La fête de Haruween ! [PV: Kavitchie]

Haruhi jubilait intérieurement. Elle avait réussi à tuer Fujino. Enfin, c'est ce qu'elle croyait. Du coup, elle pensait que son pari avec Shiki était gagné et qu'elle pourrait ainsi confirmer sa prise de pouvoir sur Haruhi (la vraie), ne jamais la libérer et finalement avoir cette fameuse récompense dont elle avait parlé. Mais jusqu'alors, Shiki ne s'était pas montrée. Sans doute devait-elle digérer sa défaite, se disait Haruhi, satisfaite. Cela n'empêchait pas qu'elle la cherchait et espérait bien la trouver rapidement.

Alors qu'elle marchait dans cet endroit particulier, elle ne se rendit pas compte que ses canines était devenues proéminentes et que son teint s'était pâli. Elle portait une cape en plus de son blouson de cuir devenu noir. De toute façon, elle avait un peu l'habitude. Ce n'était pas la première fois qu'elle venait.

Elle revenait du coup pour terminer le travail commencé. Une petite domination pure et simple de ce peuple de cinglés gouvernés uniquement par la joie de faire peur aux autres. Comment un peuple aussi primaire pouvait-il résister à l'oppression d'une femme décidée de profiter de leur propre amour de la peur pour les dominer ?

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C'était exactement ce qu'elle voulait. Pouvoir se faire aimer des autres en leur inspirant crainte, envie, désir, peur et respect, et amour fou. Haruhi s'approcha du centre de la place et monta sur le puits. Elle sortit un sifflet tandis que son corbeau Blackie s'installait sur la gargouille décorant la fontaine. En soufflant dans le sifflet, un long cri terrorisé sortit de l'outil en lieu et place de l'habituel sifflement.

Aussitôt, des personnages de toute sorte sortirent de leurs maisons, attirés par ce magnifique cri d'épouvante. Un clown en monocycle, un cyclope recouvert de mélasse, des vampires, enfin bref, tout le patchwork de Halloween.

En s'approchant, ils regardèrent Haruhi étonnés. Une vieille femme rehaussa ses lunettes, la bouche entrouverte.

-Vous êtes absolument abominable. Vous ferez un malheur au prochain Halloween. Fit le maire en un grand sourire.

Ils se mirent à parler tous en même temps, approuvant en un vrai capharnaüm. Haruhi tira en l'air avec son pistolet pour ramener le calme. Seulement... Voilà... Son pistolet sortit juste un diable sur ressort qui retomba mollement le long de son bras.

-Bon sang, j'avais oublié cette... Saleté de monde à la...

Les habitants arrêtèrent cependant leur vacarme et applaudirent. A croire qu'il se croyait à un spectacle. Haruhi fronça les sourcils. Il allait falloir leur apprendre la discipline. Elle sortit un autre sifflet et souffla dedans. Un sifflement en sortit cette fois, mais si perçant qu'il déchirait les oreilles.

-Voilà qui est mieux. A présent, je vais vous donner un sujet à étudier pour votre prochain Halloween.

-Ah, magnifique, un nouveau sujet d'expérience ? Fit Finklestein en fixant Haruhi qui sentit la moutarde lui monter au nez.

-Non, abrutis. Votre prochain Halloween vous allez faire comme je le veux et ce sera une grande fête me célébrant, m'honorant, vous la ferez sur moi.

-Sur vos épaules ?

-Mais non, crétins, le sujet principal je veux dire, ce sera moi.

-Ce n'est pas très Halloween. Halloween c'est une fête tous ensemble pour faire le plus de choses dont on a envie, de faire n'importe quoi et d'oublier qui domine.

-Changement de programme, Double-Face. Dit-elle en visant le maire. Haruhi rangea son pistolet et frappa dans ses mains. Entendez: Au boulot.

Haruhi savait qu'avec ce peuple de dégénérés, c'était déjà gagné. Mais il restait un détail qui avait son importance. Le peuple obéissait comme des moutons au premier venu qui gueulait assez fort, mais le chef, la véritable idole de Halloween, allait sûrement causer des problèmes.

Elle descendit du puits en se frottant les mains. Blackie s'envola de son perchoir pour se mettre sur son épaule. Depuis l'Egypte, il n'avait cessé de penser à Aube, et il espérait toujours que Haruhi reviendrait sur sa promesse de l'emmener la retrouver. Même s'il sentait qu'il y avait anguille sous roche. D'un côté, il voulait la revoir et en même temps, il craignait que cela soit pour le pire et que pour la sécurité d'Aube, il valait mieux que ces retrouvailles se fassent le plus tard possible.

Haruhi avança jusqu'à une grille donnant sur la place. Derrière, un fin escalier donnait sur une maison perchée tout en haut d'une colline. Elle monta prudemment sur les marches escarpées de la demeure et tira sur une araignée suspendue en sonnette. Un cri de peur résonna, la sonnette proprement dite sans doute.

Elle attendit quelques secondes avant de tirer une seconde fois. Là, la porte s'ouvrit et un squelette, un épouvantail vint ouvrir. Il se pencha vers elle et d'un grand sourire demanda:

-Oui, que puis-je ?

-J'ai de nouveaux projets pour Halloween. Ca gêne si j'entre pour en parler ?

-Mais pas du tout. Peut-être pourrons-nous mettre nos idées en commun. Je travaillais justement à une idée démentielle. Le plus bel Halloween depuis des siècles.

-Ca, tu peux en être sûr. Marmonna t-elle en pénétrant à l'intérieur.

Quel goût ! Un manoir rempli de choses bizarres évoquant araignées, loups-garous, vampires, fantômes et autres horreurs. Un vrai musée en l'honneur de Halloween et rempli de livres sur la fête. Un musée, que dis-je, un temple ! Haruhi passa sa main sur son nez, incommodée par l'aspect "répugnant" de l'endroit. Elle n'avait qu'une envie, en finir vite.

-Allons, pas par quatre chemins. A présent, cet Halloween est le mien. Au programme: moi, moi et encore moi !

-C'est à dire ? Vous voulez faire la fête vous même ? Un peu égoïste pour cette fête.

-Oh, crois-moi, ils s'amuseront. A m'adorer, à me craindre...

-Un Halloween où le monstre principal serait un tyran effrayant... Quelle bonne idée !

-Hein ? Euh... Ouais, bah cool alors...

-Et ensuite, on brûlerait le tyran sur la place.

-Ouais, exactement, on... Hein ? Quoi ? Ah non. Personne ne me brûlera !

-Parce que vous vouliez que ce soit vous ? Oh, allons, vous n'êtes pas assez effrayante.

-Keuwah ?!

Haruhi sortit son pistolet quand soudain, le cri de la sonnette résonna à nouveau dans le manoir. On sonnait à la porte. Jack sourit, visiblement inconscient de ce qui se jouait, trop obnubilé par sa stupide fête. Il se rendit vers la porte et Haruhi appuya sur le chien de son pistolet, se préparant à tirer.

-N'ouvre pas. On en a pas fini, toi et moi.

Jack se retourna, contrarié. Visiblement, il commençait enfin à la prendre au sérieux et à subodorer quelque chose de pas bien net à propos d'elle. Il ne l'avait jamais rencontré (bien qu'elle était déjà passé à plusieurs reprises, même sous sa forme "sympa") mais il sentait bien qu'elle n'apporterait que des ennuis. Jack posa sa main sur la poignée en fixant Haruhi, en geste de défi. Haruhi fronça les sourcils et tira.

Le diable à ressort sortit à nouveau sous ses yeux désabusés.

-Raaaaah ! Nan ! Pas encore !

Jack ouvrit la porte et reporta son attention sur l'arrivante.

Haruhi était excédée. Le genre de situation où elle était à deux doigts de péter les plombs, et ce ne serait pas beau à voir. En même temps, pour l'instant, son plan n'était pas mis en danger. Dehors, ça s'activait à lui rendre hommage, mais elle savait pertinemment que Jack finirait par se rendre compte de ce qu'il se passait et arrêterait tout. Il fallait le tuer ou l'éloigner, voir le rendre impopulaire pour que plus personne ne l'écoute. Et ça, c'était le travail que Haruhi préférait. Elle avait déjà bien commencé avec Cécilia et Emilie.

Quand la porte s'ouvrit, Haruhi crut reconnaître une voix qu'elle connaissait. Oh, très peu, elle avait dû l'entendre à peine, mais cela lui disait quelque chose. Blackie, plus physionomiste et plus en hauteur, reconnut assez facilement Kavitchie. Il la reconnut d'autant plus quand son familier l'empoigna, le chargea et l'obligea à tomber de l'épaule de Haruhi pour s'écraser sur le plancher. Il ne comprenait pas qu'on l'attaque ainsi, mais il savait bien que ce bonhomme de neige ne le laissait jamais tranquille. Il ne se débattit pas. Pas la peine d'envenimer les choses pour l'instant. Tant qu'il frappait pas, il pouvait bien attendre.

Haruhi, elle, même une fois Kavitchie entrée, ne la reconnut pas de suite. Son changement d'apparence était telle qu'il n'était pas aisée de la reconnaître. Mais elle, elle semblait connaître Haruhi. Alors, elle plissa les yeux et réfléchit. Il y avait même un petit bruit de compteur. Et un petit *Ding* quand ça lui revint:

-Ah mais oui, tu es Katachi, machin ? Oui, celle que je devais tuer et que j'ai abattu d'une seule balle... Que j'ai abattu... Mais alors, t'es pas morte ? Rah, même quand ce sont de vrais balles, on ne peut leur faire confiance. Ragea Haruhi contre ses pistolets. -On dit qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire.

Haruhi pointa son pistolet sur Kavitchie et tira... Mais ce fut encore ce sempiternel diable sur ressort qui sortit. Inoffensif diablotin. Enfin, pas tout à fait. Rorsbach avait pu y goûter, Haruhi avait finalement trouvé le moyen de se servir de cette "customisation". Mais là, elle était très distraite.

-Mais c'est pas vrai, mais c'est pas vrai ! Rugit-il en sautant sur place, avant de s'allonger sur le ventre et de marteler le sol de ses poings et pieds. Une vraie Joe Dalton.

Blackie parlait plusieurs langues. Très intelligent, bourré de talents, il était capable de comprendre ce que le bonhomme de neige lui disait. Pas sûr que Haruhi pouvait en dire autant. Du coup, il répondit calmement au familier de Kavitchie en ces termes:

-Pourquoi le ferais-je ? Je ne te veux aucun mal.

Haruhi jeta un regard incendiaire à Blackie. Il ne l'aidait pas. Ce n'était qu'un corbeau, mais ne pouvait-il pas crever les yeux de Kavitchie ? Non, trop gentil. Il avait fallu qu'elle créé un corbeau avec une morale. La prochaine fois, elle irait plus loin que la seule apparence quand elle transformerait un mouchoir en animal de compagnie.

Kavitchie se saisit de Haruhi et lui posa des questions. A vrai dire, elle se serait attendue à pire. Elle aurait cru que Kavitchie l'aurait lynché ou pire. Après tout, n'était-elle pas en droit de nourrir une envie de revanche ? Une balle en plein buste, ce n'était pas rien. Elle avait dû voir sa vie défiler devant ses yeux et croire sa dernière heure arrivée. Plus de peur que de mal finalement, peut-être était ce pourquoi elle ne l'attaquait pas vraiment.

Haruhi sourit d'un air malin. Elle devait sûrement réfléchir au moyen de retourner la situation à son avantage, se moquer de sa largesse et vouloir en profiter. Rien cependant ne permettait de dire si ce n'était pas le calme avant la tempête. Une fois les infos prises, l'envie de revanche n'allait-elle pas prendre le dessus ?

-J'en sais rien moi. Un mec en armure, vachement imposant, qui vivait dans un gros poisson.

Elle regardait ses mains prises dans celle de Kavitchie, puis jetait à celle-ci un regard sournois, comme si elle essayait de lui faire comprendre qu'elle ne pourrait pas la retenir longtemps.

Jack proposa du thé et des gâteaux comme si tout ceci n'était qu'un jeu et qu'à présent, on passait au goûter. Blackie picora dans son biscuit en repensant à Aube, depuis sa rencontre avec elle, il n'avait pas mangé (comme avec Aube) à sa faim.

-Un Halloween splendide ? Rétorqua Haruhi. -Cet Halloween, cette année, c'est moi qui m'en occupe. Je vais vous donner des raisons d'avoir peur. A tel point que vous allez m'adorer à genoux.

Soudain, un petit papier rose apparut devant elle, juste sous ses yeux, lévitant au niveau de son nez. Elle profita de la surprise pour donner un coup sec des bras vers le haut pour se dégager de l'étreinte. Elle attrapa le papier et fit quelques roues en arrière, avant de s'accrocher à l'échelle mouvante de la bibliothèque. Comme quoi, elle était assez gaffeuse, mais physiquement, elle était assez athlétique et douée. Bizarre pour une fille qui arrivait à se prendre les pieds et trébucher, par exemple.

Elle lit le petit papier rose et sourit:

-Quand on parle du loup... Visiblement, tu as gagné du galon. Avant, c'était juste pour prouver mes capacités que je devais te tuer, et là, visiblement, tu as rencontré Fujino, ce qui fait de toi une cible plus importante. Comme quoi, heureusement que je t'ai manqué, tu vaux davantage.

Haruhi broya le papier dans sa main et fit rouler l'échelle jusqu'à une fenêtre d'où elle se jeta à l'extérieur après avoir crié:

-Fous le camp Jack. Cette ville m'appartient à présent.

Elle fut bien surprise de se rappeler que la maison était en hauteur et qu'elle avait à chuter de très haut. Elle chuta dans une poubelle qui tomba, roula le long d'une pente avant de s'écraser contre une tombe. Sonnée, Haruhi put sortir en entendant des cloches dans sa tête.

Blackie s'étonna un peu que le bonhomme de neige transforma son thé en thé glacé. Pas parce qu'il ne s'attendait pas à ce que Flocon ait ce pouvoir, non, ça il s'en doutait, mais il se disait en son for intérieur qu'il aurait tout de même pu lui demander si le corbeau ne préférait pas le thé chaud. Mais ayant vécu longtemps avec Haruhi, cette Haruhi, il savait se satisfaire des petits riens (il valait mieux avec elle qui ne donnait presque rien, bien qu'elle l'ait déjà surpris à se montrer plus affectueuse qu'à l'accoutumée).

En revanche, il repoussa la paille, en effet, avec son bec, il lui était impossible de siroter. Il ne pouvait que picorer dans le liquide, s'enrhumant presque à tremper son bec dans le thé glacé. Le bonhomme de neige se présenta: Flocon. Décidément, les familiers avaient tendance à avoir des noms bien banaux. Blackie, ce n'était pas mieux, se dit-il. Le blanc et le noir... Se prit-il à rêvasser.

-Moi c'est Blackie. Mais disons plutôt Black, je trouve ce "ie" ridicule. Répondit-il sans se soucier le moins du monde de Haruhi qui venait de tournoyer sous leurs yeux et de sauter par la fenêtre. Ses petits tours ne l'intéressait guère. "Frimeuse", se disait-il, intérieurement.

Haruhi, de son côté, entendait les cloches et sa tête vibrait au point de rendre sa vision trouble. Elle avait presque la nausée. Normal après avoir tourneboulé dans une poubelle, de quoi avoir un beau vertige, c'est sûr. Elle ne vit donc qu'à peine Kavitchie débouler à son tour et s'approcher d'elle. Ce ne fut que lorsqu'elle sentit la griffe lui érafler la joue qu'elle se remit un peu de ses émotions. Une goutte vint à perler et Haruhi passa son doigt sur la plaie et observa le sang dessus. Elle avait l'air choquée. Peut-être parce qu'elle ne s'y attendait pas. Avait-elle déjà saigné ? Je veux dire en tant que Haruhi, le reflet ? Explosée, transpercée, mais saignée, c'était rare. Comme une preuve de sa fragilité malgré le fait qu'elle revenait sans cesse à la vie. Et devant cette fragilité, elle fut presque émue.

Elle regarda Kavitchie, qui avait changé et dont elle comprit qu'elle n'était plus elle-même. Haruhi respirait fort, comme prise d'une crise d'angoisse. Elle sortit son... Euh non. Elle baissa la main jusqu'à sa taille pour attraper ses pistolets, mais il n'était plus là. Déjà qu'il marchait moins bien à cause du monde, voilà qu'en plus, elle venait de les perdre dans sa chute. Elle n'était vraiment pas aidée.

En parlant d'aide (ouah la transition de ouf), dans la maison de Jack, Flocon prévint qu'il allait peut-être nécessaire que les familiers aillent aider leurs maîtresses, apparemment en danger. A vrai dire, Blackie ne s'inquiétait pas beaucoup pour Haruhi. Il ne l'appréciait pas et de toute façon, elle n'était plus à une mort près. Cependant, n'ayant pas de griefs particuliers contre Kavitchie et souhaitant honorer son amitié naissante avec Flocon, il décida de suivre Flocon, plus pour lui et Kavitchie que pour Haruhi donc.

Il s'envola par la fenêtre que Haruhi avait brisé. Il n'eut aucun mal à repérer le tracé de la poubelle sur le sol. Il le suivit jusqu'à la tombe où Haruhi s'était écrasée. Visiblement, en effet, Haruhi était en difficulté. Mais, comme ça, Blackie ne voyait pas de problèmes concernant Kavitchie. Qu'est ce qui clochait pour que Flocon s'inquiète ?

Blackie suivit le petit Flocon, quelque peu inquiet, il est vrai. Même s'il ne portait pas Haruhi vraiment dans son coeur, il ne pouvait pas pour autant la considérer comme son ennemie ou la détester pleinement. Comme chaque être, elle avait ses bons et sa mauvais côté, mais comme on dit, chez elle, les mauvais côtés avaient tendance à plus ressortir que les bons. Une résurgence de la vraie Haruhi peut-être ?

Une fois arrivé, Flocon somma Kavitchie de se raisonner. Visiblement, sa maîtresse était possédée. Par quoi, allez savoir, mais Kavitchie n'était plus elle-même. Au début, Blackie pensa juste qu'elle réclamait enfin sa vengeance légitime sur Haruhi pour lui avoir tiré dessus mais finalement c'était, apparemment, une entité qui la possédait. Alors qu'il hésitait à intervenir, la maîtresse de Flocon envoya celui-ci contre lui et tous deux se retrouvèrent à terre, l'un sur l'autre, un peu sonné.

Haruhi n'en menait pas large. Elle tremblait de peur et avait dans les yeux cette lueur de terreur et d'incompréhension qui ne lui ressemblait pas. En effet, elle avait toujours été j'menfoutiste à propos de la mort. Mais peut-être que ce n'était pas la mort qui lui faisait peur mais la douleur. Fière, hautaine, méprisante, ça lui ressemblait plus, peureuse, impuissante, cela ne lui ressemblait pas. Un autre effet de ce monde peut-être, rendant les choses plus affreuses dans cet univers gothique à souhait.

En tout cas, Fujino ou Kavitchie, Haruhi avait de quoi s'inquiéter point de vue torture (mais Fujino, ce sera une autre histoire). Elle sursauta rien qu'à voir le bras de Kavitchie se lever pour frapper. Elle lui lacéra le bras, déchirant jusqu'à son manteau de cuir et son pull de laine en dessous. A présent, son bras tout entier à découvert laissait voir un tracé de trois lignes rouges perlant de sang. Haruhi hurla si fort que Blackie n'aurait jamais suspecté qu'un tel cri de douleur puisse sortir de sa bouche. Incroyable comme tout de suite, sa maîtresse semblait un autre personnage, acculée, tremblant de peur et pliée de douleur.

Kavitchie lui posa une question à laquelle elle fut bien en mal de répondre, tant parce qu'elle avait mal que parce qu'elle ignorait la réponse.

Flocon paniqua, arguant qu'il fallait aider Haruhi. Bizarre pour quelqu'un qui en voulait au familier, et à Haruhi qui avait tiré sur sa maîtresse. Au début, Blackie avoua qu'il ne voyait pas l'intérêt de la sauver parce qu'elle pourrait renaître et qu'au moins cela la remettait à sa place. Mais en même temps, là, ça dépassait les bornes de la punition bien morale. Mais que faire ? Il risquait de ne pas faire mieux que Flocon et d'avoir le même châtiment, aussi petit était-il.

Blackie tenta tout de même de saisir Kavitchie par les cheveux avec ses serres pour la forcer à laisser Haruhi tranquille.

[HRP: je me rends compte que j'ai pas rép à la question de ton perso, désolé, je l'avais fait mais j'ai pas arrêté d'éditer mon message parce que je savais pas ce que je voulais faire et du coup, la réponse à la question est passée à la trappe et j'ai oublié de la remettre]

Blackie n'eut bien sûr pas toute la force nécessaire pour arrêter Kavitchie. Il paya chèrement, plus que Flocon, sa témérité. Son aile fut transpercée par une épine. Une blessure assez bénigne au final, mais qui lui ferait tout de même quelques douleurs en volant pendant quelques temps.

Mais ce que Haruhi allait subir était bien pire. Elle fut blessée ensuite à la jambe de la même façon qu'au bras: trois longues plaies s'étirant de haut en bas et perlant de sang, son pantalon ouvert, déchiré, lacéré. Son cri de douleur tant souhaité par Kavitchie se répercuta dans les rues de Halloween Town. La douleur était trop insupportable et à présent, elle se tenait sur tout son corps brisé. Blackie continuait à s'étonner de la voir dans cet état, hurlant à l'agonie. Même pas une petite pique, une petite provocation ou un léger sarcasme. Sachant que Haruhi pouvait renaître, il fut même étonné qu'elle ne se tue pas elle-même pour mettre fin à ses souffrances. Mais en même temps, avec quoi ?

Jack vint avec la montre ce qui causa un gros trouble dans l'esprit de Kavitchie qui s'assomma malgré elle contre une tombe et s'écroula. Haruhi se redressa avant de grogner parce que ça la lançait dans tout le corps, elle se rallongea. Puis, en jetant un dernier regard sur la quantité de sang qu'elle avait perdu, elle s'évanouit.

Flocon, toujours aussi paniqué et impuissant, ne put que demander à Blackie de traduire pour Jack ce qu'il demandait: ramener Haruhi et Kavitchie à l'intérieur pour les soigner.

-Mais il va y avoir du sang partout... En fait, non, ça, ça va. Mais je ne suis pas médecin. Hmm, mais je connais la personne parfaite.

-Jack ! Mon ami ! Mais que fais-tu ? Oh, un crime sanglant, le prochain Halloween ? Magnifique ! Oh et c'est cette fille qui voulait qu'on l'adore ! Oh ça me donne une idée merveilleuse. Comme il est plus facile de l'adorer tout à coup.

-Monsieur le maire, vous tombez bien. Demandez de l'aide pour ramener ces gens au sol chez moi. Je cours chercher le professeur Finklestein.

Le maire s'activa, accompagné du loup garou et de l'homme hagard, les yeux exorbités, une hache dans la tête. Une fois à l'intérieur, Blackie s'approcha de Haruhi en l'examinant.

-Jamais je n'aurais pensé vous voir comme à l'instant maîtresse. Vous qui êtes censé être tout ce qu'il y a de mauvais en Haruhi, je suis étonné. Il avouait qu'il était assez touché par la détresse de sa maîtresse. L'avoir vu ainsi... C'était bizarre d'être inquiet quand on savait qu'elle était capable d'outrepasser la mort, mais la voir blessée ainsi, à l'article de la mort, c'était particulier.

Blackie hocha la tête vers Flocon. Il n'était pas certain d'avoir tant que ça été d'une grande aide. Mais après tout, pourquoi pas. Un peu de considération, ça ne se refusait pas, surtout quand on était le sbire d'une sorcière comme Haruhi et qu'on nous collait d'habitude une étiquette sur le dos avec marqué "Malchance, méchant, noir et Mal incarné". Dur, dur d'être un corbeau avec tous ces stéréotypes.

-De rien, je crois avoir fait cela pour ma maîtresse avant tout.

Arriva Jack avec le professeur Finklestein. Ce scientifique en fauteuil roulant s'avança en un bruit de machine électrique grésillant.

-Bien, où sont-ils mes patients ? Grogna t-il de sa bouche proéminente parsemés de dents épars, toutes cariées.

Il s'approcha tour à tour des deux "comateux" et sans les toucher, les regardant à peine en un léger "mmm" en se tenant le menton. Il enfonça davantage ses gants de caoutchouc noir sur ses mains. Il revint vers Jack et déclara:

-Le loup n'a trois fois rien. Un peu d'extrait de salamandre infusé dans de l'eau chaude fera l'affaire. En revanche, la jeune vampire va avoir besoin d'une transfusion rapide où nous allons la perdre. Elle a perdu bien trop de sang. Le problème c'est que je n'ai pas de sang à transfuser. Et que j'ignore le groupe sanguin de la demoiselle. Je vais donc procéder à une analyse mais cela va me prendre du temps. En attendant, Jack et les autres, vous devez la pendre par les pieds pour obliger le sang à remonter dans la tête.

-Euh, vous êtes sûr, docteur ?

-Remettrais-tu mes compétences au doute. Allez hop, les pieds au plafond, je prélève son sang et je vais l'analyser. Je reviens. Acheva t-il en prélevant un peu du sang de Haruhi.

Blackie doutait fort que pendre Haruhi par les pieds soient une bonne idée, mais au moins, elle ferait plus vampire. Quelque part, il s'en voulait de les laisser galoper comme ça. Après tout, si elle devait mourir, ce ne serait pas un problème. Dans son état, il fallait peut-être mieux la laisser crever et renaître que s'évertuer à la maintenir en vie. Oui, c'était assez glauque à dire, mais au fond c'était la vérité.

Jack et les autres hissèrent Haruhi au plafond, et elle faisait vraiment vampire suspendu à une poutre.

Blackie ne savait pas trop quoi faire et la remarque de Flocon était assez sensée. Mais sans arrêt, cette question le taraudait. Laisser Haruhi dans cet état, ne rien dire ou bien encourager à la laisser mourir. Si elle mourrait, elle reviendrait en pleine forme, bien plus que si on la guérissait de ses blessures. Mais en même temps, Haruhi ne voulait pas qu'on sache qu'elle avait ce pouvoir. Alors que faire ? Surtout que Blackie avait beau savoir que ce n'était pas vraiment la tuer, cela demeurait, à ses yeux, immoral de la laisser mourir. Mais cela le paraissait aussi de la laisser souffrir inutilement.

S'il avait eu des lèvres, il les aurait mordillé, hésitant à raconter à Flocon son trouble intérieur, à traduire sa question qui l'inquiétait et ses inquiètudes. Dans le langage de Flocon, il se risqua à lui révéler un secret:

-Ecoute, c'est un secret, mais Haruhi est le reflet de la vraie, une émanation d'un miroir magique, ce qui fait qu'elle peut ressusciter tant que le miroir est intact. Du coup, j'hésite presque à laisser ma maîtresse mourir pour qu'elle puisse se "réinitialiser", pourrait-on dire, qu'elle ne souffre pas inutilement. Mais est-ce bien moral ? C'est pour ça que j'hésite à intervenir.

Après une longue attente, le docteur Finklestein réapparut soudain avec un grand sourire aux lèvres. Il clama:

-C'est tout à fait stupéfiant. Ce sang est tout à fait incroyable, d'une composition que je n'avais encore jamais vu chez un être humain. D'un groupe sanguin inexistant. En fait, c'est assez stupéfiant, on dirait presque qu'il ne s'agit pas de vrai sang et en même temps, ça en est quand même.

-Mais avez-vous du sang à transfuser ?

-Es-tu sourd ? Je viens de dire que je n'avais jamais vu de sang comme ça. Je n'ai rien du tout, on ne peut rien faire pour le moment. Et transfuser un sang quelconque à un organisme que nous ne connaissons pas, cela pourrait avoir des effets assez graves... En attendant, j'ai l'infusion de salamandre pour l'autre fille. N'oubliez pas de lui pincer le nez et de la faire tourner dans le sens des aiguilles d'une montre.

-Qui ? La jeune fille ?

-Mais non, l'infusion, triple buse.

Blackie appréciait que Flocon partage à son tour un secret. Cela le rassurait et lui donnait l'espoir que cette confiance mutuelle serait garante que ces secrets le resteraient. Flocon donna son avis et Blackie soupira. Il appréciait ses paroles mais en même temps, il savait que, concernant Haruhi, cela était vide de sens.

-Haruhi n'apprendra jamais rien. Elle est tout ce qu'il y a de négatif en la vraie Haruhi. Jamais elle ne comprendra comme la vie est fragile alors qu'elle a déjà tant de fois revu le jour. Seule la mort définitive le lui rappellera, et ce jour-là il sera trop tard pour s'en persuader. En fait, comme je suis un corbeau, j'ai rêvé et présagé sa mort. Elle n'a plus longtemps à vivre, même si j'ignore pourquoi. Ce que j'espère c'est que la vraie Haruhi n'en souffrira pas, qu'elle prendra sa place. C'est pas gagné.

Blackie fut fort étonné par la suite que Kavitchie se réveille et plus encore, qu'elle s'occupe de Haruhi. Cette femme ne semblait n'avoir aucune rancune, ou en tout cas, elle ne le montrait pas. Elle aidait son bourreau à se relever et à survivre. Pourquoi ? Savait-elle seulement que Haruhi n'aurait aucune reconnaissance ? Qu'elle profiterait du moindre instant de conscience qu'elle pourrait retrouver pour étrangler Kavitchie ? Blackie connaissait trop bien Haruhi pour savoir qu'elle réagirait ainsi.

Le docteur Finklestein, lui, ne sembla pas apprécier et critiqua:

-Apprentis médecins ? Vous parlez à un spécialiste, mademoiselle ! Et transfuser du sang que le patient vient de perdre, récolté par terre, c'est contre tout principe d'hygiène. Dit-il en cachant ses outils qui, à l'évidence, avait bien besoin d'un nettoyage, l'hygiène ne semblait pas vraiment son fort non plus.

Du sang, son propre sang, fut transfusé à Haruhi. Blackie continuait de penser à la terreur dans les yeux de sa maîtresse. Jamais il ne l'avait vu aussi humaine. Cette terreur le terrifiait lui-même, ses yeux dans son esprit le hantait. Pouvait-elle même finalement, éprouver de la reconnaissance ? Après ce que Blackie avait vu de sa maîtresse aujourd'hui... Pourquoi pas ?

Puis, soudain, brutalement, comme sortie d'un mauvais rêve, la jeune femme ouvrit les yeux. Ils brillaient d'un éclat étrange. Et puis, comme poussée par une force incontrôlable, elle mit lentement ses mains sur ses yeux et fut prise de violentes convulsions. Elle se mit à hurler de douleur et de peur.

-Qui... Qui... Suis-je ? Ha... Ha... Har... Non, ce n'est pas mon nom... Je ne sais plus... Aidez-moi... Enlevez moi ça... Par pitié, aidez moi... J'ai trop mal... Je la sens... Couler en moi... Mon bras... Je ne sens plus mes bras... Argh !

Blackie était tétanisé. Ce qu'il voyait ressemblait à une scène d'horreur, digne d'une séance d'exorcisme. Il vit que les veines du bras de Haruhi semblait briller d'un éclat bleuté et jaunâtre.

-J'ai la... Sensation... Fait mal... Que... Mon bras... Est transpercé... De milliers de bris de verre... Arrêtez ça...

C'est à cet instant précis, en voyant le regard de Haruhi vers lui, que Blackie comprit que cette fille n'était pas Haruhi, ni la vraie, ni la fausse.

Blackie ne savait plus trop quoi penser, ou disons que c'était encore pire qu'avant. En plus, tout ce qu'il avait envisagé tantôt se retrouvait ébranlé. Finalement, Haruhi n'avait pas été ce "modèle" d'humanité, elle n'avait à aucun moment montré la moindre parcelle d'humanité. Au contraire, Blackie voyait soudain toute la cruauté et son côté inhumain dont Haruhi faisait preuve. Il était... Déçu, le mot n'est même pas assez fort. Et dire qu'il s'était même pris de compassion pour sa maîtresse alors qu'elle était sans doute ailleurs, en pleine santé. Presque, il enrageait d'avoir été aussi naïf.

Mais depuis quand cette Haruhi n'était pas la bonne ? Il voyait quelques hypothèses, mais il n'y aurait sans doute qu'elle pour lui expliquer. De toute façon, étant son animal de compagnie, et Haruhi étant assez mégalomane et hautaine, elle ne se gênerait sans doute pas pour se vanter de sa supercherie. Il finirait par savoir la vérité, cela ne faisait aucun doute.

Kavitchie tâchait d'aider Haruhi au mieux. Elle avait cessé sa tentative de lui transfuser du sang, et elle tâchait de panser les plaies. Celles-ci cessaient peu à peu de verser du sang (qui ne coulait que de quelques gouttes depuis peu, mais là cela coagulait enfin), mais prenait une couleur étrange. Trace du sang maudit de Haruhi ou simple cloque ? Blackie ne savait pas s'il fallait dire à Kavitchie que cette Haruhi n'était pas la bonne. Elle risquait de s'en vouloir d'avoir causé du mal à une personne étrangère. Car Blackie comprenait à peu près le problème: ce sang était bien celui de Haruhi, allez savoir comment, ce pourquoi le docteur Finklestein l'avait qualifié de stupéfiant, ce pourquoi cette personne allongée avait mal réagi à ce sang très particulier, empli, sûrement, de négativité.

Mais Kavitchie finirait forcément par s'en rendre compte. Une fois encore on pouvait compter sur le caractère de Haruhi pour faire savoir qu'elle était satisfaite de les avoir tous roulé. Il s'étonnait presque qu'elle ne soit pas déjà là pour se moquer.

Il prit son courage à deux mains et expliqua à haute voix à Flocon, n'osant pas s'adresser directement à Kavitchie, parlant cependant assez fort pour qu'elle entende:

-Je suis désolé. J'aurais dû m'en douter, mais cette fille n'est pas ma maîtresse, je ne le savais pas. J'ignore comment, quand, pourquoi, mais ma maîtresse vous a fait croire que c'était elle.

Pendant ce temps, Haruhi réapparaissait sur la place, une boîte de balles pour pistolets dans la main. Elle tira avec son pistolet et arracha le diable à ressort pour pouvoir placer ses balles. Elle espérait que cela marcherait, que le monde n'avait pas transformé son arme au point d'en modifier le fonctionnement. Elle plaça les balles dans le barillet et le referma un sourire malsain sur la figure.

-Et voici mon dernier tour, ma dernière petite surprise.

-Ah mademoiselle ! Vous voilà ! Votre magnifique mort nous a inspiré une fête comme vous vouliez. Regardez nos concitoyens préparent une représentation de vous en paille. Nous allons la faire menaçante, effrayante comme nous vous avons vu, et ensuite nous la ferons se faire lacérer par le loup garou dans une magnifique représentation sanglante et ensuite nous la brûlerons.

-Quoi ? Tu te moques de moi ? J'ai dit de m'adorer pas de me torturer.

-Mais madame comment vous adorer ? On ne vous connaît pas. J'ai pensé que nous pourrions adorer votre sens de la mutilation et brûler cette poupée en signe de libération, comme par le passé.

-Tu songes déjà à ta libération ? Je vais vous donner des raisons de me craindre quand j'en aurais fini avec ces larves chez Jack.

Blackie s'en voulait. Il ne savait pas pourquoi, mais c'était comme ça. Il aurait tant aimé se rendre compte de la supercherie avant. Après tout, c'était lui le familier de Haruhi. Il devrait la connaître mieux que quiconque. Pourquoi n'avait-il pas compris dès qu'il avait vu "Haruhi" terrifiée, verte de peur ? Il avait su à cet instant que quelque chose clochait mais il n'avait pas su deviner le pire. A présent, les choses étaient clairs et limpides, et elle n'étonnait même pas Blackie. C'était du Haruhi tout craché. Un reflet, empreint du pouvoir d'un miroir, le genre d'être à même de concevoir des illusions, c'était pourtant logique.

Au moins, Kavitchie ne semblait pas s'en vouloir. Elle semblait résolue. C'est tout ce que Blackie trouva à redire en voyant le visage de la jeune femme. Il baissa la tête et s'approcha de la fausse Haruhi. La question qui lui restait, qui le taraudait, c'était: qui était réellement cette femme ? S'agissait-il d'une simple illusion qui retournerait au néant ? Ou une véritable personne changée en Haruhi ? La dernière solution ressemblait davantage aux manigances de sa maîtresse. Si seulement, cela pouvait être une illusion. Kavitchie n'aurait pas à s'en vouloir.

Une autre question le poursuivait ? Si cela avait été Haruhi, la vraie, qui s'était faite massacrer, aurait-elle réagi de la même manière. Blackie aurait tant voulu voir en sa maîtresse un semblant d'humanité et de sentiments. Voir une détresse sincère dans ses yeux qui aurait prouvé qu'au fond d'elle-même, elle ressentait des choses et qu'elle était capable de faiblesses qui étaient à son honneur.

Blackie se retourna et vit que Flocon n'était plus là. Il s'approcha de la fenêtre et vit qu'il se posait derrière Haruhi. Il jeta un regard à Kavitchie et il comprit tout de suite ce qu'il se tramait. Il baissa la tête tristement. Il ferma les yeux pour ne pas voir. Il savait que c'était la seule chose à faire. De toute façon, elle revivrait. Mais tout de même, ça faisait mal après de telles émotions. En fait, il s'étonnait même que cela ne soit pas arrivé plus tôt. Kavitchie aurait pourtant eu tant et tant de raisons de la tuer. Encore plus à présent. Justice devait être rendue après tout. Mais elle ne le serait sans doute que lorsque Haruhi retournerait dans le miroir et que la vraie reviendrait dans le monde des vivants. Et encore... Justice serait-elle faite ? Le mal était fait après tout.

Haruhi ne remarqua pas la présence de Flocon. Elle dévisageait le maire, furieuse. Elle finit par déclarer:

-Et puis, non. Je vais d'abord m'assurer que vous compreniez bien la nouvelle réalité.

Elle s'avança vers son effigie en paille, sur une estrade. Elle saisit une torche et enflamma la statue et se posta devant d'un air de défi.

-Votre ville m'appartient ! Vous m'appartenez tous ! Ici commence mon règne ! Vous aimiez la peur, la terreur ? Je vais vous en donner !

Elle plongea sa main dans le feu et lança des gerbes sur un bâtiment proche et l'enflamma. Les habitants se mirent à courir, certains se précipitant en criant vers les seaux. Haruhi tira de son pistolet sur un seau pour le trouer, l'empêchant de se remplir. Blackie avait l'impression en entrouvant les yeux de la revoir à Japanîmes, brûlante de rage, effrayante dans toute sa colère.

-La fête est terminée !

Et alors que les flammes découpaient sa silhouette et que les flammes lui donnaient des couleurs entre le rouge, l'orange et le jaune sur tout le corps, Blackie vit soudain en cette femme le diable, le démon dans son plus bel apparat de flammes et de rouge.

De derrière la fenêtre du manoir de Jack, Blackie ferma ses yeux à nouveau quand il vit Kavitchie apparaître derrière Haruhi. A présent, il n'y avait plus de machine arrière possible. Le destin avait scellé celui du tyran en herbe.

Haruhi n'avait pas prévu ce qu'il lui arriva. Elle vit Flocon sous son nez et elle en fut irritée.

-Qu'est ce que tu veux toi ? Casse-toi ! Casse-t...

Son seul réflexe fut d'écarter les bras tandis que la glace transperçait son buste. Elle cracha un filet de sang en sentant ses yeux se révulser. Elle faisait de petits sons gutturaux, la bouche ouverte, les yeux ronds comme des soucoupes. Elle baissa les yeux sur son buste transpercé, ses pieds effleurant le sol comme si le temps s'était arrêté lors de sa chute en avant. Elle jeta un regard en arrière pour voir son bourreau. Quand elle vit Kavitchie, ses lèvres tremblèrent de dépit et elle bredouilla:

-P-p-pourquoi ? J'ai froid... Si froid.

Blackie osa ouvrir les yeux pour les plonger dans ceux de Haruhi. Il espérait pouvoir y discerner une émotion. Cette fois-ci, que c'était elle, il voulait savoir s'il avait peur de la mort et si sa maîtresse était capable d'éprouver quelque chose de noble et de touchant. En la voyant ainsi, Blackie ne put le dire. La surprise se lisait dans les yeux de sa maîtresse, mais la tristesse ou la peur... Impossible à dire. Seul son corps, ses lèvres surtout qui tremblaient, palpitaient, semblait laisser penser qu'elle était triste.

Haruhi s'effondra en avant une fois que la glace fut extraite de son corps. Elle chuta au bas de l'estrade aux pieds de quelques habitants s'étant approchés pour voir ce qui se passait. Les habitants semblaient décontenancés, ignoraient comment réagir à la mort d'un personnage comme Haruhi, car on pouvait bien parler de personnage plus que de personne.

Malgré que Kavitchie semblait regretter d'en arriver là, elle avait tout de même extrait le coeur de Haruhi, ce que Blackie trouva étrange. Pourquoi aller jusque là, aussi loin si Kavitchie s'en voulait de tuer quelqu'un ? Le coeur de Haruhi, ou ce qui en tenait place, était un morceau de verre, coupant comme l'acier, gros comme le poing. Le corps de Haruhi finit une fois encore par disparaître, se désagrégeant, réduit en poussière avant de se faire balayer par un vent venu dont on ne sait où.

A cet instant, la fausse Haruhi changea d'apparence. Le sort de Haruhi était brisé sans doute, pensa Blackie. A la place, il apparut une jeune femme. Elle avait les yeux jaunes, complètement, la peau très pâle, parcourue d'hématomes et de ces traces laissés par le sang de Haruhi. Elle avait les cheveux noirs mais qui semblaient virer au blanc. Et surtout, elle avait les oreilles pointues. Blackie eut été en peine de savoir quelle partie de son corps avait été modifié par le sang de Haruhi. Ses cheveux, ses yeux et sa peau n'avaient rien de naturel, et cela n'aurait été ce monde rempli d'habitants déjà bizarres, il aurait dit que ces parties du corps avaient subi une mutation suite à l'exposition du sang de Haruhi.

Blackie observa le morceau de verre à ses serres. Jamais il n'avait vu le coeur de Haruhi et il ne savait pas qu'il puisse exister ceci dans le corps de Haruhi. S'agissait-il vraiment de son coeur ? Ou le corps tout entier était-il composé de bris de verre ? Venant d'un reflet, tout était possible, le pire comme le meilleur. Blackie se demandait aussi ce que ça changeait que Kavitchie ait pris le "coeur" de Haruhi. Celle-ci allait-elle pouvoir réapparaître du coup ? Etait-elle du coup provisoirement morte ? Il le verrait peut-être en ramenant le coeur au miroir à Port Royal.

Kavitchie posa une question. Elle avait deviné ce que Flocon et lui s'étaient déjà dits. Comme elle finit par revenir sur sa question, le corbeau préféra en profiter pour ne pas répondre. De toute façon, il savait déjà que Kavitchie avait déjà deviné, sinon pourquoi serait-elle revenue sur sa question ? Il lui demanda de jouer les traducteurs. Mais pourquoi donc ? Kavitchie lui ordonnait d'aller parler à la jeune femme, à sa place. Regrettait-elle quelque chose ? Oui sans aucun doute, mais cela la dissuadait-elle de parler d'elle-même ? Avait-elle honte ? Peur ? Mais au fond peu importait, Blackie comprenait que cela puisse être dur, et avait aussi envie d'en savoir plus. Alors autant pour lui que pour Kavitchie, il ferait le traducteur.

Flocon demanda le nom, le monde d'origine de la jeune femme. Blackie acquiesça. Savoir son monde d'origine donnerait une meilleure idée (ou pas) quant à son apparence. Quoique... Blackie se demanda si son apparence étrange n'était pas dû à Halloween. Kavitchie et Haruhi avaient subis des mutations en entrant dans ce monde. Impossible donc de savoir pourquoi cette femme semblait si... Etrange. Seul le temps le dirait sans doute. Ou alors il faudrait lui poser la question, mais Blackie trouvait ça indiscret.

Blackie traduisit les questions de Flocon à la jeune femme. Celle-ci secoua la tête négativement. Elle répondit:

-Il allanë am o'liran. Il arh elvany.

Blackie comprit que la jeune fille n'était pas d'ici. Mais il se demanda du coup comment Haruhi s'était trouvé cette victime venu de si loin. Avait-elle tout prévu dès la première seconde où ils étaient arrivés ? Impossible. Elle ignorait que Kavitchie serait là. Il lui tardait d'aller rejoindre sa maîtresse et d'exiger quelques explications... Qu'il n'aurait peut-être pas d'ailleurs. Haruhi avait son caractère et sa défaite la rendrait irascible.

-Elle ne parle pas notre langue. Fort heureusement, je connais cette langue. C'est de l'elfique moyen. Blackie reposa sa question en elfique. Une belle langue qui coulait comme de l'eau dans le gosier.

-Il arh Sylvana. Il come di Shinrya.

-Elle s'appelle Sylvanas. Elle vient de Shinrya. Je vais lui demander ce qu'elle fait là.

-Il salte naïn. Un humani'sala trille sylvari illo ollorë in haras. Il fi calanam illo... Il arh da.

-Elle ne sait pas. Une humaine l'a trouvé dans la forêt et l'a retenu prisonnière jusqu'à ce qu'elle fut appelé ici. J'imagine que c'est Haruhi. Elle a dû l'appeler et la changer en elle, lui donner sa voix et sa maîtrise de la langue commune le temps de nous duper. Je... Je savais qu'elle était maléfique, mais cruelle à ce point... Ca dépasse tout ce que j'imaginais. Je me demande même quand elle a pu faire ça, vu que je suis toujours avec elle.

Kavitchie daigna s'approcher de Sylvanas. Une fois près d'elle, ses oreilles pointues se redressèrent et ses yeux s'arrondirent. Elle semblait tous sens en alerte, intriguée comme un animal qui voit s'approcher quelque chose qu'il ne connaît pas. On sentait tout de même un peu de crainte. Mais cela était dû plus au souvenir de la cruelle Bloody Kavitchie que de la rancune quant au sang que Kavitchie lui avait transfusé. Pour cela, Sylvanas n'avait aucune rancune et même comprenait que tout était parti d'un bon sentiment.

-Yami arh un aldaras sonzaï ? Tu ne faïrh malya ilma ?

-Elle demande si le mal en toi est une autre personne, si tu ne lui feras pas de mal. Elle se souvient sans doute de toi et des mutilations que tu lui as faite, mais comprend que tu étais dans un état second. Visiblement, elle te fait confiance. Les elfes sentent mieux les choses que les humains. Ils sentent la vraie nature des choses, ce qui ne les empêche pas de se méfier mais au moins de savoir faire la part des choses.

Blackie observa les longues marques encore entrouvertes mais cautérisés qui parcouraient le bras et la jambe de Sylvanas. Ces même marques qu'il avait cru administré à Haruhi mais qui n'avait finalement pas souffert à ce point. Finalement, le sort de Haruhi avait été plus enviable que celui de Sylvanas. Mourir transpercée, en sachant renaître, devait être moins horrible.

Blackie observa aussi le coeur de verre tandis qu'on lui demandait de l'accompagner. Il avouait qu'il avait très envie de comprendre et de voir si Haruhi avait besoin de ce coeur. Envie de savoir toute la vérité et de poser des questions à Haruhi, mais après tout... Il y avait peut-être le temps de profiter d'un voyage entre amis et d'aider une personne en détresse.

-Je veux bien. Mais il me faut vous avouer que Shinrya est dans un piteux état. Hmm, tu me diras, si Haruhi l'a trouvé... Sylvanas doit déjà le savoir. Hmm... Tu scïllo dath Shinrya arh desylis ?

-Yel. Illo corillis... Maï... Il sumau la, parys sylvain. Ilma shomin sumaun parys sylvain. Nos riclëmya os terra. Maï, il arh solë fol insta.

-OK. Je lui demandais si elle savait pour Shinrya et oui. Elle sait que ce monde est en ruines et corrompu mais elle vivait là, parce que son peuple vivait là bas avant sa destruction, avant les Shinryens d'ailleurs et que c'était le bon moment de reprendre leur terre, même si elle est la seule pour l'instant à y être retourné... C'est une vieille histoire. Les humains ont simplement chassé les elfes de Shinrya, le paradis comme on l'appelle, il y a plus de huit cents ans. Depuis, les elfes sont peu nombreux et peut-être même éteint; Sylvanas risque d'attendre longtemps de voir son peuple la rejoindre... Enfin, bref. Là bas, aussi délabré cela soit, c'est là qu'elle vit et elle est prête à y retourner. Je vous accompagne.