleu marine.
"Presque aussi beau que cet oiseau dans la jungle, murmura l'adolescent aux cheveux blancs, brisant soudainement le silence.
- Quelle jungle ? demanda Selphie.
- Une jungle splendide, pleine de vie et d'énergie que j'ai parcourue il y a quelques temps avec une amie, répondit-il les yeux rivés sur la mer.
- Ça doit être sympa comme endroit ! lança Wakka.
- C'était génial, dit Dmitrii avec un sourire en se tournant vers son interlocuteur.
- Tu y as voyagé ? Tu ne viens pas de là-bas ?
- Je viens d'un endroit bien plus froid, aha !
- On va se pieuter ? demanda Tidus.
- Je reste encore un peu..." dit Dmitrii en faisant un signe de main à Tidus qui se levait.

Il ne resta bientôt plus que Senjougahara et Dmitrii sur la plage.

La dernière fois que le jeune homme aux cheveux miel avait observé la mer ainsi, dans la fraîcheur de la nuit et sous le clair de lune, c’était à bord d’un navire marchand, aux côtés de Keradan et de Skya. Beaucoup de temps s’était écoulé depuis. Ou plutôt : bien des choses s’étaient passées depuis. Car, en vérité, l’adolescent n’avait quitté Etherrance que depuis un mois à peine ; il avait vécu bien des aventures, mais tout s’était enchaîné très vite…

Il avait rencontré une foule de personnages hétéroclites, visité des mondes aussi incroyables que différents. Il s’était fait des amis et avait été trahi. Il avait rencontré des personnes qu’il avait vite perdues. Il en avait rencontrées d’autres qui étaient toujours ses amis.

Il lui semblait avoir beaucoup évolué depuis qu’il avait quitté son foyer ; et pourtant, avait-il réellement changé ? Chiyoko, par exemple, avait radicalement changé, de forme et de fond. Mais lui, Senjougahara, avait-il changé ? Ou avait-il seulement décidé de s’accepter tel qu’il était ?

À côté de lui, Dmitrii semblait lui aussi songeur. Senjougahara se tourna alors vers lui, et, mû par une soudaine curiosité, demanda :
- À quoi ressemble ton monde ?

Dmitrii se tourna vers Senjou.
"Je viens des Montagnes d'Edregan. Là-bas, la végétation est très sèche, on trouve de nombreuses forêts de conifères qui couvrent les Montagnes rocheuses. Il y fait très froid, trop pour qu'il neige, bien souvent, on n'a de la neige qu'en été ! Mais c'est superbe, tu verrais ces forêts hérissées des épines de leurs arbres, le tout recouvert de givre du matin au soir... Un spectacle de toute beauté... C'est génial de parcourir les mondes et de découvrir d'autres paysages. Mais je dois avouer que je ne peux pas m'empêcher de penser à mon chez-moi et de me dire que c'est vraiment un bel endroit ! Je ne m'en rendais pas compte avant, je l'avais sous les yeux du matin au soir. Maintenant je m'aperçois que c'est beau et surtout, j'ai... j'ai envie de... Je sais pas vraiment comment dire. J'ai envie de le faire partager, c'est ça !" conclut-il enthousiaste d'avoir réussi à comprendre son sentiment.
Il rougit soudainement, réalisant ce qu'il avait dit.
"Eh ben, tu t'ouvres rarement comme ça !
- C'est même bien la première fois..."
Dmitrii se balaya sèchement les épaules, au point de se les érafler quelque peu.
"Hum, et toi ? C'est comment... ton monde ?"

Senjougahara écouta Dmitrii de la même manière qu’il avait écouté Tidus. Il imagina, comme il le pouvait, les pins, la neige, les collines boisées, les torrents gelés. Il essaya de se représenter ce que cela pouvait signifier, « un froid si dense que la neige ne pouvait même pas tomber ». Il songea aux grands félidés immaculés, galopant dans la forêt enneigée à la recherche d’une proie.

Lorsque Dmitrii retourna la question à Senjougahara, ce dernier dû réfléchir un instant avant de répondre. L’adolescent n’avait jamais vraiment parlé de son monde, car il l’avait longtemps rattaché à des souvenirs déplaisants ; mais les événements au Pays des Merveilles, les déboires à la Cité du Crépuscule et, plus récemment, le conflit au Château de Disney avaient, doucement mais sûrement, modifié la vision de son foyer.
Etherrance, avant d’être son père, sa mère et sa maison, qu’était-ce ?

- Je viens d’un monde appelé Etherrance… Avant, je ne savais pas que c’était un monde : je pensais que c’était le monde. Le jeune homme eut un petit rire, comme si cette révélation était la preuve d’une bêtise évidente. Il reprit : c’est un monde… Pas du tout comme le tien. En fait, c’est comme…

Senjougahara s’interrompit quelques secondes ; il n’avait jamais été doué pour narrer une histoire, ou donner des explications quant à quelque chose. D’autant plus que certaines choses étaient, parfois, inconcevables si l’on ne les avait pas vues de ses propres yeux : la forêt du Pays des Merveilles. Le ciel d’Etherrance. Le froid d’Edregan. Mais pour une fois, il n’y avait pas d’échappatoire : Dmitrii avait fait partager une chose qui lui tenait à cœur. Senjougahara voulait le lui rendre.
Il avisa alors le ciel nocturne se reflétant sur l’eau bordant l’île.

- C’est un monde avec des îles qui flottent dans le ciel. Comme cette île, sauf qu’en dessous, on ne voit pas la mer : on voit le ciel, et d’autres îles, et les nuages. Il y a des oiseaux de toutes les couleurs qui volent vers le soleil, et des navires qui traversent le ciel. On appelle ça des aéronefs. C’est comme des barques, mais avec des ailerons, des ballons, et des cheminées qui crachent de la vapeur. On n’a jamais de neige, parce qu’il fait chaud et sec ; chez moi, sur mon île, le sol était toujours couvert de sable, et le vent en projetait sur les murs…
C’est ainsi que Senjougahara se laissa aller à décrire son monde. Il décrivit le fonctionnement des machineries permettant le fabuleux envol des aéronefs, les tissus gonflés par l’air chaud des montgolfières, les oiseaux, les habitations de pierre. L’air chaud et sec, l’herbe rare et jaune, les puits, l’astroport. À la lueur de la lune, ses yeux se teintèrent d’une mélancolie plus grande encore. Mais, d’aussi loin que Dmitrii pouvait se souvenir, jamais il n’avait vu autre chose que de la tristesse dans le regard délavé de l’adolescent aux cheveux miel.
- … Mais moi, mon monde ne manque pas… Murmura Senjougahara, à la fin de son incroyable récit. Enfin, si, enfin, non ; j’ai encore tant à voir… Son regard se perdit dans l’horizon étoilé, rêveur. J’ai encore tant à découvrir… Je ne veux pas faire demi-tour… Pas maintenant.
Il ramena ses maigres genoux contre son étroite poitrine ; ainsi installé, il n’était plus l’aventurier insolent et rageur qu’il incarnait si souvent : il était l’adolescent, encore jeune, encore maigre, à peine sorti de l’enfance, avec ses doutes, ses tracas, et ses membres qui n’avaient pas fini de se développer. Un gamin au regard triste, qui préférait avancer, coûte que coûte, plutôt que d’avoir à jeter ne serait-ce qu’un regard sur son passé.

- … Par contre, j’irais bien faire un tour chez toi, un de ces quatre, ç’a l’air trop cool ! Conclu Senjougahara en souriant. La neige, c’est vraiment un truc trop… Trop… Magique !

Lorsque Senjou commença son récit en disant qu'auparavant il pensait que son monde était le seul, l'adolescent au cheveux blancs eut un petit rire. Ses parents lui avaient toujours répété qu'il existait d'autres mondes, par centaines. Et que, de ce fait, il ne fallait pas qu'il se croit unique. Du coup, le garçon avait un peu du mal à s'imaginer que d'autres personnes aient cru à un moment donné le contraire.
Puis, Dmitrii écouta attentivement chaque détail donné par son compagnon. Il n'arrivait pas à imaginer un tel monde. Des îles flottantes ? Ça lui rappelait le nom d'un dessert, tout au plus. Il tentait de se représenter ces terres aussi improbables que fabuleuses.
L'adolescent aux cheveux blancs était complètement dans le récit de son interlocuteur, quand celui-ci parut soudainement mélancolique tout en affirmant qu'il ne voulait pas revoir son monde. Dmitrii s'interrogea alors. Je ne voulais pas vraiment dire que j'avais envie de revoir mon monde, en fait. Mais maintenant qu'il en parle... C'est peut-être le cas.
Quand Senjougahara conclut en parlant de la neige, Dmitrii éclata de rire :
"Ahaha, t'es sérieux ? La neige, c'est magique ? Alors que tu viens de me parler d'îles qui... volent ? J'arrive pas à le concevoir, ça doit être impressionnant !!! T'es vraiment sûr que tu tiens pas à y retourner ? Ce serait cool si tu me faisais visiter un de ces quatre !
- Eh ben, Môsieur prend des initiatives ! Tu prévois déjà un futur voyage avec lui ? demanda un des diablotins.
- Ben... Je n'exclus pas de le revoir, on s'entend pas trop mal pour l'instant, pensa Dmitrii.
- Arrête de tout minimiser, tu l'aimes bien !
- C'est un pote, quoi ! répondit-il aux diables.
- Moui, c'est ce qu'on dit...
- Ta gueule, tu t'imagines tout et n'importe quoi, je peux avoir des amis !
- T'en as pas des masses, quand tu regardes, hinhi... Gwaïïeuh !!"
Senjou vit son interlocuteur se donner un coup de poing dans l'épaule droite. Celui-ci paraissait agacé jusqu'à ce qu'il vit le regard de son compagnon. Il sourit alors de manière à effacer son geste surprenant.
"Enfin, c'est comme tu le sens ! Si... Enfin, ouais, voilà, quoi, hein... Tu vois, aha !"

- T'es vraiment sûr que tu tiens pas à y retourner ? Ce serait cool si tu me faisais visiter un de ces quatre !
- Ouais, un de ces quatre… Répondit Senjougahara d’un ton distrait. Un de ces quatre… ou jamais.

L’adolescent ne savait comment expliquer qu’il redoutait de se retrouver face à son père. En fait, lui-même n’en avait pas réellement conscience : depuis le début, il ne s’agissait que de mettre de la distance entre lui et sa famille, de partir toujours plus loin, sans un regard en arrière. Pas une seconde, il ne s’était demandé comment se dérouleraient leurs retrouvailles : il n’avait jamais prévu de renter un jour ou l’autre.

Un choc sourd retentit, juste à côté de Senjougahara.
- Pourquoi tu te cognes tout le temps les épaules ? Interrogea alors l’adolescent, que l’étrange habitude de Dmitrii laissait perplexe.

"Euh... Ha, eh ben, euh pour rien, enfin ! s'exclama l'adolescent aux cheveux blancs face à l'interrogation de Senjou.
- Hinhin, c'est vrai que ça pas évident à expliquer, hum ?
- Ça, c'est sûr ! renchérit le second diable en se remettant de sa chute de l'épaule de Dmitrii.
- Merde, je dis quoi ? Pourquoi est-ce que ça n'arrive qu'à moi, cette connerie, d'abord ?! se demanda ce dernier.
- Tu paraissais à l'aise tout à l'heure, tu ne lui as absolument rien caché de tes sentiments ! T'as qu'à refaire pareil ! Dis-lui la vérité !
- Ou alors tu mens en lui expliquant que t'as de l'urticaire et que te frapper te soulage, nyark nyark !
- Moueuhais... Hum, commença-t-il à l'adresse de l'adolescent aux cheveux dorés, en fait, j'ai des démangeaisons aux épaules, et euh, ben, me cogner, ça me soulage et euh... Enfin..."
Le garçon se sentait rougir. La situation le dérangeait et il sentait qu'il commençait à s'énerver. Il vaut mieux que je me taille maintenant. Il se leva et dit :
"Bon, je vais dormir, à plus. Bonne nuit !"

- En fait, j'ai des démangeaisons aux épaules, et euh, ben, me cogner, ça me soulage et euh... Enfin...
Senjougahara haussa un sourcil, visiblement aussi peu convaincu que ne l'était Dmitrii. Ce dernier se leva alors, et lança :
- Bon, je vais dormir, à plus. Bonne nuit !

Étrange comportement, pensa Senjou, tandis que son compagnon s'éloignait. Cependant, le polymorphe n'avait pas tort : il était tard, et les adolescents avaient passé la journée à se dépenser. Une bonne nuit de sommeil semblait la bienvenue.

Senjougahara s'allongea sur le sable, et croisa les doigts sous la nuque ; au-dessus de lui scintillaient les étoiles, lointaines . Le blondinet se surprit à se demander ce qu'étaient devenus Chiyoko et Nihal.
... L'instant d'après, il dormait à poings fermés.

Qui aurait pu y résister ? Apparemment, pas Senjougahara.

La main fendit l'air à la manière d'un oiseau de proie, se referma sur le fruit en forme d'étoile et l'arracha des mains de Dmitrii. Senjougahara, qui se tenait au bout de l'agile bras, s'en fut avec un éclat de rire, emportant son larcin avec lui. Lorsqu'il fut à six bons mètres de Dmitrii, il le croqua à pleine dents, se moquant des potentielles protestations de son ami aux cheveux blancs.

Thème musical ♪ Another Sunny Day:

La bouche emplie de chair acidulée du fruit, Senjou sourit ; le soleil n'était levé que depuis quelques heures à peines, et la journée promettait déjà d'être magnifique. Le ciel était dégagé, la mer brillante et claire, la chaleur se réinstallait doucement. L'adolescent savoura ce tableau coloré avec délections.
- Ça va, reprend-le, ton fruit, fit-il au bout d'un moment, en lançant nonchalamment le met à son compagnon. Je vais me chercher un autre p'tit dèj'.
Et, sur ces mots, l'adolescent s'élança en direction des arbres fruitiers. Il avait lui-même repéré des noix de coco et des champignons, pas très loin.

De leur côté, Tidus, Wakka et Selfie avaient aussi entreprit leurs ablutions.
- Salut, Dmitrii ! Bien dormi ? S'exclama la jeune femme à l'adresse du polymorphe. Elle s'interrompit quelques secondes, les yeux écarquillés. Hey, tu sais ce que tu manges, là ? C'est un fruit Paopou !
Ayant prononcé ces mots, elle s'approcha du garçon, un sourire malicieux au lèvres : tu sais ce qu'on raconte sur ces fruits ? Si deux personnes partagent un fruit Paopou, alors leurs destinées sont liées à jamais... Elle ajouta avec un clin d'œil : choisis bien ton partenaire !
- Les gars, vous venez ? Cria alors Tidus. Le petit dèj' est prêt !

Dmitrii ouvrit la bouche sans prononcer un mot.
"Gwahahahahahahahahaha !!!! Nan, impossible, c'est pas vrai !! riait aux éclats un des diables.
- Yeurk, ça craint ! Ça veut dire quoi, ça "leurs destinées sont liées à jamais" ?? dit le second en essuyant sa langue.
- Ah, ben, euh... C'est heum... Bon à savoir, répondit l'adolescent aux cheveux blancs à la jeune insulaire.
- Les gars, vous venez ? cria alors Tidus. Le petit dèj' est prêt !
- On arrive !" dit Dmitrii en se levant.
Il regarda le fruit dans sa main et suivit Selphie qui rejoignait ses camarades à table. Le garçon finit le fruit. Manquerait plus que quelqu'un d'autre tape dedans et que je sois "lié" à deux personnes...
La table était couverte de fruits exotiques, tous plus appétissants les uns que les autres. Dmitrii commença par se servir un cocktail qui formait un beau dégradé allant du rose au vert en passant par un orange vif.
Les jeunes gens mangèrent avec un bel appétit et bientôt, la table ne soutenait plus que des coques vides, des trognons rongés, des feuilles, et des verres sans contenu. Alors qu'ils étaient encore tous attablés, Dmitrii dit :
"C'est vraiment un bel endroit ici ! Mais je changerais bien d'air... T'en penses quoi, Senjou ? On rassemble nos affaires et tu utilises mon artefact ?
- Vous partiriez déjà ? demanda Selphie. Soit, revenez quand vous pourrez, dit-elle avec un sourire à l'adresse d'un des garçons.
- C'est à nous qu'elle a souri ?
- Nan, à Senjou.
- Pas sûr...
- Vous pouvez emporter de la nourriture, si vous voulez !"
Dmitrii se leva avec un sourire, suivit par Sejougahara. Ils n'y manqueraient pas. Ils rassemblèrent leurs affaires, quelques provisions et dirent au revoir aux insulaires.
"Prenez soin de vous !
- Au revoir !
- Salut !"
Bientôt, les trois insulaires firent face à la plage déserte dont ils avaient l'habitude.