[SOLO] Re:Birth by Sleep

♫ Musique ♫

- Aller, [...] ! Tu peux le faire-
- Il doit être-
- [...], suis-moi, je dois-
- [...], je serai là si tu-
- Salut, moi c'est-
- [...], tu dois mieux-
- Pourquoi les étoiles-
- Les Mondes ? Pourqu-
- Non. Vous devez rester-
- Alors, [...] ? Comment-
- Comme maintenant ?-
- Forge la-
- Je trouverai toujours-
- Pourquoi tu ne te réveilles pas ?

Pourquoi ? Parce que. C'était un fait. Une réalité. Personne ne pouvait y faire quelque chose. Pas même lui. Il en était incapable. Il avait toujours été faible. Il avait toujours échoué. Il avait toujours souffert en silence. Il avait toujours fait semblant d'être heureux. Mais ce n'était que mensonge. Il avait passé des bons moments auprès d'amis, mais à présent, c'était terminé. Il ne les reverrait jamais. Il était condamné dans sa prison. Seul. Il n'y avait personne pour lui tenir la moindre petite compagnie. Enfin. Si. Auparavant. Cependant, depuis quelques mois voire années, elle avait disparu, l'abandonnant. Il était pris dans un piège duquel il ne pouvait s'en sortir pour rejoindre cette présence à présent disparue.

C'était peut-être mieux ainsi. Au moins, il ne se mentait plus. Et il était plongé dans cette solitude qu'il avait tant désiré. N'était-ce pas merveilleux ? Un rêve qui se réalise enfin...

Non. Pas du tout. Au contraire, ça ne faisait qu'augmenter ses douleurs. Son cœur était martelé, maltraité. Il se serrait dans sa frêle poitrine. Il avait l'impression qu'il allait finir par exploser pour ne rien laisser derrière lui. De toute façon, tout le monde l'avait abandonné alors il avait dû être oublié.

- Je ne manquerai à personne...

Pourtant, une larme s'échappa d'un de ses yeux pour glisser le long de sa joue et s'écraser sur le sol. Il était pathétique à ce moment-là. Il disait n'importe quoi. Il avait des amis qui devaient attendre son retour. Pas vrai ?

Cela faisait depuis trop longtemps. A présent, il ne faisait qu'un avec ce noir total. Il n'avait plus vu la Lumière. Il ne savait même plus à quoi cela ressemblait. Il n'avait plus parlé, plus utilisé ses yeux, plus senti des choses au touché, plus reniflé un parfum, plus eu goût de quoique ce soit, plus entendu le moindre son. Et lui... il n'était rien d'autre que rien.

- Pourquoi tu ne te réveilles pas ?

Résonnait une voix malheureuse dans sa tête. Il ne la reconnaissait plus. A qui pouvait-elle bien appartenir ? Il ne s'en souvenait plus. Tout comme il avait oublié qui il était et qui étaient ses amis. Voilà pourquoi il ne souhaitait pas avoir été oublié... Sans eux, il ne saurait jamais qui il était. Vraiment tout... tout n'était rien. Il se rappelait seulement de ce qu'il cachait au plus profond de lui car ce n'était que ce qu'il ressentait à présent : solitude et souffrance.

- S'il-te-plaît... dis quelque chose...

Dire quoi ? Ses cordes vocales étaient rouillées depuis trop longtemps. Il était presque certain qu'il était muet à présent et que plus aucun son ne sortirait de ses lèvres. Il ne savait plus comment formuler des mots d'ailleurs. Il n'avait jamais pu réellement s'exprimer, et aujourd'hui, il le pouvait encore moins.

- Juste un signe... je t'en prie.

Il ne pouvait pas bouger non plus. Ses muscles devaient être endoloris depuis le temps et ses os bloqués. Son cerveau n'était utile qu'à le maintenir en vie en faisant fonctionner son cœur qui pompait ainsi son sang, et les poumons. Le reste devait être mort. Il y avait juste de quoi le maintenir dans cette vie cruelle.

Dommage. Il aurait bien aimé mourir. Malheureusement, le destin se jouait de lui, se moquait de lui, adorait rire à son nez, lui faire des coups doux dans son dos, le torturer jusqu'à ce qu'il en perde la raison. Le sort avait un malin plaisir à vouloir s'acharner sur lui pour le faire pleurer. Mais il avait su résister. Il avait toujours réussi à les affronter en souriant.

- J'espère pouvoir te revoir bientôt...

Lui aussi. Hélas, il ne se souvenait pas de cette personne qui se montrait si attachée à lui. Pourquoi avait-il tout oublié ? Pourquoi avait-il fallu que presque tous ses souvenirs sombrent ? Et pourquoi cette douleur devait-elle demeurer auprès de lui ? Ne pouvait-il pas une fois, une seule fois, être en paix ? La mort aurait pu l'aider... mais il avait dû se trouver entre les deux.

- Je vous en supplie ! Laissez-moi mourir ! Je veux mourir ! J'en ai assez... je n'en peux plus... je suis seul... il n'y a personne... je ne sais plus qui je suis... je ne peux rien faire... Il n'y a rien autour de moi... Pourquoi vous ne voulez pas exaucer ma dernière prière ? Pourquoi je dois demeurer ainsi ? Pourquoi ?! Qu'est-ce que j'ai fait ? Je n'ai pas le droit d'avoir pour une fois quelque chose dont j'ai toujours rêvé ? Non ? Je dois juste subir la douleur et me taire ? Je le fais déjà depuis tellement longtemps ! Alors, quoi ? Qu'est-ce vous attendez de moi ?

Si seulement il pouvait bouger... Il se serait volontiers étranglé jusqu'à ce qu'il perde à jamais son souffle. Que son cœur cesse de battre, que son cerveau ne fonctionne plus et que son âme quitte enfin ce corps meurtris Malheureusement, il était paralysé, les yeux clos. Il ne sentait aucun de ses membres. Il n'arrivait même pas à deviner dans quelle position il pouvait bien être.

- N'abandonne pas !

Pourquoi ? Pour quoi ? Il avait déjà résisté depuis tellement d'années qu'à présent, il s'interrogeait sur l'utilité de son combat contre l'invisible, contre le destin, contre lui-même. Il n'y avait sans doute aucune issue. Il aurait bien aimé pleurer. Mais rien d'autre ne vint. La larme de tout à l'heure s'était estompée. C'était la seule qu'il avait pu verser et c'était la dernière à jamais. Il ressentait son estomac se nouer et sa gorge lui faire atrocement mal tandis que son cœur battait trop fort.

- J'aimerai revoir mes amis...
- Alors, reste en vie !
- Mais comment ? Je ne suis ni mort ni vivant !
- Souviens-toi ! Souviens-toi de qui tu étais et qui tu es, de tes amis, de tes aventures, de tes rêves, de tes sens.
- J'aimerai bien mais- mais je n'y arrive pas...
- C'est la seule solution pour pouvoir te réveiller...
- Je vais essayer alors...

Il fit le vide dans sa tête et tenta de se souvenir. De se rappeler ce qu'il avait pu faire. Des milliers de voix, de paroles commencèrent à l'envahir. Il n'y comprenait rien. Elles parlaient toutes en même temps. Il était incapable de les distinguer. A qui appartient celle qui vient de crier ? Qui est le propriétaire de ce doux rire ? D'où provient cette voix mélodieuse ? Et celle qui se montre protectrice ?

- Je... je n'y arrive pas...
- Tu abandonnes déjà ? Allons, Ven. Je te croyais plus fort que ça.

Ven ? Et cette voix...

- T... T... Te... Ter... Terra ?

Et puis, ce fut le déclic.

- Il est l'heure de te réveiller, Ventus.

Que se passait-il autour de lui ? Un réveil ? Enfin ? Après tout ce temps ? A moins que ce la ne fasse que quelques secondes qu'il était dans cet état. La nuance de temps pouvait-elle exister dans un tel endroit ?

Il remua un peu les doigts. Il le regretta. Une douleur aigüe traversa tout son corps et rongea son cerveau. Il aurait pu crier. Mais il était trop faible pour séparer ses lèvres et laisser ses cordes vocales vibrer au fond de sa petite gorge. Il agonisa pathétiquement pendant, ce qui devait être, un trop long instant. Sa souffrance finit par se dissiper petit à petit, comme dans un geste sadique de perdurer le plus longtemps possible la peine du pauvre garçon. Quand le calme revint, ses sens s'éveillèrent doucement. En effet, du bout de ses doigts, il sentait quelque chose de glacé, une matière à la fois douce et de crépi. Agréable et rugueux en même temps, l'adolescent s'interrogea sur ce que pouvait ça pouvait être. Le souvenir d'une fenêtre et d'une pluie d'étoiles traversa sa mémoire. Serait-ce une vitre ? Peut-être.

Aller ! Avec un peu plus de volonté, tu peux le faire. Il tenta de s'encourager, n'ayant rien d'autre à faire. Ses narines s'ouvrirent, laissant au garçon la liberté d'accéder à un air plus grand. Il n'y avait aucun parfum autour de lui, néanmoins, cette bouffée d'oxygène bombèrent ses poumons et lui offrit un bien-être qui réchauffait son petit cœur malgré l'air glacial qui flottait autour de lui. Ses paupières se soulevèrent tout doucement. Au début, ce n'était que le noir. Encore. Jusqu'à ce qu'une lueur verte s'imposa.

L'adolescent se redressa difficilement sur ses maigrelets bras qui ne pouvaient s'empêcher de trembler sous l'effort imposant qu'il y mettait pour se relever. A présent sur ses frêles genoux, le garçon observa le peu de choses qu'il pouvait voir avec ses yeux encore trop faibles pour fonctionner pleinement. Il avait l'impression d'être sur une sorte de pilier, avec autour de lui du vide. Ce devait être un vitrail cette tâche émeraude rendue impure par la présence d'autres couleurs encore trop ternes pour le garçon pour les distinguer.

Il cligna plusieurs fois des yeux, comme dans une vaine tentative d'améliorer sa vision qui demeurait autant mauvaise. Arriverait-il à voir les choses nettement un jour ? Il l'espérait. Il souhaitait revoir le visage de ses amis perdus dont les souvenirs remontaient peu à peu dans sa tête. Il y avait notamment des prénoms. Terra, Aqua,Yûki... Puis Eraqus. Et deux autres qui ne pouvaient laisser le jeune garçon indifférent : Vanitas et Xehanort.

Il lui semblait que Xehanort était un homme qui avait longuement marqué sa vie. Néanmoins, ses souvenirs restaient assez brouillés, flous et étourdissaient le garçon qui n'arrivait à saisir ce qui lui arrivait. Quant à Vanitas... Penser à ce prénom lui donnait envie de rire, de pleurer, de s'énerver, de crier, de s'inquiéter, de regretter, de se frapper, de sourire tendrement, d'agoniser, de se calmer. C'était si fort. Trop fort pour le pauvre adolescent qui faillit perdre conscience. Heureusement qu'une voix le ramena à la raison.

- Ventus ! Reste réveillé ! Si tu ne veux pas disparaître à jamais, tu dois te souvenir. Si tu te rendors, ce sera fini de toi. Tu seras éternellement entre la vie et la mort. Est-ce vraiment ça que tu veux ?

Bien sûr que non. Il voulait rester fort. Pour pouvoir retrouver tout ce qu'il avait perdu. Ses souvenirs, son identité, ses amis.

L'adolescent serra un bon coup ses paupières, se mordant la lèvre. A force de planter ses petites incisives dans sa chair, du sang finit par apparaître. Le goût métallique se répartie sur ses papilles. Le garçon recouvrait tous ses sens. Il osa rouvrir les yeux et constata qu'il voyait à nouveau correctement. Il remarqua qu'il était accroupi sur un vitrail qu'il connaissait que trop bien. Il s'agissait de la représentation de son cœur : son Palier de l’Éveil. Il y était seul. Il n'y avait pas cet autre garçon brun avec lui.

Solitude.

C'était le mot exact qui représentait la situation du garçon. Il soupira un bon coup avant de détailler sa représentation sur le vitrail. Il était blond, assez chétif, peut-être dans la taille moyenne de garçon de son âge, voire peut-être un peu plus petit, les cheveux étrangement coiffés, une main posé sur sa jambe, les yeux clos, le visage neutre. Pourtant, le jeune homme ressentait une sorte de mélancolie face à cette expression faciale pour une raison qui lui échappait.

- Souviens-toi, Ventus.

La voix résonnait dans le vide. Elle n'arrêtait pas de répéter un prénom. Ventus. Ce devait être le nom entier de Ven. Il s'agissait du sien probablement. Ventus ? Se répéta plusieurs fois le garçon dans la tête, levant un peu son sourcil blond foncé.

Plus il prononçait intérieurement son prénom, plus il se connaissait.

- Qui es-tu ? Comment me connais-tu si bien ?

Un étrange Portail bleu s'ouvrit juste sous le regard ébahi du blondin. Ce fut une jeune fille qui en sortit. Ses longs cheveux platines étaient soigneusement attachés en une queue de cheval mi-haute, laissant quelques mèches chatouiller ses omoplates, ses yeux étaient d'un rose suspect. Elle présentait une peau sans doute douce au toucher quelque peu bronzée. Un kimono bleu lui servait de vêtement, cachant l'intégralité de son corps, retenu par un obi rose. Ses pieds, peu visibles, étaient nus. [Image]

L'adolescent resta des minutes la bouche-bée. Cette apparition lui rappelait quelqu'un. Quelqu'un qu'il avait toujours aimé et pour qui il s'était inquiété depuis sa disparition. Une petite blonde du même âge que lui qui, tout comme lui, n'avait pas accès aux entraînements de Keyblade que leurs deux amis avaient pourtant le droit, orchestrés par leur Maître.

Yûki.

- Qui es-tu ? Pourquoi ressembles-tu à Yûki ?
- Tu te souviens donc de Yûki ? C'est bien. Mais, rappelle-toi aussi des autres personnes que tu as toujours chéries. Ne t'en fais pas. Je suis là pour te guider et t'aider. Je m'appelle Heiwa. C'est le nom que tu m'as donné inconsciemment en me créant. Je suis un Avale-Rêves. Ton Esprit plus précisément. Je te guiderai pour toujours.

L'adolescent était de plus en plus perdu. Elle employait trop de termes inconnus au blondinet. Qu'est-ce que c'était donc des Avale-Rêves ? Un Esprit ? Et depuis quand cette... Heiwa... existe-t-elle ? Était-ce vraiment lui qui lui avait donné naissance ?

Si le jeune garçon exprimait trop son étonnement, l'étrange demoiselle en face demeurait impassible, les bras rejoins sous les longues manches de son kimonos. Elle s'approcha doucement de son créateur, le bruit léger de ses pieds collant un peu la vitre faisant écho.

- Je sais que cela peut paraître choquant. Mais tu es bien mon créateur. Le symbole dans mon dos révèle mon appartenance à la race des Esprits. Je suis le tien. Tu es allé plusieurs fois dans le Domaine Onirique et tu y es souvent resté longtemps. Tes sommeils t'ont lié à lui. Je suis apparu à ce moment-là. Je te serai fidèle. Je t'aiderai au-delà même de ton dernier soupire.

Mais de quoi parlait-elle ? Et pourquoi avait-elle l'apparence de Yûki ? Et pourquoi celui d'un de ses autres amis ? Pris par une soudaine panique, la respiration du jeune homme accéléra dangereusement, tandis que son cœur lui semblait arrêté. Sa vision se troubla à nouveau. Tout devenait flou, tout tournait.

- Ventus ! Ressaisis-toi ! Si tu sombres dans l'inconscient, tu ne reverras jamais aucun de tes amis ! Ventus, dis-moi leur prénom à chacun !

Elle était sérieuse ? Elle lui demandait de faire un tel effort alors qu'il était dans un terrible état ? En transperçant son regard rose, digne d'un ciel durant une aube intense, le garçon comprit qu'elle ne plaisantait pas. Il se mit à respirer uniquement avec son nez, dans l'espoir de se détendre le plus possible. Lorsqu'il sentit que son cœur fit à nouveau entendre ses petits battements, l'adolescent prit une grande inspiration, fixant toujours droit cette étrange Heiwa, se servant d'elle comme moyen de retrouver sa raison.

- Je me rappelle de leur prénom. J'avais trois précieux amis. Terra, Aqua et Yûki. J'avais bravé des interdits pour sauver Terra et espérer retrouver Yûki et je n'ai cessé de fuir Aqua... J'ai mal agis, j'ai tout raté. C'est à cause de moi si la X-Blade a été forgée. J'ai écouté... Vanitas... qui avait été manipulé depuis le début par Xehanort. Il nous a tous faits tomber dans son piège malsain. On était tous les cinq prisonniers de ses griffes et il était impossible pour nous d'y échapper.
- Tu sembles avoir de nouveau une bonne partie de tes souvenirs. Hélas, il reste ceux qui dorment depuis trop longtemps.
- Quoi ? Comment ça ?
- J'ignore moi-même de quoi il s'agit mais je sens en toi la présence de vieux souvenirs endormis depuis des années. Ils sont nombreux.

Le garçon leva à nouveau son sourcil, à la fois intrigué et choqué.

D'autres souvenirs qu'il ne connaissait pas ? Pourtant, il lui semblait qu'il se rappelait absolument de tout ! Comment cela pouvait-il être possible ? Mais l'adolescent comprit rapidement ce qui lui manquait : que lui était-il arrivé avant d'être l'élève de Maître Xehanort ? Le plus vieux de ses souvenirs ne lui montrait que cet ultime entraînement avant d'être séparé de ses Ténèbres. Pourtant, il devait bien y avoir un avant, n'est-ce pas ?

- J'ignore depuis combien de temps ils sont ainsi et ce qu'ils peuvent refermés, mais tu détiens des souvenirs d'un passé lointain.

Ventus baissa son regard sur le vitrail. Il avait toujours su qu'il ne se connaissait pas entièrement tout comme ses amis avaient toujours vu en lui un simple garçon joyeux et optimiste. Personne. Vraiment personne ne savait qui il était réellement. Pas même lui. Il était un étranger aux yeux de tous. Et tous ne remarquaient pas ce masque que le blond avait apposé sur son visage depuis trop longtemps. Un masque qui ne faisait plus qu'un avec lui au point qu'il ne pouvait plus l'enlever, encré à jamais.

- Comment pouvons-nous faire ?
- Je n'en sais rien. Je ne connais que ce que tu connais.
- Comment as-tu su pour mes souvenirs alors si je ne les connaissais pas avant que tu en parles ?
- Je peux lire ton inconscient.

Ven lâcha un petit 'Oh !' à cette réponse tout à fait censée et logique. Il était vrai qu'il avait dû y songer parfois à ce fait étrange que son plus vieux souvenir soit un entraînement où il allait être séparé de ses Ténèbres. Il était un humain. Il en était certain. Enfin, il l'espérait. Il y avait donc bien un jour où il était né, où il était petit, où il avait grandi au sein d'une famille et peut-être auprès d'amis. Comme tout le monde. Alors, comment cela se faisait qu'il ne s'en rappelait aucunement ? Certes, en grandissant, on finissait par oublier certaines choses que l'on avait faites petit, néanmoins, il restait quelques traces de moments forts qui nous avaient marqués à vie. Mais dans le cas de Ventus, il n'y avait absolument rien. Il ne se rappelait pas de ses parents. Ces deux personnes qui lui avaient donné vie. Ces deux personnes qui avaient eu la charge de veiller sur lui, de le nourrir, de le protéger, de l'éduquer, de le chérir. Leur manquait-il depuis tout ce temps ? Étaient-ils au moins encore en vie ? L'attendaient-ils ? Serait-il à nouveau accueilli dans son foyer qu'il avait abandonné ? Depuis combien de temps était-il séparé d'eux ? Toutes ces questions demeuraient sans réponse.

- Je pense que tu devrais éviter de penser à tout cela pour le moment.
- Pourquoi ?
- Ta santé mentale reste instable. Il vaut mieux ne pas te perturber.
- Mais, je veux savoir qui je suis ! Je suis un parfait inconnu à mes propres yeux ! C'est grave tout de même ! C'est terrible de ne pas se connaître !
- Tu es trop fragile pour affronter une telle épreuve pour le moment.

Ventus serra les poings. Fragile. Il avait intégré le fait qu'il ne possédait aucune force depuis longtemps. Il s'était toujours senti pauvre et faible. Il avait déjà remis plusieurs fois en question sa maîtrise de la Keyblade. Pourquoi portait-il une telle arme ? Elle n'apparaissait qu'entre des mains d'une personne au cœur puissant. Lui, il était lâche, peureux, et ne savait pas bien se battre. Certes, il avait réussi à vaincre Vanitas, mais dans le fond, il avait perdu le combat. Ses amis l'avaient même fui pendant un moment. Personne ne voulait demeurer auprès de lui. Pourtant, c'était eux qui faisaient la force du blondin.

- C'est injuste...
- Tu t'es toujours dit que la vie t'était injuste.

Heiwa avait raison. Ven n'avait jamais réussi à trouver la paix. Il avait l'impression qu'on cherchait à l'étouffer, qu'il se taise à jamais et qu'il demeure dans une souffrance sans nom. Qu'avait-il fait pour subir une telle torture ? Sans doute rien. Mais le destin aimait se jouer des êtres les plus innocents pour les rendre malheureux, pensait le blond. Il ne devait pas être la personne la plus blessée. D'autres avaient dû voir plus de couleurs que lui. Néanmoins, il n'était pas parmi ceux qui avaient eu une vie plutôt agréable.

- Tu ne m'aides pas tant que ça... tu ne fais que remuer le couteau dans la plaie alors qu'il est déjà bien assez enfoncé comme ça.
- Je ne cherchais pas à t'offenser. Pardon.

S'excusa la jeune femme Esprit en s'inclinant un peu, les mains toujours cachés dans les imposantes manches de son kimono, sans aucune expression de compassion ou remord dans sa voix. Elle était comme dénué de tout sentiment, comme uniquement dictée par la raison.

- Comment pourrai-je me réveiller, sinon ?
- Tu vas devoir passer plusieurs épreuves. Suis donc cet escalier qui te mènera de palier en palier. Tu affronteras des énigmes, des ennemis, des dangers. Tu arriveras, après, au palier qui te mènera à ton réveil.

En parlant d'escalier, l'Avale-Rêves tendit son bras derrière elle et une succession de marches non reliées, flottant dans le vide, fit son apparition. Elle paressait mener à un autre palier qui était plus haut que celui où le créateur et la créature se trouvaient. Ventus demeura pendant quelques instants interdit, observant cette étrange voie qu'il suspectait. Quels ennemis ? Quelles énigmes ? Quels dangers ? Pourquoi des épreuves ? Il avait conscience que Heiwa ne pourrait pas répondre à ce genre d'interrogations ou elle lui sortirait comme excuse qu'elle n'avait pas le droit. Les règles du Monde Onirique étaient totalement inconnues pour le blondin.

- Je... je me réveillerai vraiment une fois au dernier palier ?
- Oui.
- Sais-tu depuis combien de temps je dors ? Et où ?
- Je ne sais pas pour le premier cas. Cependant, je peux répondre à ta deuxième question. Ton inconscient t'a guidé sur ta terre "de toujours", la Contrée du Départ. Je pense que tu te reposes en cet endroit. J'ignore par contre si tu y es réellement ni comment, si c'est le cas, tu as pu y aller. Sans doute l'un de tes amis t'y a déposé.
- La Contrée du Départ ? Oh...

Cette terre représentait beaucoup pour Ventus. Cela avait été son foyer pendant un long moment où il avait fait la rencontre de ses meilleurs amis, où il avait vécu des moments de bonheur, tentant d'ignorer cette étrange douleur. La dernière fois qu'il s'y était rendu, il avait failli être tué par Maître Eraqus qui avait vu en lui un terrible danger pour tous les Mondes et qu'il n'avait plus le droit d'exister afin de tout préserver. Ven avait difficilement accepté ce sort, mais il avait été sauvé par Terra qui ne pouvait laisser son ami mourir par les mains de celui qu'il considérait comme son père. Cela avait déchiré le cœur du blondin de voir son meilleur ami affronter leur Maître par sa faute.

- Tu ferais mieux d'y aller maintenant. Le plus vite tu as affronté ces épreuves, le plus vite tu reviendras à la réalité.

Ventus hocha de la tête à la remarque de Heiwa. Il prit une grande inspiration pour se donner de la volonté, de la détermination et du courage et guida ses pas vers l'escalier, tournant ainsi le dos à son Esprit. Il gravit la première marche.

[Autorisation d'utilisation du personnage de Yûki par @Yûki]

Le vide. Le noir total. Était-ce une destination probable de son ascension ? S'il tombait, y avait-il des chances pour qu'il y sombre à jamais ? Si c'était le cas, alors il devait continuer de progresser et faire en sorte de ne pas glisser. Étrangement, il se dit que si cela arrivait, ce ne serait pas la faute d'une maladresse mais bien son inconscient qui avait fini par abandonner l'idée de revenir à la vie. Il ne pouvait mettre de coté cette idée pour la simple et bonne raison qu'il était effrayé. Ventus avait peur de se réveiller et de ne plus rien reconnaître, de comprendre que ses amis étaient tous disparus, de découvrir que les Mondes qu'il connaissait avaient sombré dans les Ténèbres. Un bruit sourd résonna dans l'obscurité. Serait-ce le son des battements de son cœur devenu nerveux et craintif ? Le blondin avait toujours voulu être seul afin de prouver sa force, pourtant, il détestait voire craignait la solitude. Un paradoxe dans lequel il ne parvenait à échapper.

Tandis qu'il montait lentement les marches qui le séparaient du prochain pallier, le jeune garçon sentait le regard pesant de Heiwa sur lui. Il ne savait toujours pas qui était réellement cette étrange créature, néanmoins, il avait envie de la croire. Il avait besoin même de la croire. Elle avait l'apparence de celle qu'il appelait sa Jumelle à l'époque où ils restaient collés l'un à l'autre et faisaient des gaffes pendant que Terra et Aqua avaient le droit de s'entraîner à la Keyblade auprès de Maître Eraqus - qui n'aimait pas vraiment la présence des deux blonds pendant ses leçons. Ven avait toujours eu confiance en Yûki. Il devait donc faire la même chose auprès de Heiwa. Sa forme ne pouvait être une coïncidence.

Ventus posa finalement son pied sur le nouveau pallier. Il remarqua qu'il était semblable au premier si ce n'était la couleur dominante. Le vert avait été remplacé par du violet, ce qui intrigua le blondinet qui s'approcha du centre. Arrivé au cœur du vitrail, il fut agressé par une lumière qui le força à cacher ses yeux pour ne pas se brûler les rétines.

- Hey, Ven ! Reviens ! Ne me laisse pas derrière toute seule ! Méchant !

Criait d'une manière boudeuse une voix qui lui était à présent très familière. Yûki. La lumière se dissipa. Ventus ouvrit les yeux et découvrit qu'il se trouvait sur une terre où la nuit brillait des mille éclats des étoiles, l'herbe était d'un vert pur, tandis que le son d'une cascade rendait le tout calme. Il tourna son regard bleu vers un banc où il se vit lui-même en train de s'y assoir, tandis qu'une petite blonde courait pour le rejoindre.

- Aller, Yûki ! Dépêche-toi ! La pluie d'étoiles ne va pas tarder !

Les deux adolescents s'assirent l'un à côté de l'autre. C'était la deuxième pluie d'étoile en deux mois et cela ravissait les deux têtes blondes. Ils étaient fascinés par elles. Au point de sortir discrètement de leur chambre sans se faire attraper par Eraqus qui les aurait grondés s'il était au courant de leur sortie nocturne. Ils n'en avaient même pas parlé à Aqua ni Terra car ils avaient craint que leurs aînés leur déconseillent ce rendez-vous.

- J'ai tellement hâte ! Au fait, tu crois que ça signifie quoi une pluie d'étoile ?
- Peut-être le début de nouvelles choses ? Peut-être que les étoiles qui défilent sont un signe d'un renouveau ?
- Tu crois ?! Ce serait tellement merveilleux ! Alors, d'après toi, quel serait ce renouveau ?
- Aucune idée ! Ce sera une surprise !
- Oui, tu as sans aucun doute raison !

La demoiselle affichait un tendre sourire à ce frère qu'elle avait jamais eu. Celui-ci lui en fit un en retour. Ils s'émerveillèrent lorsque la pluie commença. Le vrai Ven, lui, regardait silencieusement ce phénomène incroyable. Mais contrairement aux Ventus et Yûki du souvenir, il affichait un air triste. Un air de nostalgie régnait trop en cette terre qui l'avait accueilli pendant quelques années. Y avait-il été heureux ? Y avait-il été seulement triste ?

Le souvenir disparut sur les deux garnements profitant de ce moment entre eux. Ventus se trouva seul. Le pallier montra à nouveau le bout de son nez. Cependant, il n'y avait pas que sa propre représentation dessus. En effet, la figure de Yûki se tenait à côté de lui. Elle avait également les yeux fermés mais présentait un joli sourire apaisé. Inconsciemment, le blondinet affichait également un rictus de joie léger.

- Les étoiles ont toujours veillé sur nous. Je sais qu'elles nous permettront notre réunion. Pas vrai, Ventus ? On va vite se retrouver. J'y crois. Je le sais. N'abandonne pas !

Ven crut voir la silhouette de sa bien-aimée amie devant lui mais elle disparut rapidement. Il découvrit alors un nouveau passage vers un nouveau pallier. Heiwa apparut, bouchant le passage, le regard sérieux.

- Ceci n'était qu'une première étape de ton ascension. Es-tu prêt à découvrir d'autres souvenirs ?

Ventus eut un hochement décidé. Il ignorait encore à quoi il allait faire face mais quoiqu'il en soit, les souvenirs de sa presque-Jumelle lui avait redonné de la détermination. Sans doute était-ce le genre des premières étapes ? Montrer des souvenirs de ses amis pour lui donner de la force de continuer malgré la peur du réveil ? C'était très probable. Heiwa libéra le chemin.

Le jeune porteur de Keyblade monta à nouveau les marches, déterminé plus que jamais.

- Là-bas, lui attendent des réponses. Là-bas se trouve une voie. Mais il ne pourra l'emprunter seul. Ventus ne peut être solitaire. Une présence lui est trop importante. Il ne peut la laisser seule. Son devoir est de la retrouver. Ensemble, main dans la main, ils trouveront le meilleur chemin. Ce chemin leur permettra de trouver ce qu'ils ont tant cherché dans leur coin.
- Mais un cœur compte leur en empêcher. Il ne veut pas que les choses se déroulent ainsi. Lui aussi, dort depuis un moment. Ce personnage compte bien jouer son rôle dans l'histoire.
- Elle leur sera sans doute d'une aide précieuse dans ce cas. Néanmoins, acceptera-t-elle de faire de si terribles efforts ? Elle ne pourrait supporter des sacrifices de plus.
- Si, eux, sont présents en plus, alors la route sera plus courte que chacun le croit. Il suffit d'y croire. Faisons le vœu. Faisons le vœu que les voies que chacun à emprunter se croisent petit à petit afin de n'en former qu'une.
- Ainsi, leur histoire n'en sera que plus belle.
- Un souffle peut tout gâcher.
- Croyons en eux.
- J'y crois.
- Pas moi.

- Je m'appelle Ventus, mais vous pouvez m'appeler Ven !

Cette phrase qu'il avait répétée à tant de personnes résonnait dans son esprit. Il l'avait prononcée à des personnes qui devinrent ses amis. Pourtant, Ventus ne pouvait s'empêcher de se rappeler à quel point il s'était perdu lors de son aventure, guidé malgré lui par Xehanort. Il avait douté de tout. De lui, surtout, mais il en était arrivé au point de se demander s'il avait vraiment des amis. Ses pensées s'égarèrent pour se diriger sur Vanitas. Lui, sans Yûki, il aurait été seul pendant un trop long moment. Ven soupira. Il avait espéré qu'en se battant contre le brun, ils auraient pu fusionner pour être enfin en paix après tant de temps à souffrir d'être incomplet. Aujourd'hui... il ne savait plus quoi faire.

- Ven, tu dois faire attention. La force peut-être utile en combat, néanmoins, n'oublie pas que la sagesse reste la plus puissante des armes.
- Aqua ! Ne l'étouffe pas avec tes leçons philosophiques ! Ce qu'il faut à Ven, c'est utiliser un élément spécifique à lui : la vitesse ! Je sens de l'agilité en lui. En plus, il a une manière spécifique de tenir sa Keyblade. C'est unique !
- C'est trop cool, Ven ! Moi aussi, j'aimerais découvrir le domaine où je suis forte !
- On va le découvrir ensemble, Yûki ! Je veux t'aider ! On va devenir tous les quatre des grands Maîtres de la Keyblade !

Ventus arrêta de monter les marches. Il s'était écroulé. Il se tenait, agenouillé, sur le vitrail, s'appuyant sur celui du dessus. Son autre main était posée sur sa bouche, les paupières à présent serrées. Il avait l'impression d'être sur le point de vomir. Mais son estomac ne recrachait rien. Cependant, les larmes, elles, étaient bien présentes. Il était en train d'agoniser. Ses souvenirs de ses amis l'envahissaient, se provoquaient, se mélangeaient, se cognaient, se fusionnaient. Le jeune garçon n'en pouvait plus. Il rouvrit les yeux et son regard se posa sur le vide qui se trouvait juste en dessous de lui. Ce noir profond... il semblait presque rassurant actuellement. Sans doute bien plus rassurant que la réalité lors de son réveil. Ventus tremblait beaucoup. Il désirait presque sauter dans ce vide. Mais son côté déterminé le lui interdisait. Il devait savoir si ses amis étaient sains et saufs. Il devait les retrouver. Retirant sa main de sa bouche, il se mit à reprendre son souffle pour calmer son envie de se jeter. Maladroitement, il se releva et gravit les dernières marches pour arriver au palier suivant.

Bleu.

Cette fois-ci, la couleur dominante était celle qu'on utilisait pour représenter le ciel et notamment...

- L'eau.

Cela s'agissait-il donc d'un souvenir partagé avec Aqua ? Ventus observa le bleu du pallier avant qu'une nouvelle lumière jaillisse du vitrail pour aveugler le blondin.

- Ventus ! On va faire plaisir à plusieurs personnes aujourd'hui ! On va cuisiner un fraisier !

Ventus venait à peine d'enfiler son petit tablier avec inscrit dessus : "Les blonds pas cons pour cuisiner" - un tablier que Terra avait demandé à Aqua de faire (Yûki avait la même réplique sur son tablier violet) - que la jeune femme lui avertit ce qu'ils allaient faire. Celle-ci montra du bout de sa cuillère de bois la recette du fameux gâteau inscrite dans un lourd bouquin. Curieux, le plus petit s'approcha et admira les différentes photos du délice.

- Woah ! Mais Aqua... je ne suis pas sûr de pouvoir faire un tel gâteau ! Il a l'air compliqué...

Le blondinet afficha une petite moue. Cela amusa Aqua qui lui ébouriffa les cheveux avant de reprendre un certain sérieux et s'engagea dans un long discours qu'elle conclut :

- Je suis justement là pour t'aider à le faire ! Donc... on ne perd pas courage !

Elle tapa vivement dans ses deux mains ce qui réveilla Ventus qui s'était plus ou moins endormi face au blabla incessant. Les deux se lancèrent alors dynamiquement dans la création d'un fraisier. A la fin, Ven était couvert d'ingrédients au visage et sur le tablier, là où Aqua était demeurée propre. Le gâteau était prêt et il sentait bon.

- Parfais ! C'est le Maître et Yûki qui vont être heureux !

Ria fièrement Aqua, tandis que Ventus, le haut du corps étalé sur un plan de travail, leva son pouce, le visage noyé dans la farine. La jeune femme le redressa et retira la saleté qui s'était incrustée dans ses cheveux. Devenant presque comme une mère stricte, elle débarbouillait le gamin qu'était alors le petit blond. Celui-ci lâchait des petits râlements accompagnés de "Mais Aqua ! Je peux le faire tout seul !" Cependant, déterminée, l'aînée continua.

Au final, Ventus et Aqua présentèrent le gâteau à tout le monde lors du goûter et il fut rapidement dévoré, ce qui désenchanta le garçon blond, tandis qu'Aqua lui donna un petit coup de coude taquin.

Le souvenir se dissipa à son tour. Le vrai Ventus, celui qui était seul, baissa les yeux. Il ne revivait que des choses agréables et pourtant, il avait ne cessait d'avoir mal. Son cœur se faisait tout petit dans sa poitrine à force de se serrer. Cependant, il ne put se concentrer pour faire en sorte de le détendre ; Heiwa apparut. Une nouvelle fois, elle lui bloquait la route. Son regard rose transperçait son Maître.

- Tant de choses se sont produites dans ta vie et pourtant, tout ce dont tu peux te souvenir au plus loin c'est le jour où il est mort.

Le blondin la regarda en clignant des yeux, ne comprenant pas de qui pouvait bien parler l'Esprit par le "il". Il eut beau réfléchir, il se dit que la seule mort qu'il aie eu en connaissance fut celle du Maître Eraqus, néanmoins, ses souvenirs ne prenaient pas racine ici. Il s'agissait donc de celle de quelqu'un d'autre... Mais de qui ?

- Ven. Tu n'es pas seul. N'aies pas peur de venir nous parler. Fais donc tomber ce masque et retrouve-nous !

La silhouette d'Aqua disparut suite à ces mots et Heiwa s'écarta du chemin pour laisser passer Ventus. Celui-ci prit une grande inspiration avant de s'avancer vers les nouvelles marches.

- J'arrive, Terra.

Se répétait-il, en comprenant qu'il allait revivre logiquement un souvenir de celui qu'il appelait "Grand frère".

- Tu dis ça, mais c'est facile pour toi ! T'as de grandes jambes !
- Arrête de râler, Ven, et cours !

Ventus montait de plus en plus difficilement les marches qui le menaient au palier suivant. Il s'écroula à nouveau, haletant. Il apposa sa main à sa poitrine. Son cœur lui faisait si mal. Il avait l'impression que des milliers de lames s'enfonçaient dans son organe, une par une, tout doucement afin que la douleur soit puissante. De plus, ses jambes étaient si lourdes. Tout devenait insupportable. Ses yeux lui brulaient à force qu'il revivait ces tendres souvenirs. Oh que oui, il souffrait. Il se tordait, ne supportant pas tout cela. Sans doute était-ce par ce qu'il n'était pas présent.

- Je vais mourir à force. Je ne vais même pas pouvoir me réveiller et je vais crever ici.

Ventus avait laissé cette phrase lui échapper, tandis qu'il avait la sensation de vomir ses tripes, toujours morflé sur la marche.

- Oui, c'est vrai. La force est un élément important du combat. Cependant, n'oublie jamais, Ven, ce qui te pousse à te battre : ceux que tu aimes. Ils sont là pour te guider, d'encourager, de soutenir. Jamais ils ne te laisseront. Aie confiance en eux et en toi.

Le blondin serra les dents et se redressa pour une énième fois, espérant qu'il s'agissait là de sa dernière chute. Heiwa le surveillait depuis le pallier précédant, hésitant alors à venir l'encourager, en parlant de ses amis, cependant, elle remarquait que son créateur n'avait pas eu besoin de son intervention encore une fois. Ventus s'autoproclamait faible. Et pourtant, si c'était véritablement le cas, il ne serrait pas là, en train de se battre pour se réveiller.

Essoufflé, le jeune adolescent arriva finalement sur le nouveau pallier dont la couleur dominante était un rouge orangé. Encore une fois, il fut ébloui par la vivacité du souvenir.

- L'air frais fait un bien fou, pas vrai ?
- C'est cool qu'il y ait autant de vent aujourd'hui !

Les deux garçons se tenaient dehors, installés dans leur petit coin favori. Ils profitaient de leur moment entre eux, Aqua et Yûki étant de leur propre côté. Les aînés sortaient tout juste d'un entraînement et les blonds avaient attendu impatiemment leur sortie. Terra avait opté pour passer un moment calme, après un cours dur où il s'était défendu face aux sorts puissants de celui qu'il considérait comme un père.

Terra était allongé sur le bord de la falaise, les bras croisés derrière la tête, les yeux fermés. Ventus, lui, avait ses jambes croisées, assis sur son petit derrière. Lui, il fixait l'horizon. Plus précisément, il observait le château. Il s'agissait de l'unique foyer qu'il avait selon ses souvenirs. Pourtant, il ne pouvait empêcher cette sensation de mal-être, comme s'il n'était pas le bienvenue dans l'enceinte de la demeure.

- Dis, Terra... Tu crois que Maître Eraqus ne nous aime pas, Yûki et moi ?

Cette question surprit le brun qui se redressa. Il regarda son "petit frère" qui tenait sa tête baissée, presque honteux de son doute. Il faisait passer un homme sage et honorable pour un être indigne, d'autant plus qu'il suscitait l'admiration de Terra.

- Enfin, Ventus ! Évidemment qu'il vous aime ! Il est même tellement gaga de vous qu'il a peur que vous vous blessiez, Yûki et toi, pendant les entraînements !
- Ah ? C'est pour ça qu'il ne veut pas de nous dans ses cours ?
- Bah oui !

Il ébouriffa les cheveux du blondinet qui rit légèrement sur le coup avant de se redresser soudainement ce qui surprit le jeune adolescent.

- On se fait une petite course ?
- Tout de suite ?
- Quoi ? T'as peur de perdre ?

Ventus gonfla ses joues. Il se releva d'un bond, ce qui eut l'air de plaire à son aîné. Les deux se mirent en position de départ, tandis que Terra faisait le compte à rebours. Une fois la course démarrée, Ven donna tout ce qu'il pouvait pour garder le rythme. S'il ne pouvait dépasser Terra, il jurait de ne pas se laisser distancer comme le grand brun arrivait si bien à le faire d'habitude.

Ils arrivèrent finalement au bas de l'escalier du château. Sans surprise, c'était le plus grand qui avait remporté la bataille, mais cette fois-ci, ce fut de justesse. Ventus, épuisé d'avoir autant couru pour ne pas laisser de répit à l'apprenti Maître de la Keyblade, s'effondra par terre, tentant de reprendre son souffle.

- Hey ! Bien joué ! Tu t'es surpassé cette fois ! J'suis fier de toi !

Ventus ne put s'empêcher de sourire à la remarque de Terra. Ce dernier lui tentait la main que le blondin ne se fit pas prier pour la prendre et ainsi, le brun l'aida à se redresser.

- T'as grandi, Ven. Je sens qu'un jour, tu deviendras un grand Maître de la Keyblade !
- Ah ouais, tu crois ?
- Ouaip ! Tu vas accomplir de grandes choses aussi. Je suis certain que tu as parvenu à faire cette course car tu as cru en toi et tes capacités.

A cette remarque, le garçon se rendit compte que son aîné avait raison. Il s'était encouragé lui-même en se répétant qu'il pouvait le faire. Ventus afficha un grand sourire satisfait.

- Ne t'arrête pas en si bon chemin, Ven. Tu possèdes des tonnes de talents qui te permettront d'avancer seulement si tu en as confiance. Je sais que tu peux le faire.

Le vrai Ventus observa l'illusion de Terra fondre. Il se mit à essuyer ses larmes. Il avait eu quelques sanglots, en effet. Il n'avait revécu qu'un moment précis auprès de chacun de ses proches amis et pourtant, il avait l'impression d'avoir fait face à tout ce qu'il avait pu partager avec ces derniers.

- Tes souvenirs se bouleversent en toi. Néanmoins, ils te sont tous revenus. J'imagine qu'il s'agit du plus important. Quoiqu'il en soit, tu dois encore continuer d'avancer. Des épreuves t'attendent. Te sens-tu prêt ?

L'adolescent demeura un moment interdit et silencieux. Le regard rose de son Esprit le fixait, ce qui le tendait légèrement. Il ressentait surtout cela par le fait qu'elle avait le physique de Yûki. Il n'avait pas envie de décevoir sa presque Jumelle. Il désirait la rendre fière de lui. Il avait peur qu'elle lui en veuille pour le combat qu'il avait mené contre Vanitas. C'était une des raisons qui le poussait à retrouver ses amis qui lui manquaient terriblement.

Avançant avec des pas assurés, il se rapprocha de Heiwa. Il ne devait plus avoir peur. Il savait improviser. Il avait déjà fait affaire à des situations dans lesquelles il ne maîtrisait rien et il parvenait pourtant à s'en sortir. C'était en restant terrifié à l'idée de se réveiller qu'il n'aurait jamais l'occasion de retrouver ceux qu'il aime.

- Je suis prêt.

- Il n'y arrivera pas. Quand on est qu'une moitié, on ne réussit pas tout. Il est déjà presque mort. Pourquoi croire à l'impossible quand il condamne au néant ? C'est inutile.
- Mais plus personne n'est présent pour guider leur destin. Je ne comprends pas ce doute qui t'envahit. Ils sont libres. Ils ont réalisé leurs rêves.
- Pas tout le monde. Ils courent après une ère dépassée et surtout pleine de douleur. Ils pensent pouvoir vivre tous ensemble dans la bonne humeur mais ce n'est qu'illusion.
- Tu me sembles bien trop pessimiste. Il faut croire en eux. Si nous les soutenons, ils y parviendront.
- Mais qui êtes-vous, d'abord, pour juger une situation à laquelle vous êtes extérieurs ?
- Et toi, qui es-tu ?
- Plus personne.

Il avait clamé qu’il était prêt à affronter ses nouveaux souvenirs. Mais pas ceux-là. Ventus remarquait la lueur colorée du prochain pallier où il se confronterait à son passé. Les trois précédents n’étaient que des tendres moments partagés avec chacun de ses meilleurs amis. Des instants qu’il ne souhaitait plus oublier malgré la douleur qu’ils pouvaient lui provoquer. Lui qui était si proche et pourtant si éloigné du trio, il espérait tant les retrouver. Contrairement à lui. Ventus appréhendait toujours cette retrouvaille potentielle. Il était même terrifié à l’idée de se confronter à nouveau face à cet homme imposant qui avait tant influencé dans sa vie. Le cœur du blondin s’emballait à nouveau. Avalant difficilement sa salive, il se permit une petite pause sur une des marches les plus proches du vitrail. Sa raison le poussait à continuer là où ses sentiments lui priaient pour faire demi-tour et presque d’abandonner tout. Mais Ven-Ven refusait d’obéir… presque aux deux. Pourtant, il avait conscience qu’il devait écouter la voie de la sagesse et non celle de la spontanéité.

Un grand souffle, quelques légères claques sur les joues, la tête redressée, les épaules tendues, Ventus reprit la marche redoutable. La lumière grisée accueillit dans un geste à la fois chaleureux et glacial le garçon. Ce dernier demeurait au bord, son pied gauche glissant à peine sur le pallier là où le droit demeurait fixer sur la dernière marche. Heiwa n’était pas présente pour ce coup. Elle était restée sur celui de Terra. Dans un appel de détresse, Ventus tourna sa tête en sa direction. Cependant, tout ce qu’il put voir c’était le dos tourné de son Esprit. Elle le laissait se confronter à ses angoisses, seul. Pourtant perdu dans la solitude, l’adolescent cru apercevoir la silhouette de son frère de cœur. Ce dernier affichait un beau sourire qui réchauffa le cœur du blondinet. Terra avait toujours eu cette force de rapporter un confort certain pour son cadet. Au-delà du bon ami, il était un mentor sur lequel le jeunot pouvait compter. L’apparition se dissipa dans des multiples particules de lumière. Reconnaissant, le garçon reprit une force pour affronter un événement qu’il aurait tant souhaité oublier à jamais.

Ventus se retrouva au centre du pallier. Silencieux, il percevait chaque battement accéléré de son cœur. Oui, il craignait énormément le prochain souvenir. Mais au fond de lui, il avait conscience qu’il s’agissait d’une étape importante à son réveil. Sans doute était-ce une de ces épreuves qui lui seraient compliqué de franchir. Il ne devait pas reculer, malgré ses peurs. La lumière du vitrail devint aveuglante à son tour tout comme les autres. Lorsque Ven rouvrit les yeux, il se trouvait dans le grand hall du château de la Contrée du Départ. Le blondinet tourna sur lui-même pour admirer une nouvelle fois son foyer. Ses yeux s’arrêtèrent sur les trônes. Il était là. Eraqus se tenait debout sur l’estrade. Il fixait les escaliers, semblant attendre la venue de quelqu’un. Ce quelqu’un finit par arriver rapidement et se précipita vers le Maître.

- Ventus, te voilà.

Le blondin s’approcha plus tranquillement auprès de ce paternel. Ce dernier descendit la plateforme et permit ainsi la réduction de la distance avec l’adolescent. Son regard sévère annonçait une discussion des plus sérieuses. Cela faisait depuis quelques semaines que Ventus avait intégré les rangs de ses élèves. Le gamin était encore trop fragile pour subir un véritable entraînement. Certes, il en avait quelques-uns auprès de Terra et Aqua mais jamais un apprentissage digne de ce nom. Les deux aînés s’étaient proposé d’aider leur maître à renforcer le gamin afin qu’il se remette de sa terrible épreuve, qu’importe de quoi il s’agissait – ils n’avaient pas été mis au courant sur ce point, sans doute un secret entre Eraqus et Xehanort.

- Nous allons mettre fin à tes entraînements avec Terra et Aqua.
- Vraiment ? Est-ce que ça veut dire que vous allez m’enseigner à devenir un Maître de la Keyblade ?

La faible lueur des yeux bleus de Ventus accentuait son enchantement mais également son excitation. L’adolescent était impatient à l’idée de vivre les mêmes leçons que ses amis auprès de cet homme au talent incontestable. Le blondinet se rappelait encore de toutes les louanges que leur faisaient Terra et Aqua – surtout Terra. Le mentor de substitution parvenait à donner une image de son presque père auprès de Ventus qui en rêvait où il espérait obtenir une relation semblable. Il croyait pouvoir devenir à son tour un genre de fils aux yeux d’Eraqus qui le chérirait autant que ses premiers protégés. Pourtant, l’homme honorable ne paraissait aucunement prêt à transmettre une bonne nouvelle. Son absence total de sourire fit frissonner Ventus qui crut qu’il avait fait une mauvaise chose pour recevoir un tel air.

- Non, Ventus. Pour le moment, tu n’auras plus aucun entraînement. Terra et Aqua vont entrer dans une nouvelle phase où ils en nécessiteront bien plus que toi pour les préparer à l’examen final. J’espère que tu comprendras que nous n’ayons malheureusement plus de temps à t’accorder.

Le blondinet sentit comme un éclair traverser tout son corps et surtout son cœur de part et d’autre. Il baissa la tête, abattu par cette nouvelle situation. Les entraînements auprès de ses deux amis se faisaient déjà rares – malgré la faible quantité, ils étaient d’une qualité impressionnante où Ventus apprenait à mieux manier l’épée et gérer ses mouvements pour le combat mais également et surtout des leçons de vie – à présent, il découvrait que c’était terminé. Il comprenait que Terra et Aqua auraient besoin de temps pour eux entre toutes ces préparations au Symbole de Maîtrise pour se détendre, revoir des mouvements, réfléchir sur des nouvelles stratégies avec toutes celles qu’ils avaient déjà acquises. Plus vraiment d’instant à accorder à leur cadet. Eraqus, quant à lui, devait se concentrer sur les différents exercices qu’il devrait leur proposer. Il nécessitait également du repos pour être attentif à tout moment pour avoir la critique la plus fine à offrir à ses élèves afin qu’ils s’améliorent toujours plus.

Oui, Ventus comprenait mais il ne pouvait s’empêcher de se sentir rejeté tel le vilain petit canard. Ce n’était pas juste pour lui. Lui aussi, il était un apprenti Maître de la Keyblade, et lui aussi, il passerait un jour l’examen de Maîtrise. Pourtant, on le délaissait. Tout ce qu’il demandait, ce n’était pas toute l’attention des trois autres résidants de la Contrée du Départ, il désirait simplement de participer quelques fois à certains cours, même si c’en était qu’une petite partie. Pourtant, on lui confisquait tout : ses amis, ses enseignements… sa joie. Malgré la tristesse qui commençait à serrer sa gorge, l’adolescent parvint à afficher un sourire, comme s’il était enchanté :

- Cela signifie que Terra et Aqua deviendront Maîtres de la Keyblade ?! J’ai tellement hâte de voir ce jour ! Merci, Maître !

Eraqus se taisait et laissa partir le blondinet. Ventus se mentait. Il se mentait pour se penser heureux. Evidemment, il était fier que ses amis puissent réaliser leur rêve, mais de l’autre côté, il était jaloux d’eux et de leurs privilèges.

Il quitta le hall pour gagner sa chambre. Il était suivi par le véritable Ven qui ne pouvait que ressentir toute la détresse qu’il avait éprouvée à cette époque. Aujourd’hui, il comprenait les agissements de son défunt tuteur bien qu’il le pensait toujours radical et maladroit pour avoir pris une telle décision, notamment le tuer pour empêcher le forgement de la X-Blade. Le vieux maître avait écarté Ventus pour éviter qu’il ne devienne assez fort afin d’accomplir le but de Xehanort. Ce dernier n’avait cessé de guider les pas du blondinet et Eraqus avait profité de la garde du môme pour le préserver de tout entraînement et savoir.

Le souvenir se tut. Ven était seul sur le pallier grisâtre. Il lâcha un lourd soupire. Pourtant, il tourna la tête quand il sentit une grande et ferme main se poser sur sa petite épaule. Une apparition de son maître. Il aurait pu avoir un mouvement de recul face à cette personne qu’il admirait, respectait, adorait et haïssait à la fois. Le regard appuyé du regretté intimidait presque Ventus qui ne flancha pas à son grand étonnement.

- Ventus. J’espère, un jour, tu pourras me pardonner. Je t’ai fait traverser tant d’épreuves terribles ; je n’ai jamais su me comporter en véritable tuteur auprès de toi. Je crois en votre réunion à tous les quatre.

Eraqus se dissipa dans la lumière, laissant sa place à Heiwa. L’Esprit s’était rapprochée de son créateur à présent qu’il avait su affronter un souvenir doux-amer. Ventus était perdu et perplexe. Il ne savait plus quel genre d’opinion donner à propos de celui qui aurait pu être un père. Au fond de lui, il le savait sage, juste et bon ; mais de l’autre, il avait pu voir un visage cruel, indifférent à l’idée de tuer son élève et aveuglé par ses convictions.

- Des épreuves plus difficiles encore vont te faire confronter à tes cauchemars. Ventus, tu n’abandonneras pas, n’est-ce pas ?

Ventus détaillait la lueur grisée qui étouffait sa propre représentation sur le vitrail. Son regard ciel entra en contact avec les yeux fuchsias de son Esprit. Le visage toujours de marbre de Heiwa donna un étrange coup d’adrénaline au gamin. Bien que ce n’était que par le physique, avoir l’occasion de voir sa presque-Jumelle lui mettait du baume au cœur et lui rappelait qu’il devait se réveiller pour retrouver chacun de ses amis qui lui manquaient tant.

- Jamais. Mes amis comptent sur moi. Il y a encore beaucoup de choses que nous devons faire ensemble. Et moi-même, j’ai des rêves à réaliser de mon propre côté, des erreurs à réparer. Toutes ces épreuves… elles peuvent être chaleureuses, rassurantes, blessantes, difficiles… Il n’empêche que je comprends peu à peu ce besoin de me confronter à ces souvenirs… mes souvenirs. Ils m’ont toujours fait défaut. Ils sont ce que je suis mais également ma Némésis. En les retrouvant, je me retrouverai et je saurai mieux affronter mon avenir avec mon passé comme guide.