O'er a soldier's neck [RP Solo - En cours]

Un seul mot pouvait alors décrire ma tenue : élégance ! J'arborais une magnifique coiffe à grand bords, ornée d'un panache de six pieds, rouge et doré, une veste verte brodée de fil d'argent, aux manches écrues et crevées. Mes bottes avaient tant de boutons qu'on aurait pu les prendre pour une console d'orgue et elles étaient parées de rubans de soie. A mon côté, une épée à la lame étroite, à la garde faite d'entrelacs argentés et niellés, recouverte d'un fourreau de cuir aux gravures dignes des grands maîtres. Même ma ceinture se finissait par une boucle massive, de cuivre, elle.
Et le château était à la mesure de mon accoutrement...
Les coupoles aux milliers de tuiles, parées de dorures somptueuses, dominaient le ciel. Les pointes des tours perçaient les nuages et effleuraient de leurs doigts d'acier noir le ciel clairsemé d'étoiles blanches.
Pour la soirée on avait fait descendre le soleil jusque dans la cour (ou presque) : un bassin tout doré reflétait la lumière de la lune, aidé toutefois de quelques foyers et bougies pour le rendre plus étincelant. Partout autour, les couples flamboyants dansaient un menuet subtil et délicat, tandis que les célibataires, tenus en respect par les mets les plus raffinés, rechignaient avec une grâce toute innocente à laisser libre cours à leur appétit.
De mes doigts couverts de bagues pierrées -- améthystes, perles, saphirs, rubis, quartz -- je leur enseignai l'art de dérober la cuisse de poularde braisée, d'en arracher la peau et la chair sans en perdre une miette et de jeter l'os dans le même temps qu'on s’époussette la bouche avec un mouchoir blanc. Mes mains aussitôt débarrassées de la graisse, j'invitais une jeune demoiselle à me faire participer aux gigues et aux farandoles.
-- Monsieur le comte ! rougit ma partenaire alors que je la faisais tourner entre mes mains, mes doigts courants le long de sa taille comme autour d'une poterie qu'on façonne. M'accompagneriez vous à l'intérieur du château ?
J'embrassais profondément le cou de la demoiselle et, derrière mon masque de renard fougeux, souriait.
Un instant plus tard nous nous retrouvâmes au milieu d'une salle immense, entre deux rangées de colonnes creusées en bas-reliefs. Ici nos chuchotements résonnaient comme des cris.
-- Halte-là ! nous interrompit un trouffion glorifié d'une armure et d'une hallebarde, accompagné de deux sbires -- assez sobres pour le mettre en valeur. Nous savons qui vous êtes !
Alors je me dévoilai, retirai mon masque pour leur offrir la vision de mon sourire radieux et de mon regard vif. Ils reculèrent devant cette révélation et j'en profitai pour dégainer ma rapière et me mettre en garde.
-- Approchez, messieurs ! leur criai-je. Qui dois-je transformer en brochette le premier ?
L'un des sbires me répondit par un hurlement bestial, abattant sa longue hache contre ma parade en quinte. Le métal glissa contre le métal et le fer de son arme tomba lourdement, à un doigt des pieds de ma compagne.
-- N'ayez crainte, lui lançai-je en poinçonnant le cœur du téméraire, ces hallebardiers ne m'arrivent pas à la cheville.
Ce-disant, j'illustrai mon propos en cassant le nez du garde principal d'un coup de talon. L'autre homme préféra fuir que de continuer à combattre.
-- En garde ! ordonnai-je au dernier restant, qui se tenait le nez d'une main gantelée, sans pouvoir empêcher le sang d'en couler.
Il revint à la raison et dégaina sa propre épée, une chose rudimentaire et très laide qu'il mania avec lourdeur et sans grande compétence.
Après un bref échange de coups, j'empalai son aine, retirai ma lame avec un filet de sang brun, passait un mouchoir en dentelle sur le tranchant souillé et rengainait. Je lui lançai l'instant d'après une petite escarcelle.
-- Tenez l'ami ! Une bourse contre une autre !
Je pris ensuite ma douce amie par la main et la fit courir à mes côtés dans les escaliers, puis les couloirs du château. Mes pas me guidaient infailliblement vers mon objectif véritable : la salle du trésor.
-- Mais, comte, si l'on vous capturait ! s'exclama la demoiselle.
-- Allons, allons, j'ai su me défendre de ces rustres et la fortune est à portée de main. Bientôt ces ces richesses seront les nôtres, et le Roi devra me vendre son château pour payer ses créances.
Je fis un pas de côté et désignai la fenêtre.
-- Un bateau attend les cargaisons d'or, juste en bas, continuai-je d'expliquer. Le trésor sera loin avant que les gardes ne m'attrapent, et moi, je saurais les mater, ces faquins.
-- Oh, monsieur le comte ! se pâma la jouvencelle.
D'un coup de pied, je crochetai la serrure et ouvrai la porte.

Puis je fis un pas en arrière.

La salle puait la sueur et la mauvaise bière. A l'intérieur, une vingtaine d'hommes s'adonnaient à une rixe passionnée. Et c'est alors que je les vis.
Toutes les deux.
La main dont la bague me fit sauter une dent, et celle qui s'abattit sur ma tempe l'instant d'après.

A mon réveil j'entendis les rires et je sentis l'eau froide contre mon torse. Je me relevai de la flaque et me salis la main en tentant d'enlever la boue de mon visage. Je fis quelques pas pour m'éloigner des moqueurs et me laissai tomber sur une pierre, non loin de l'entrée de la ville. Ma langue glissa le long de mes dents, s'arrêtant à l'emplacement où il en manquait une.
-- Putain ! hurlai-je.

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