M O T H E R | Une histoire de mère(s)

Kurîmu:

J'avais vu juste. Je ne sais pas ce que cela signifie, mais ce n'est certainement rien de bon. Ayant retiré d'un geste soudain l'épais rideau pourpre qui la séparait de son interlocutrice qu'elle connaissait que trop bien, Phoenix confirma sa pensée et par la même occasion ses doutes; qui créèrent en elle ce qui aurait pu s'apparenter à de la peur si elle avait un cœur pour ressentir ce type d'émotion. C'est elle... j'en suis certaine. Il n'y avait en réalité rien qui pouvait confirmer les suppositions de la demoiselle face à elle, puisque ce qu'elle avait devant les yeux, c'était un bloc d'immondices organique dont la forme ignoble évoquant tantôt un cœur disloqué en pleine fibrillation, tantôt une morbide cervelle grouillante de parasites. Mais cette chose aussi infâme, repoussante et surtout inhumain ne pouvait qu'être l'oeuvre d'une seule personne aux yeux de la Simili.

"Tu es en piteux état. Comment est-ce que TU as fait pour en arriver là ?", demanda Phoenix qui tentait de se donner un air supérieur en prenant de haut son interlocutrice; même si elle se savait dans une sale situation maintenant qu'elle avait percé à jour l'identité de celle vers qui on l'avait emmenée. "Même avec cette sale tronche je suis capable de te reconnaître, la voix y joue pour beaucoup, mais l'odeur également", ajouta aussitôt la jeune femme. Malgré l'apparence sanguinolente de la chose se trouvant en face d'elle et l'odeur putride qui se dégageait de l'ensemble de l'endroit, la dite chose, cette masse de viande ignoble avait une odeur bien plus douce. Une odeur sucrée qui ne passa pas inaperçue au nez de Phoenix.

"Tu as bien changé toi aussi. Tu es un peu plus ronde et tu as surtout gagné en assurance", répondit comme elle le pouvait la drôle de créature informe, en faisant référence au ventre de Phoenix, mais surtout à un changement de caractère. Pour n'importe qui, Phoenix avait toujours eu une langue bien pendue avec un sacré sens de la répartie; mais pas pour cette chose. Celle-ci avait connu Phoenix avant qu'elle agisse comme cela, à vrai dire, elle l'avait connu avant qu'elle ne soit "Phoenix".
"Je ne suis pas aussi douée que toi pour la mise en scène et le mensonge, je n'ai pas réussi à me cacher de toi bien longtemps. Mais cela m'importe peu, tu es tombée entre "mes mains" si je peux me permettre", ajouta la chose, qui ne manquait pas non plus d'un certaine maîtrise des mots avec laquelle elle jouait adroitement.

"Dans ton piège ? Pff, je suis venue ici de mon plein gré, je peux m'en aller quand bon me semble !", tâcha de faire croire Phoenix maladroitement, elle qui avait déjà du mal à tenir debout à cause de la douleur que lui infligeait l'existence de son enfant. "Si je reste, c'est uniquement pour t'entendre papoter et me raconter tout ce qui a pu t'arriver depuis le bon vieux temps".

"Bien-sûr, bien-sûr, je n'en doute pas un mot !", rétorqua l'ennemie, "tu veux savoir ce qui m'est arrivée ? Tu devrais le savoir pourtant, tu devrais te rappeler de ce que tu as fait à mon cœur, toi et ton protecteur...", qu'elle fit savoir dans un ton méprisant, représentant ainsi bien toute l'animosité que pouvait avoir cette masse de viande putride envers la Sucrerie des Ténèbres; tout en faisant mention d'un "protecteur".

Elle parle de Vanitas ? Oh, d'accord, je me souviens, pensa Phoenix qui se remémora quelque chose qui lui semblait si lointain et qui, en réalité, ne l'était pas complètement. Elle avait réellement oublié ces événements, elle ne s'en souciait plus, et ne pensait jamais retomber face à celle qu'elle pensait avoir définitivement éliminer il y a de cela plusieurs années. Phoenix et Vanitas, alors qu'ils venaient de se rencontrer et d'officialiser le lien qui les unissait en tant que Gardien et Princesse des Ténèbres; tombèrent nez à nez avec un Sans-coeur que le héros obscure parvînt à vaincre. Elle pensait à ce moment là s'être totalement débarrassée du danger qu'avait été pour elle sa tutrice d'antan, celle qui l'avait élevé, celle qui avait fait d'elle une sorcière, mais surtout celle qui avait essayé de lui voler les pouvoirs de son cœur; au point de faire d'Ophine la Simili qu'elle était à ce moment là.

"Lorsque vous avez détruit le Sans-cœur qu'était devenu les Ténèbres de mon cœur, celui-ci fût libérer et resta un temps prisonnier au sein de Kingdom Hearts. Lorsque celui-ci fût à son tour détruit, mon cœur fût pleinement libre... mais il se retrouva affaibli par tout cela, et sans corps à rejoindre, il allait définitivement être happé par les Ténèbres...", expliqua la chose qui grouillait de vie et d'excitation, aussi morte et insensible semblait-elle être.
"Mon vieux corps n'a pas été capable de donner naissance à un Simili qui m'aurait permis de renaître comme je l'était avant de me faire dévorer par ton Sans-cœur, alors j'ai dû trouver un moyen de survivre... ce moyen, c'est ce monde, avec lequel mon cœur a fusionné au point de le transformer en un corps, prêt à attendre ta venue".

Cette chose, et cette planète morbide et rougeâtre, était en réalité la mère de Phoenix. Ou plutôt la tutrice adoptive de la jeune enfant qui se fut appeler Ophine. Elle avait fait de tout cet endroit son nouveau réceptacle, en attendant d'en avoir un bien plus apte à contenir toutes ses ambitions.

"Qu'est-ce que tu veux ? Tu souhaites t'amuser à tenter de me prendre mon cœur, ou mon corps ? Pas de bol, je n'ai plus de cœur, et ceux qui ont essayé de s'attaquer à mon corps on vite été expulsé de lui", avoua Phoenix avec une certaine fierté, pour faire croire qu'elle ne craignait pas le moindre du monde les désirs de son horrible ancien modèle.

"Petite sotte. Ce n'est pas ton corps de Simili usé jusqu'à la moelle que je souhaite obtenir, mais ce qui se trouve à l'intérieur", répondit "Mother Mozzâ" en ordonnant à ses sbires présents — ces êtres démoniaques rougeoyants qui étaient en réalité ses propres enfants — d'encercler la Sucrerie des Ténèbres pour qu'elle ne soit pas capable de s'en aller, tant bien même qu'elle était à peine capable de se mouvoir ou d'utiliser ses pouvoirs avec la douleur que lui faisait ressentir son ventre.

"C-c-ce qui s'trouve à l'intérieur ? J'dois te rappeler qu'un Simili n'a pas de coeur ?! M-m-mon corps est vide !", demanda Phoenix difficilement avec ce qui ressemblait à de l'angoisse; en craignant d'avoir compris ce dont Mozzâ parlait.

Elle veut... ce qu'il y a à l'intérieur de moi ?!

Il accourait aussi vite que possible en direction du château aux traits maléfiques qui donnait l'impression d'être le seul point d'intérêt de ce monde sanglant. Comme un étalon à pleine allure, il était difficile de combattre les mouvements qu'effectuait Exnihilo dans sa course; principalement car celui-ci utilisait ses pouvoirs du vide afin de se déplacer plus vite. Il ouvrait un vortex du vide à chaque enjambé, dans lequel il se laissait engloutir en un clin d’œil pour atterrir légèrement plus loin, ainsi de suite à répétition; lui offrant donc une vitesse accrue bien que cela utilisait une grande dose de sa source de magie.

Il aurait peut-être été préférable pour lui d'économiser cette énergie puisqu'il ne savait pas si des combats allaient l'attendre dans la bâtisse démoniaque, mais s'il voulait faire vite il n'avait pas le choix. Il improviserait plus tard au besoin s'il venait à manquer de magie. Exnihilo aurait pu se déplacer à l'aide d'un corridor des ténèbres pour limiter cette consommation, mais il y avait quelque chose qui l'en empêchait, comme si une force ténébreuse exerçait une pression sur cette capacité... la rendant complètement impossible à utiliser. C'était certainement la même chose qui empêchait Phoenix de faire de même, au-delà du simple fait de ne plus avoir de force; une pression dont Mozzâ était très certainement la source.

La vieille sorcière, qu'importe la forme qu'elle avait revêtu dans ce monde où la terre et la chair étaient entremêlées, était indéniablement liée aux Ténèbres et à leur essence profonde. Il n'était pas étonnant qu'elle puisse freiner les capacités basées sur les Ténèbres en ces lieux qui lui appartenaient, elle qui — en tant que Maudite Sorcière —  avait hérité d'une grande quantité d'énergies ténébreuses au sein-même de son cœur. Elle était quasiment un être de pures ténèbres tellement la lumière qui l'abritait était petite comparée à la noirceur qui l'animait. Sa lumière était un grain de sable blanc au milieu d'une plage noire. Néanmoins, elle était incapable de se débarrasser de cette lumière qui existait en elle, une part dont elle voulait se débarrasser afin d'obtenir un plus grand contrôle sur les Ténèbres. C'est pour cette raison qu'elle envia par le passé le cas de Phoenix, ou plutôt celui d'Ophine, dont le cœur était de pures Ténèbres. Elle avait pensé pouvoir dominer le cœur de la jeune fille, et s'accaparer son corps, souhaitant ainsi augmenter sa longévité tout en espérant pouvoir se libérer de la faible lumière l'habitant.

Mais les connaissances de Mozzâ étaient limitées à l'époque, le processus recherché ne se déroula pas comme prévu : Ophine perdit son cœur qui devînt un Sans-cœur et Mozzâ subit le même sort. Mais maintenant... cela était bien différent. Ayant été un Sans-cœur, ayant réussi à greffer son cœur à un monde vide; la sorcière avait obtenu une plus grande compréhension des mystères du cœur et du corps. Elle se sentait certaine de son plan en utilisant "ce qui se trouve à l'intérieur de Phoenix".

Que l'on vienne m'aider... Longinux, Sykes... que l'un d'entre vous m'entende... se disait la Princesse des Ténèbres qui refusait d'appeler son véritable gardien au secours, à savoir Vanitas. Elle ne voulait plus avoir à compter sur lui, par fierté, mais aussi parce qu'elle lui avait déjà causé du tort. Bien qu'elle ne disposait à priori pas de cœur, elle avait toujours des remords le concernant lui et l'affaire Penguindreemur. Phoenix se refusait également de faire venir le Sans-cœur né de son propre cœur. Elle ne voulait pas prendre le risque que celui-ci soit détruit, alors elle laissait cette figure obscure errer dans les abysses du Domaine des Ténèbres...

Phoenix appelait à l'aide des personnes qui ne pouvait pas l'entendre. Longinux n'était plus, il n'y avait aucun signe de vie de celui-ci. Le Sans-cœur d'Ophine patrouillait d'ailleurs le Domaine des Ténèbres à la recherche d'une trace du Lancier qui avait fait de Phoenix celle qu'elle était, mais en vain. Phoenix avait également pensé à Sykes, mais le lien qui unissait la jeune femme à cet homme était bien plus que fébrile, voire même quasi inexistant — bien qu'elle abritait en son ventre l'enfant de celui-ci.

... Exnihilo, pensa-t-elle pour finir, acceptant ainsi de s'en remettre à celui qui était devenu son nouveau bras droit au sein de l'Organisation et dont elle percevait une connexion palpable facilement accessible même dans l'état végétatif dans lequel elle se trouvait alors que le plan de Mozzâ se dessinait. Il existait inévitablement une connexion entre Exnihilo et Phoenix, une connexion entre Lioneih et celle qui était appelée Ophine, grâce au lien de sang. Frère et sœur aux origines distinctes, mais que le Destin avait décidé de rapprocher par l'absence de cœur et l'état de Simili. Destin qui se voulait ainsi farceur, mais qui par la même occasion, avait peut-être assuré à la blondinette une vie meilleure.

Peut-être parce qu'en tant que supérieure hiérarchique de l'Organisation Phoenix avait un don lui permettant de contrôler les Simili, peut-être parce qu'elle avait ainsi un contrôle sur le Néant auquel Exnihilo était en partie lié grâce à ses pouvoirs du Vide, peut-être parce que sa volonté demandait à l'aide, parce que la connexion les habitant s'intensifia, ou parce que quelqu'un d'autre s'ajouta dans l'équation; mais Exnihilo ressentait la présence de Phoenix dans la bâtisse d'une manière plus forte que toute. Un sentiment si palpable et obnubilant que les bonds de vortex à vortex du Botteur de l'Extrême s'intensifièrent. Ils couvraient une plus grande distance, se voyaient plus fréquents et frénétiques; et ne semblait pas épuiser les ressources du Simili. C'était comme si une intervention divine le poussait à se rendre au plus vite, sans le moindre coût, en direction de Phoenix. Une intervention venue d'ailleurs...

"Phoenix... ? Non. Mère... c'est vous qui guidez mes pas". Il le comprenait ainsi, il avait l'impression que sa défunte mère lui permettait d’amplifier sa connexion avec Phoenix. Comme si la ficelle qui les reliait devenait une chaîne de diamant, indestructible et perceptible même à travers les ombres. Rien n'était certain quant à la provenance de cette force, mais pour Exnihilo qui voyait en Phoenix les vestiges de sa mère,  qui voyait justement tout en relation avec sa défunte génitrice; il ne pouvait que percevoir cette force inconnue qui le parcourait comme celle de sa mère : Lilith Ophine. [image]

"J'arrive".

D'un bond final, à l'aide de l'un de ses vortex du vide; Exnihilo arriva au plus près du château. Face à l'imposante bâtisse faite de cubes de chair grouillante de vies parasites, dont les jointures suintaient d'un liquide putride, un haut-le-cœur frappa le Simili. L'odeur nauséabonde de ce monde et notamment de cet endroit mortuaire arrivait à parvenir jusqu'aux orifices nasales du Botteur, malgré un casque d'ébène qui est censé filtrer ce genre d'air impur.

Il était donc là, non loin de Phoenix, et pour autant les épais murs du château maléfique les séparait et retardait le sauvetage tant attendu. Comment diable Exnihilo allait-il pouvoir ouvrir les portes de cette demeure ? Ne sachant pas ce qu'il se trouvait derrière, il était incapable de visualiser au-delà des murs extérieures afin de s'y téléporter à l'aide de sa magie, et il se trouvait toujours dans l'incapacité d'utiliser un corridor des Ténèbres dû à la pression alors exercée par Mother Mozzâ sur l'ensemble du monde. Phoenix était prise au piège à l'intérieur du château, mais Exnihilo était en quelque sorte coincé à l'extérieur.

"C'est exactement ce qu'il me fallait pour m'échauffer !", lâcha le Simili en faisant craquer ses articulations en commençant par les poignets, suivi de la nuque, puis le bas du dos et enfin les chevilles qui allaient travailler plus que le reste. Se dressant sur la jambe droite, le Botteur de l'Extrême chargea un coup avec la gauche. S'il ne pouvait pas entrer par les grandes portes verrouillées du château, ni à l'aide de sa magie, il n'avait pas d'autre choix que de battre la viande qui constituait les murs de la bâtisse jusqu'à ce qu'ils cèdent sous ses coups. Il reproduisit ce mouvement à plusieurs reprises, très rapidement, afin de donner un enchaînement de coups de pied gauche à vive allure — au point où sa jambe en devenait presque invisible du à la vitesse de ses satons. Il termina cette frénésie de coups par un saut élancé dans les airs, afin de prendre de la hauteur et surtout de la distance tout en gardant précieusement à l’œil l'endroit qu'il avait précédemment martelé. "X-Slash !" qu'il cria en donnant un violent coup de pied dans le vide, qui fendit l'air sur son passage en une forme de croix, venant s'abattre sur l'endroit ciblé qui avait été affaibli.

Sur le moment, pendant quelques brèves secondes, l'épais mur de viande sembla absorber le choc à travers sa masse mais il venait en réalité d'être entailler profondément par l'attaque précise du Botteur de l'Extrême; dont les coups de pieds vinrent à bout de ce qui le séparait de Phoenix. Comme un morceau de jarret chez un boucher, les blocs de chair cédèrent en étant coupé de parts et d'autres, laissant ainsi derrière eux une entrée menant sur l'intérieur du château. Exnihilo s'aventura alors dans les dédales de cette obscure bâtisse repoussante, en suivant la connexion qui s'était établi entre lui et Phoenix, en faisant confiance aux liens du sang les unissant.

L’assaut d'Exnihilo ne se fit néanmoins pas sans fracas. Alors que Mozzâ n'avait pas remarqué que son cher Mimorettô créé à partir de la chair de sa chair avait perdu la vie face au Simili, elle ressenti indéniablement les coups que subit le manoir organique; étant donné que celui-ci était une part d'elle-même non négligeable. Bien qu'elle était concentrée à réaliser le procédé qu'elle venait de mettre en place autour de Phoenix, elle prit la peine d'envoyer l'un de ses enfants démoniaques à la rencontre de celui qui n'était pas prévu dans l'affaire en cours...

"Hey vermine, comment es-tu rentré ?! Je ne t'ai pas ouvert les portes du manoir, tu n'es censé être là !", s'écria un nouvel être aux allures de diable — ou plutôt de crapaud rougeâtre — qui venait interrompre la progression du Simili. "Je suis Kamanberû, fils de Mother Mozzâ, gardien de l'entrée de notre demeure; et accessoirement celui qui te renverra là d'où tu viens". [ image ]

"Là d'où je viens ?", répéta Exnihilo avec un air amusé, avant de se retourner vers l'individu qui venait sur ses pas. "Ce n'est pas des plus explicites, je ne saurais pas trop t'expliquer pourquoi, mais on va dire je n'ai pas l'exactitude d'où je viens", qu'il ajouta dans un charabia à base de "ex" dont il avait le secret.

"Nous avons là un beau parleur... tu es celui qui a vaincu Mimorettô, mon frère, je le ressens", fit savoir l'ennemi, faisant alors comprendre à Exnihilo la situation et le lien qui unissait son premier adversaire à celui-ci.

"Ton frère ? C'est excellent ! C'est extra ! C'est une situation plutôt cocasse que nous avons là, nous pouvons dire que nous sommes ex-æquo alors. Je t'ai pris un frère, vous m'avez pris une sœur... la différence est que vous allez me la rendre", rétorqua Exnihilo avant de foncer en direction du diablotin qui faisait la moitié de sa taille. Courant en posant chacun de ses pas dans l'air pour prendre de la hauteur, arrivé haut-dessus de son adversaire rapidement, le Simili tournoya sur lui-même avant de se laisser s'écraser sur l'adversaire avec un coup du gauche de sa guibolle fétiche.

"Es-tu certain de pouvoir la sauver ? Il est peut-être déjà trop tard", répondit la créature démoniaque, en arrêtant le coup de pied virevoltant à l'aide — non pas de ses bras ou de ses jambes — mais de sa gueule qui saisit à pleine dent la jambe du Simili.

Il a pu arrêté mon attaque de la sorte ? Sa mâchoire aurait du exploser sous le choc !, pensa Exnihilo qui se retrouvait pris de douleur tandis que les crocs du diable se plantait profondément dans sa jambe. Afin de se libérer de cette emprise, Exnihilo créa un vortex entre sa jambe et le reste de son corps. De la sorte, seule sa jambe gauche resta dans la bouche de l’adversaire tandis que le reste du corps du Simili pouvait se mouvoir tant bien que mal; puisque même s'il était séparé de sa jambe il ressentait toujours les blessures qui lui étaient infligées. Mais cette douleur... ce n'était peut-être rien à côté de celle que ressentait actuellement Phoenix, et ce n'était clairement rien comparé à ce qu'Exnihilo ressentirait s'il venait à perdre sa sœur, perdre ce qui incarnait les restes de sa défunte mère à ses yeux. Même s'il n'avait plus de cœur, cette souffrance émotionnelle parviendrait jusqu'à lui.

"Tu abandonnes ta jambe ?", demanda la créature en mâchouillant ce membre qu'il avait dans la gueule, "j'ai cru comprendre que tu en avais besoin pourtant ! Je sais tout ce que Mimorettô à vécu en t'affrontant, j'ai bien compris que c'est à l'aide de cette jambe que tu assènes tes coups". L'ennemi avait bien raison, mais Exnihilo ne se déclarait pas vaincu pour autant. Prenant sur lui la douleur, il s'éleva à nouveau dans les airs, avant de reproduire le même enchaînement mais cette fois-ci à l'aide de la jambe droite. S'il souhaite arrêter mon coup de la même façon, il devra lâcher ma jambe en otage, pensa le Simili en se ruant sur son ennemi, et il eut à son tour raison. Afin de parer le nouvel assaut du Botteur de l'Extrême, Kamanberû fit l'erreur de recracher la jambe gauche d'Exnihilo. Celle-ci — toujours détachée du corps d'Exnihilo  — effectua un bond sur le côté pour prendre appuie sur l'air, avant de revenir au corps d'Exnihilo qui annula le vortex qu'il créa au bout de ce membre. Profitant de l'impulsion qu'il obtenu à l'aide de sa jambre gauche, il tourna sur lui-même pour attaquer, non pas avec la jambe droite, mais la tête la première.

"Essaye de bouffer ça ! C'est exquis !", qu'il s'écria en s'écrasant sur l'ennemi. Le casque d'Exnihilo rentra alors rapidement en contact avec la gueule du démon dans une ruée sauvage. Ce dernier tenta d'arrêter l'attaque de la même façon, en utilisant toute la puissance de sa gueule démoniaque, mais ses dents et sa mâchoire se brisèrent sous la dureté du casque du Simili. Celui-ci était fait d'un matériau des plus solides, afin de ne jamais prendre le risque d'abîmer le visage qui se trouvait en dessous. Le démon avait beau avoir de bonnes dents capables de s'en prendre à la jambe d'Exnihilo faite de chair et d'os, elles n'étaient pas capables de percer ce casque mat.

La créature rougeâtre tenta de parler, mais tout ce qui sorti de son corps fit un cri de douleur et des phrases incompréhensibles du fait d'avoir perdu l'usage de sa mâchoire, qui pendouillait sans que l'individu ne puisse la mouvoir à sa guise. Elle était brisée. Et c'est bientôt tout Kamanberû qui fut brisé, puisqu'Exnihilo profita de l'effet de surprise et de la douleur de chez son adversaire pour lui asséner un déferlement de coup de pieds. Du gauche, histoire de se venger des douleurs infligées à cette même jambe.

L'ennemi se désagrégea, ne laissant derrière lui qu'un semblant de peau à moitié fondue, au milieu d'une flaque pullulante de moisissures en tout genre. Exnihilo se retrouvait fortement affaibli, lui qui avait maintenant une jambe dont les capacités n'étaient plus optimales, mais il n'abandonna pas son objectif. Bravant la souffrance, il continuait d'avancer, et ceci à l'aide de sa technique du Void Walk. En marchant dans les airs, prenant appui sur le vide, il souffrait moins qu'en posant ses pas sur le sol. Une capacité qui l'épuiserait néanmoins rapidement s'il ne retrouvait pas Phoenix au plus vite.

J'ai perdu mon coeur, je m'y suis fait, j'en suis peut-être même "heureuse"... mais comment pourrais-je vivre après l'avoir perdu ? Comment pourrais-je vivre après avoir perdu une telle chose ? Comment pourrais-je vivre après l'avoir perdu "lui" ?

Lorsque je regardais au fond de moi, au fond de ce qu'il me restait, il n'y avait que les Ténèbres perdues dans l'infinité du cosmos. Mais lorsqu'il est apparu en moi, il y eut quelque chose de différent; quelque chose qui commença à se développer. Il s'agit de quelque chose de rafraîchissant et chaud à la fois. Quelque chose me réconfortant, quelque chose qui m'apaise. Comme la lumière d'une bougie au coin du lit. Est-ce... un cœur ? Un cœur disposant d'une once de Lumière ? Est-ce le mien ou le sien ? Cela est indéfini, il est indissociable de nous deux, comme si nous le partageons...

Il s'agit d'une partie de moi... que j'apprendrais à oublier, que j'apprendrais à ignorer, que j'apprendrais à craindre de peur de connaître tout ce que renferme un cœur. Comme toujours, je craindrais la peur pour ne plus jamais la ressentir. Est-ce que je vais le regretter ? Je n'en sais rien, et je ne peux pas le savoir. Après tout, je ne suis même pas censée pouvoir ressentir ou comprendre ce genre de sentiment; car je n'ai pas de cœur... et je n'en veux pas... alors qu'elle me prenne celui-ci également, celui que lui et moi partageons... cela m'importe sans doute peu...


Phoenix faiblissait de plus en plus. Elle n'était pratiquement déjà plus rien. Sa conscience l'abandonnait, et son esprit divaguait en direction des rêves issus de ses pensées tourmentées. Que lui arrivait-il ? Que s'était-il passé de son côté pendant qu'Exnihilo combattait pour la retrouver ? ...

[ un peu plus tôt ]

"C-c-ce qui s'trouve à l'intérieur ? J'dois te rappeler qu'un Simili n'a pas de coeur ?! M-m-mon corps est vide !", demanda Phoenix difficilement avec ce qui ressemblait à de l'angoisse; en craignant d'avoir compris ce dont Mozzâ parlait. Elle veut... ce qu'il y a à l'intérieur de moi ?! Elle veut mon enfant ?!

Un démon venant frapper à une porte n'est jamais bon signe. La naïveté de Phoenix, cette fois non-simulée, l'avait mené tout droit dans les bras de Mozzâ, droit dans des filets non-dissimulés, en direction des souhaits de résurrection de cette sorcière; un piège pleinement visible mais qui s'avérait inévitable d'après le Destin.

Phoenix tenta de déguerpir mais elle était incapable d'utiliser de corridor des Ténèbres à cause de la fatigue qu'elle ressentait, des douleurs physiques qui lui infligeait sa grossesse, mais surtout due à la volonté non-négligeable de Mother Mozzâ. Maîtrise de ces lieux, incarnation de ce monde organique; elle contrôlait les Ténèbres s'y trouvant — pouvant ainsi limiter facilement les capacités tirant leur force dans l'obscurité et par la même occasion pouvoir affaiblir encore plus Phoenix. La Sucrerie essaya de faire quelques pas mais tomba bien vite au sol, en prenant le soin de se réceptionner afin de ne pas faire ressortir de coup à l'enfant qui habitait son ventre. Un ventre rond, bien plus rond depuis quelques minutes, voire peut-être depuis seulement quelques secondes. Le processus naturel s'accélérait.
En tant que créature issue du néant, alter-égo des incarnations des Ténèbres, et surtout en tant que Princesse de Cœur Phoenix était une proie facilement malléable pour la vile sorcière s'était faite reine dans la maîtrise du corps et des forces ténébreuses. Phoenix et son enfant était les instruments de son plan, qu'elle pouvait manipuler à sa guise par sa simple volonté. Le processus naturel se voyait ainsi remplacer par un processus surnaturel. Il n'y avait plus rien de normal dans la fin de cette grossesse, en admettant qu'elle puisse être considérée comme telle. La naissance d'un enfant issu d'un corps dénué de coeur et rattaché aux Ténèbres n'est certainement pas la chose la plus commune. De prime à bord, il n'y a rien de "normal" dans les origines de cette gestation; un indice pour deviner que sa fin ne le sera pas non plus.

"Maintenez là, bien qu'elle ne puisse pas aller bien loin dans son état, ordonna la masse informe de laquelle s'échappait la voix de l'ancienne tutrice de Phoenix, il faut toujours être prudente en faisant face à une Maudite Sorcière. Une chose que tu as négligé chère enfant". Les sbires de la sorcière exécutèrent l'ordre reçu. L'un des deux colosses accompagnant Mozzâ attrapa Phoenix, rampante au sol. Il la traîna jusqu'à l'autel qui se trouvait au centre de la pièce, tandis que l'autre titan rouge la plaça allongée sur cette table qui servira au rituel. Il s'agissait d'une table également faite de la matière organique qui pullulait dans ce monde, un autel qui se voyait donc faire partie intégrante de Mozzâ.

"Vous... vous... vous v-verrez ce qu'il arrivera ! Tu as provoqué ta propre fin la première fois que tu tentas de t'accaparer mon corps, cela ne changera pas cette fois-ci", lâcha Phoenix dans un élan de lucidité. Ce sursaut de vie soudain pu uniquement lui permettre de parler et non de bouger, puisque des sortes de tentacules ressemblants à des boyaux sortirent des interstices de l'autel pour la ligoter et l'empêcher de se mouvoir.

"Pourquoi te voiler la face ? Tu sais très bien que cela n'est pas comparable, tu as parfaitement compris que la situation n'est pas la même. Ce plan a été mûrement réfléchi, j'ai attendu le moment parfait pour le mettre en place. J'aurais aimé pouvoir dire qu'il s'agissait de mon plan B déjà prévu et calculé à l'avance au cas-où la première tentative aurait été un échec... mais ce n'est pas le cas. Je me suis faite ridiculisée par ton Sans-coeur, avoir par ton Gardien, mais maintenant... je sais qu'aucun d'eux ne pourra venir ici. Je m'en assure.", fit savoir Mozzâ, fière d'elle. La pression qu'elle exerçait à l'aide de sa volonté et de sa maîtrise des Ténèbres n'aurait jamais permis aux Sans-cœur d'Ophine ou à Vanitas de se mouvoir jusqu'à la Terre Mère — tout en prenant en compte le fait que Phoenix ne voulait pas avoir à s'en remettre à eux quitte à en payer le prix fort. Mozzâ bloquait l'utilisation des Ténèbres dans cet endroit... mais ne pouvait pas contenir les pouvoirs du Gardien du Vide.

"Urgh", "argh", "ouargh", firent en chœur les trois démons présents. Les deux colosses, Mottsu et Arera, ainsi que Chîzu le plus petit des enfants de la sorcière. Les trois frères venaient de ressentir la fin de l'un d'entre d'eux, Mimoretto. Les informations que cet individu obtenu sur son adversaire furent transmises aux membres du groupe après sa mort, leur faisant ainsi savoir qu'un intrus se trouvait dans leur monde.

"Que vous arrive-t-il ? Ou plutôt que lui est-il arrivé", demanda aussitôt la maîtresse des lieux, tout en gardant son calme. Elle connaissait ses enfants et leur fonctionnement, s'ils ressentaient tous la même chose au même moment, c'est que l'un d'entre eux venait de disparaître.

"C'est Mimoretto. Il occupait son poste de rôdeur", commença à dire Mottsu, mais il est tombé sur un intru qui l'a vaincu", ajouta son compère. "Dans tous les cas il ne devrait pas pouvoir entrer, et si cela venait à arriver Kamanberû saura s'occuper de lui. Il n'est pas le gardien des portes de notre demeure pour rien", conclut Chizû. Il faudrait néanmoins que Kurîmu se dépêche au cas où..., qu'il balbutia en suite.

"Au cas où... ? Il n'y a rien à craindre. Kurîmu arrivera dans les temps avec ce qu'il faut..." Mozzâ était sûre d'elle. Rien ne pouvait la perturber. Mais... en tant que Gardien du Vide, Exnihilo ne pouvait-il pas être considéré comme ce "rien" ?

L'endroit n'a pas l'air bien animé, et pourtant on arrive à m'envoyer plusieurs ennemis à la suite ? Pas grave, ils seront tous terrassés à temps. J'espère néanmoins qu'ils ne sont pas une centaine. C'est ce qu'Exnihilo pensa en se retrouvant — après avoir affronté Mimoretto et Kamanberû — devant les deux colosses rougeâtres, Mottsu et Arera. Ces deux-là avaient quitté leur tendre mère après avoir ressenti la disparition de Kamanberû, alors qu'ils avaient déjà remarqué la mort de Mimoretto plusieurs minutes auparavant. Mozzâ ne pouvait pas laisser son plan être avorté, alors elle était prête à envoyer ses enfants au combat loin d'elle, restant ainsi seulement sous la "protection" de Chîzu en attendant que sa fille n'arrive pour procéder au rituel final. Elle croyait en leur potentiel, mais elle avait bien conscience qu'ils risquaient de se faire éliminer à leur tour... mais ce n'était pas grave. Tout ce dont elle avait besoin, c'était de temps, et les deux titans allaient lui en offrir.

"Laissez moi utiliser mes extraordinaires pouvoirs de voyant, ou plutôt de déduction, vous êtes les frangins de ceux que j'ai exterminé ?", commença à dire Exnihilo, "oh quoi que, ne répondez pas, je ne veux pas avoir à écouter vos exordes. En admettant qu'il est possible pour vous d'expliquer la moindre chose, vous avez l'air d'être la caricature des gros costaux à l'intelligence inexistante !", qu'il rajouta en sautillant sur place pour se préparer à l'affrontement inévitable.

Comme il l'avait imaginé, les deux balourds furent à peine capable de bredouiller quelque chose tout en grognant d'agacement, avant de se ruer sur le Simili. Malgré leur imposante taille et masse, ils étaient capable de se mouvoir à une vitesse relativement correcte; mais qu'Exnihilo était tout de même capable de surpasser. Ces deux géants se battaient à mains nues, et le Simili avait compris en quoi consistait leur technique : l'un essayait d'attraper de l'attraper, tandis que l'autre avait probablement pour but de le mitrailler de coup une fois emprisonné entre la poigne de son confrère. Mais après s'être fait avoir tout à l'heure en se retrouvant avec une jambe momentanément prisonnière de son adversaire, Exnihilo ne souhait pas faire la même erreur; sa dite jambe blessée était la preuve qu'il ne pouvait pas se permettre de se faire avoir à nouveau. Il devait rester dans un état stable et être capable de se tenir debout s'il voulait sauver Phoenix, après tout, il ne savait pas ce qui l'attendait au-delà de ces colosses.

Bien qu'il était capable d'esquiver leurs coups, ils se rendaient bien compte que ses attaques ne leur faisaient pas grand chose. Ces deux montagnes de muscles absorbaient le moindre choc à l'aide de leurs armures de chair. Ils étaient tous les deux de véritables remparts, contre lesquels Exnihilo devait certainement utiliser la pleine puissance de ses coups pour les faire tomber. Le problème était que sa jambe fétiche était mal en point, et qu'il risquait de la rendre totalement inutilisable s'il venait à l'emmener dans les retranchements de ses limites. Il devait pourtant bien y avoir une solution ? Tout en continuant d'esquiver coup après coup, en ayant arrêter de tenter de rendre l'appareil en sachant bien que cela était inutile, Exnihilo cherchait une ouverture. Non pas une ouverture pour parer leur défense, puisqu'elle était impérissable, mais une véritable ouverture pour s'enfuir de cet affrontement qu'il ne pouvait pas gagner à moins d'y laisser un membre sans vie. Si les Simili peuvent reconstruire un cœur au fil du temps, est-ce qu'ils peuvent reconstruire une jambe ? Pas sûr.

Exnihilo se créait des vortex pour passer de l'un à l'autre et esquiver les attaques ennemies, mais il n'avait pas assez de temps entre deux assauts pour pouvoir les projeter bien loin, et il n'avait donc à aucun moment la pleine possibilité de se mouvoir bien loin; surtout qu'il ne connaissait pas les lieux — l'empêchant donc de faire apparaître un vortex directement en direction de Phoenix. Mais bordel, ils sont archi-limités ces pouvoirs de Gardien, ça vaut même pas le coup !
Il se retrouvait donc bloqué dans un combat éternel : esquiver, créer un vortex, esquiver, se déplacer jusqu'au vortex, y pénétrer, esquiver un coup de la sorte, réapparaître au-delà du vortex, esquiver, créer un nouveau vortex, esquiver, s'y déplacer — et ainsi de suite.

Il eu petit à petit l'impression que ses ennemis devenaient plus rapides, mais c'était en réalité Exnihilo qui commençait à ralentir la cadence. Il ne pouvait pas tenir ainsi indéfiniment...

Tu peux le faire, elle a besoin de toi, alors vas-y. Dépasse toi, où bien elle finira comme moi.

Ces paroles retentirent dans l'esprit du Botteur de l'Extrême. Elles vibraient à travers ses tympans d'une voix trouble et quasi inexistante, mais tout de même perceptible. Une voix dont le timbre n'était pas discernable, mais qu'Exnihilo perçu comme celle d'une femme. Mère ?, se demanda-t-il, c'est bien vous ? C'est bien vous qui m'aidez dans cette quête, qui m'aidez à protéger Phoenix ? Merci, mais... cela commence à devenir difficile, je ne suis pas certain de pouvoir faire grand chose de plus en ayant vos encouragements, même s'ils réchauffent le cœur que je n'ai pas.
Exnihilo était réaliste. Même s'il était plein de volonté, même s'il donnait le maximum de lui-même, même s'il était prêt à mourir pour sauver Phoenix et ce qu'elle était à ses yeux — une sœur, mais surtout la réminiscence de sa mère — il se rendait bien compte qu'il s'était engagé dans une situation à risque de laquelle il n'arrivait pas à sortir. Et de laquelle Phoenix ne sortirait probablement pas indemne non plus...

Tu te trompes. Tu es en capable, ou du moins, tu le seras grâce à moi...

Exnihilo continuait d'esquiver tant bien que mal, à une vitesse moindre qu'auparavant, les assauts de ses deux adversaires titanesques pendant cet entretien intérieur. Une fois ces derniers mots prononcées par la voix inconnue qu'Exnihilo interprétait comme celle de sa défunte mère, le Simili ressenti en lui quelque chose de nouveau, une force et une énergie soudaine d'une nature incertaine.
Qu'est-ce que... ?! Son corps s'illumina un instant, et subitement après un pic de luminosité, son corps s'enveloppa d'une aura obscure qui l'engloutie, et le fit disparaître au cœur des Ténèbres les plus sombres et abyssales imaginables...

[ Musique ♫ ]
"Hm ? Où suis-je ?", demanda le Simili en ne sachant pas ce qu'il se passait. Il se retrouvait dans un endroit entièrement vide et noir, au-delà du temps et de l'espace, un endroit à part. Un endroit n'existant pas réellement, mais qui pour autant allait avoir un fort impact sur la réalité.

"Je t'ai fait chuté dans les Ténèbres, dans les Ténèbres des fragments de mon cœur, mes propres Ténèbres", lui répondit la voix féminine aux origines inconnues.

"Que vous arrive-t-il mère ?! Pourquoi votre cœur serait-il aussi sombre ? Est-ce ce qu'il arrive lorsque l'on meurt ?!", voulu absolument savoir le Simili. Persuadé de s'adresser à sa mère, ne voyant qu'elle pour le guider vers sa soeur; Exnihilo s'inquiétait de ce qui pouvait être arrivé à sa défunte mère une fois disparue de l'autre côté. L'au-delà n'est-il que Ténèbres ? C'est ce qu'il nous attend tous, une fois notre heure arrivée ?

"Tu te trompes. Il serait difficile de tout t'expliquer maintenant, même si nous nous trouvons en dehors des lois du temps, mes Ténèbres sont limitées et ne peuvent pas s'adresser à toi indéfiniment de la sorte".
Des mots ne répondant pas aux inquiétudes d'Exnihilo, mais pouvait-il s'inquiéter pour sa mère déjà décédée alors que sa sœur était toujours en vie ? Il y avait des priorités à respecter.

"Très bien, ne pardons pas une minute", dit alors le Simili qui était prêt à agir. "Que dois-je faire, pourquoi suis-je ici ?", qu'il voulu savoir afin d'accélérer les choses.

"Pour te rendre plus fort, je suis dans la capacité de restaurer ton cœur grâce aux fragments du mien. Il ne s'agirait pas de ton cœur originel, mais un ersatz de l'obscurité de celui-ci. Ce procédé ferait de toi un être au cœur de pures Ténèbres, à l'instar d'une Princesse de Cœur des Ténèbres; mais par la même occasion... tu perdrais tes pouvoirs de Gardien du Crépuscule, tu perdrais une part de ton individualité. Tu renaîtrais ainsi sous une nouvelle forme..."

Perdre mon individualité... ? Exnihilo se demanda s'il était prêt à faire cela. Il craignait de perdre le peu de précieux souvenirs de sa mère qu'il avait dans ce processus, il craignait de perdre à l'esprit la raison de son combat. Si je ne deviens que noirceur, alors j'oublierais peut-être ce qui m'a poussé à venir ici...

Et puis, s'il venait à renoncer à son titre de Gardien, qu'arriverait-il à la Princesse lui étant liée ? Lui qui s'était donné pour but de purifier les mondes en faisant naître l'équilibre parfait entre Lumière et Ténèbres à la découverte de sa nature de Gardien du Crépuscule, il était quasiment inconcevable qu'il se joigne aux Ténèbres.

Mais... je ne vais pas avoir le choix. Le destin de Phoenix passe avant celui d'une inconnue. Bien qu'elle soit une Simili, qu'elle puisse être recomplétée si son Sans-coeur venait à disparaître également; je ne sais pas ce que mes ennemis ont prévu de lui faire. Je ne peux pas prendre le risque de la perdre, comme je vous ai perdu... mère... Exnihilo venait de prendre sa décision, il allait renoncé à ce qu'il était, pour renaître sous une nouvelle forme. Le Destin trouvera-t-il quelqu'un d'autre pour remplacer ce Gardien du Crépuscule ? Teria en aura certainement besoin...

"Très bien. Faîtes ce qui est nécessaire, j'abandonne ce que je suis, afin de ne pas abandonner Phoenix", répondit le Simili à la proposition, convaincu de s'adresser à sa mère. De son vivant elle ne fut jamais été très proche de moi, et le fut encore bien moins de Phoenix puisqu'elle du l'abandonner à la naissance; mais elle se rattraperait alors ainsi... depuis l'au-delà, pour nous réunir et nous protéger ? ... merci à vous, mère.

Après avoir donner son accord, l'obscurité dans laquelle il se trouvait vînt être légèrement écartée par une silhouette hasardeuse qui se dessina face au Simili. La silhouette d'une femme, plus petite qu'Exnihilo, arborant des cheveux blonds. Son visage n'était pas perceptible, mais le Simili voyait en cela la preuve qu'il s'agissait bien là de sa mère. Qu'elle était toujours là, et qu'elle veillait sur lui et sa sœur. La silhouette fantomatique se rapprocha, et retira le casque de son interlocuteur, laissant ainsi le visage de celui-ci à découvert. [image]
Elle porta — en tant qu'ultime symbole du lien qui allait les unir — un baiser sur le front du jeune homme, et c'est à la suite de ce geste de tendresse que les Ténèbres environnantes engloutirent dans leur violence Exnihilo. Sa fin venait d'être annoncée. La fin de son individualité... l'éveil du nouveau Lioneih se dessinait.

Est-ce que c'est ainsi que tout va se terminer, pour moi, pour lui ?, se demanda la jeune femme tout en regardant son ventre bombé. Du côté de l'autel cérémonial auquel Phoenix était maintenue, les choses s'étaient accélérées, les effroyables faits étaient prêts à se produire, le plan de Mozzâ était à son climax.

Perdre un enfant est une terrible fatalité, plus qu'une épreuve sur le chemin de la vie, il s'agit d'un pieu que l'on vient planter dans le cœur d'un parent, le clouant au sol pour le restant de son existence. Est-ce qu'un Simili dénué de cœur pouvait s'en remettre ? Probablement, même si les cas de grossesses chez ses êtres du néant étaient rares, impliquant que la perte d'un enfant né de l'une de ces créatures l'étaient bien plus.

Mais le cas de Phoenix était bien plus particulier, perdre cet enfant représentait beaucoup plus pour elle. Ce n'est pas qu'elle s'était attachée à lui, au contraire même, il semblait indifférente à l'idée d'avoir un enfant. Peut-être parce qu'elle considérait déjà tous ses camarades de l'Organisation comme ses enfants, sa famille ? Non plus, et ce n'était pas le cas quoi qu'il arrive. Phoenix avait développée une personnalité individualiste. Cela ne correspondait pas à de l'égoïsme, il lui arrivait de penser aux autres, mais c'était son propre sort qui l'inquiétait le plus. Et dans le cas présent, c'était bien son propre destin qui l'inquiétait. Sa vie, tout autant qu'humaine que Simili, avait été déterminée par sa nature de Princesse de Cœur des Ténèbres; par son rôle de Maudite Sorcière. Elle ne pouvait pas y échapper, et c'est ce qui lui faisait peur. Elle avait tout fait pour s'en éloigner, mais cela revenait au galop, toujours, comme si elle traînait derrière elle un chariot de malheurs et de souffrance lui étant attaché.

Perdre cette enfant, sous le courroux de sa mère d'antan, c'était accepté perdre une partie de soi. Perdre tout espoir de se défaire de sa condition. Se résoudre à l'évidence : elle souffre, et souffrira toujours. Même perdre son cœur n'avait pas réglé la solution, Phoenix avait constamment été dans la course, pour échapper aux tourments qui la poursuivaient. Une peur innée et indissociable d'elle-même, un curieux paradoxe pour un être dénué de cœur.
Enfin... peut-on toujours considérer Phoenix comme telle, elle qui, dans un premier temps non négligeable, abrite la vie en son sein ? Celle de son enfant, oui, mais aussi la sienne, sa propre vie. Chose qu'elle refusait d'accepter. Non, je n'ai pas de cœur, et je n'en aurais jamais, qu'elle se promettait tous les jours en se levant, et toutes les nuits en cauchemardant. Mais Phoenix ne savait pas bien tenir une promesse, que ce soit à l'un de ses "proches", mais encore moins à sa propre personne. Bien-sûr qu'elle avait un cœur, il battait sous les rythmes de ses sanglots et cris intérieures depuis des semaines, voire des mois, stimulées par tout ce qui l'entourait. C'était trop tard, elle ne pouvait pas le remettre en cause : elle avait un cœur, mais ne pouvait pas l'accepter.

Que lui arriverait-il si elle venait à mourir, maintenant qu'elle pouvait être considérée comme un être complet ? En tant "normal", la destruction d'un Simili fait que le corps dont il est né se met en stase en patientant que le cœur qui lui soit lié, devenu Sans-cœur, soit libéré de son état. Une fois Simili et Sans-cœur disparus, le corps et le cœur ne font plus qu'un, redonnant naissance à la personne initiale. Oh, et ça, c'était peut-être encore bien pire que la mort pour Phoenix. Dans l'état où elle se trouvait actuellement, elle pouvait encore tenter de faire semblant et d'ignorer les battements l'habitant, mais en redevenant pleinement l'humaine qu'elle était d'antan elle n'aurait aucun échappatoire face à cette vérité. Mais... tout ceci est en émettant la possibilité qu'elle puisse seulement revenir en tant que l'individu qu'elle était à l'origine, elle qui s'était déjà éloignée de son statut de Simili depuis un moment...
La mort réelle ou la mort intérieure. C'est ce qui l'attendait.

Kûrimu, la diablesse aux ordres de la maîtresse de ce monde putréfié, arriva jusqu'à l'autel avec les préparatifs nécessaires à l’ascension du plan de sa mère. Il s'agissait de diverses babioles, tantôt modernes technologiques, tantôt anciennes et surnaturelles; comme si Mozzâ avait parcouru les mondes pour trouver tous les procédés possibles pour extraire la vie d'une autre.
"Tu m'as facilité la tâche, d'une certaine manière", dit l'étrange amas de chaire à la cervelle dégoulinante en s'agitant d'excitation."Tu as récolté de nombreuses informations à travers les endroits que toi et les tiens avaient visité. De ma tanière il ne m'a pas été difficile de vous suivre dans votre propre ombre, afin d'accumuler toutes les connaissances que vous emmagasiniez. La Keyblade était souvent au centre de tout cela, mais je savais que je n'étais pas digne de la manier, alors j'ai du faire avec tout ce que l'univers m'offrait pour dupliquer les pouvoirs de cette arme à l'origine de quasiment toutes choses", expliqua Mozzâ.
"Je suis tombée sur des recherches expliquant comment faire disparaître la notion de soi à un individu, non sans risques de le faire devenir un Sans-cœur, je suis parvenue à mettre au point une méthode évitant ce type d'erreur grâce aux divers artefacts que mes très chers enfants ont récupérés de parts et d'autres du monde. Pour cela il me faut un cœur et un corps frais, un nouveau né fait donc parfaitement l'affaire, notamment s'il est déjà aux portes des Ténèbres", s'amusa à dire la créature à la voix résonante et terrifiante.

Kûrimu plaça et emboîta étrangement ces multiples reliques et appareils scientifiques, d'une manière précise et ordonnée, prouvant à quel point tout cela avait été décidé et préparé depuis bien des jours. Tout était quasiment en place, rien ne pouvait arrêter Mozzâ... enfin,c'est ce qu'elle pensait.

"Uaaaargh", cria Kûrimu en tombant de douleurs, faisant comprendre à et elle et son confrère encore vivant que plusieurs de leurs semblables venaient de disparaître. De qui était-ce l'oeuvre ? Qui avait pu éliminer les créations et enfants de Mozzâ, notamment les deux colosses Mottsu et Arera ? Chîzu était également plié par la souffrance, mais aussi par un semblant de peur qui se reconnaissait dans son regard, de quoi énerver sa drôle de mère.
"Finissez le travail ! Qu'ils ne soient pas morts pour rien !", ordonna leur maîtresse, bien qu'ils pouvaient difficilement se mouvoir pour terminer l'installation nécessaire à la suite de la procédure.

Kûrimu tenta de se redresser, mais elle s'écroula sur l'autel par-dessus Phoenix. Chîzu s'aida de ses petites ailes pour se déplacer vers les artefacts et les enclencher comme il le fallait mais son vol était approximatif, et il vînt se cogner vers la structure, retardant les préparatifs. "Que nous arrive-t-il ? Pourquoi souffrant nous autant, bien plus que lorsque nos autres frères sont morts ?", voulu savoir Kûrimu.

"Parce que je suis bien pire que la mort", annonça une voix grave dans l'obscurité du couloir menant à cette salle cérémonielle.

Les sbires de Mozzâ étaient à l'agonie, ils s'écroulaient au sol tandis que leurs chaires commençaient à se dissoudre. On aurait pu croire qu'ils étaient soumis à une chaleur ardente les faisant fondre, comme s'ils n'étaient que deux simples glaces au soleil. La douleur était telle qu'elle avait brisé tout ce qu'ils étaient, leurs cœurs, leurs âmes, résultant en un maelstörm tumultueux au plus profond de leurs corps. C'était là le prix à payer pour s'être attaquer à Phoenix, une punition apportée par son protecteur éphémère.

"Ressentez ce que je peux ressentir", dit la voix légèrement éloignée, bien que l'on pouvait comprendre qu'elle se rapprochait petit à petit de la pièce. Une voix à la tessiture grave, monocorde, accompagnée des rythmes de ses pas. Tac, tac, tac. L'individu portait supposément des talons à en juger de ce son, qui résonnait vers la scène morbide, mais qui résonnait surtout dans l'esprit de ses ennemis. "Vous n'êtes que des aberrations, des êtres supposés ne pas exister, des choses qui n'ont surtout pas mérité de l'être. C'est pourquoi, à travers la souffrance que vous éprouvez à la perte de vos confrères, je vais vous faire ressentir ce que je suis — quelque chose de bien plus effroyable et insensé que vous", qu'elle ajouta, tandis que deux yeux immaculés d'une lueur vive et orangée vinrent percer l'obscurité du couloir.

[ Musique ♪ ]
Phoenix aurait pu profiter de cette occasion pour tenter de se débattre, mais elle se savait à bout de force, tant physiquement que psychologiquement. Même si quelqu'un venait la sauver, que pourrait-on lui apporter qui redonnerait un sens à sa vie ? C'était trop tard pour elle, elle avait déjà abandonnée. Son esprit — mais surtout son cœur — était prêt à mourir. Ce n'étaient pas des pensées suicidaires, mais plutôt comme le consentement d'une fin. Sa vie n'avait été rythmée que par le désire de repousser le fait d'avoir un cœur, repousser cette idée qui la hantait, qui la faisait souffrir, qui lui faisait comprendre que sa vie ne serait qu'un large flot de tourments. Peut-être qu'il y aurait quelqu'un qui arriverait à la faire changer d'avis ? Oui. Peut-être, ça aurait pu arriver. Mais Phoenix n'avait pas envie de devoir subir des années de souffrance dans l'espoir, qu'un jour, potentiellement, la douleur s'arrête. Ou s'estompe. Avoir un cœur était quelque chose de beaucoup trop affreux pour elle, et bien qu'elle aurait pu s'en défaire pour renouer avec sa nature de Simili, un maudit cœur aurait fini par réapparaître — stimulé par la crainte d'en avoir un. Un boucle infinie, dans laquelle elle se retrouvait prisonnière, dans laquelle elle risquerait de cumuler les tourments — non pas seulement de son propre cœur — mais de tous ceux qui lui étaient liés.

Elle ne pouvait pas le supporter, et surtout, elle ne le voulait pas. Supporter la douleur en espérant que les choses soient un jour différentes, elle l'avait déjà fait, et ne le pouvait plus. Ce jour fut un tournant majeur dans son existence, le jour où elle ne pouvait plus faire marche arrière, le jour où elle ne pouvait plus se mentir, le jour où elle ne voulait plus agir, le jour où elle n'avait plus peur de mourir. Et ça, son "sauveur" l'avait compris.

"Vous ne savez pas ce que c'est de souffrir, ce qu'est la vraie douleur, ce que cela fait d'être l'incarnation de la négativité de tout un monde. Je suis maudit, tout comme elle, et c'est pour cela que je suis né : pour mettre fin à nos jours de errance et souffrance. Mais avant cela, je suis surtout là pour vous faire disparaître, vous réduire à un état où toutes les parcelles de ce que vous êtes crient à l'agonie", continua à dire l'inconnu en avançant de plus en plus près de l'autel.

"Faîtes quelque chose !", ordonna Mozzâ, bien qu'elle s'était rendue compte que ses sbires restant n'étant plus en état de combattre, et surtout qu'il n'aurait rien pu faire face à l'adversaire s'approchant. Mozzâ le ressentait, il y avait dans cet individu quelque chose de terrible, et de terriblement familier. Qui était-ce ? Elle n'en était pas sûr, mais elle reconnaissait dans ce mystérieux personnage quelque chose de semblable à Phoenix. Mais cette connexion était bien plus forte que les liens du sang.
Souhaitant jouer le tout pour le tour, Mozzâ sacrifia ce qu'ils restaient de ses effroyables enfants à moitié liquéfier pour obtenir un semblant de corps, une silhouette visqueuse et à l'aspect bien plus incertain que l'espace de tas de viande qu'elle était jusqu'à maintenant. Un corps instable, mais qui lui permettrait de tenter sa chance, et d'activer le procédé ayant pour but de s'approprier ce que Phoenix cachait en elle : le pouvoir, mais aussi la vie.
"On ne peut être mieux servi que par soi-même !", s'écria Mozzâ en s'agitant pour parvenir à ses fins. En vain.

Depuis le couloir, le "sauveur" de Phoenix se déplaça rapidement, et empala la masse informe à l'aide d'une Keyblade qui apparue dans une gerbe d'étincelles obscures. Une arme ressemblant à si méprendre à la Keyblade que disposait Lioneih avant de perdre son cœur, clarifiant un peu plus l'identité de cet être né de la fusion de deux entités distinctes. Son visage était masqué par un loup noir, mais son apparence évoquait clairement celle d'Exnihilo; puisqu'il s'agissait d'un jeune homme à la silhouette élancée et athlétique, portant un manteau noir et cyan. Bien qu'il était entouré d'une épaisse aura ténébreuse, on ne pouvait louper ses cheveux à la couleur des blés. Une masse blonde, différente de ce qu'était les cheveux d'Exnihilo, ressemblante à la tignasse de la Sucrerie des Ténèbres — montrant ainsi un peu plus ce qu'était cet être, l'union d'Exnihilo, et de quelqu'un d'autre, quelqu'un aux cheveux blonds, quelqu'un qu'il avait pris pour sa défunte mère.

- Alors, surprise ?
- Qu'est-ce qu-... qu'est-ce que tu es ?
- Regarde au plus profond de mon cœur, et tu le comprendras.
- Mais... non, c'est impossible !

Après avoir lâcher ces mots, le corps de Mozzâ et tout ce qu'il habitait fut happée par des ténèbres assoiffées, dévorant ce qu'il restait de la sorcière, la scellant au plus profond des abysses du monde; là où elle souffrirait pour l'éternité, sans avoir la moindre chance de revenir un jour. Elle serait à jamais à la lisière qui sépare les Ténèbres de la Mort. Un sort qui correspondait à l'état psychologique de Phoenix. Comme si la tristesse de son cœur s’abattait sur celui de la sorcière Mozzâ. Mais n'était-ce donc pas ce qu'elle avait toujours recherché, cette vieille folle ? S'approprier les capacités et la vie de Phoenix ? Et bien elle l'avait finalement eu, et elle allait devoir le subir sous cette forme. Elle avait perdu, mais avait reçu un genre de lot de consolation.

Son ennemie principale était finalement vaincue, cette femme qui l'avait charcuté il y a plusieurs années, mais qui lui avait permis de vivre les meilleures années de sa vie au sein de l'Organisation. Des moments loin de son cœur, loin des tourments.

Phoenix était maintenant libre.

Phoenix était maintenant libre.

Oui, libre de partir. Où ça ? Au-delà de toute chose, au-delà de la vie, au-delà de la mort. C'est ce qu'elle souhaitait. Cela pouvait paraître triste pour les rares personnes qui l'appréciaient, mais elle se disait qu'ils la comprendraient. Pour être honnête, elle ne se posa pas véritablement la question, elle se disait que ses choix ne regardaient qu'elle, que sa vie lui appartenait, et qu'elle avait déjà assez donné. C'était ainsi. Toute chose a une fin, et en ce jour, la fin de Phoenix était venue. Elle l'avait choisi, si ce n'est le Destin qui choisit en réalité pour elle. Qu'importe la raison, elle était prête à partir, puisqu'elle ne voulait plus rester.

Allongée sur l'autel, elle observa son ventre, rond et inerte. Sa grossesse n'avait pas été des plus banales de part sa nature de Simili, il y eu des hauts et des bas, des moments de croissance active, mais au final rien ne résultera de ces derniers mois. L'enfant auquel elle aurait pu donné naissance n'était plus qu'un corps vide, sans âme, potentiellement à cause de tout ce qui venait de se passer. À moins que ce ne soit encore le Destin qui donna un coup de pouce à Phoenix pour qu'elle lâche prise, comme s'il lui murmurait d'une voix inaudible des paroles morbides mais réconfortantes, quelque chose comme "ne t'inquiète pas, ton enfant est déjà mort, tu n'as pas à t'en vouloir de mourir, sa vie ne dépendra pas de la tienne". Phoenix avait fait son choix, et le Destin l'encourageait à le suivre. Toutes les conditions étaient réunies pour que la Sucrerie des Ténèbres cesse d'exister.

Elle ferma les yeux.

"Alors comme ça tu t'en vas avant moi ?", lui demanda l'étrange individu qui l'avait sauvé des plans de Mozzâ, "ce n'est pas vraiment ce que j'avais prévu, même si je l'avais en réalité pressenti. Je m'en veux pour Exnihilo, lui qui voulait continuer à te voir vivre...".

Phoenix rouvrit les yeux, fixant cette entité qui se trouvait à son chevet. "Qu-qui es-tu ? Ou plutôt, qu'est-ce que tu es ?", qu'elle voulu savoir avant de disparaître.

"Tu devrais le ressentir, le comprendre. Même Mozzâ a pu le percevoir", répondit le mystérieux personnage avant de lâcher un petit ricanement similaire à celui de Phoenix. "Je suis désolé, ce n'est pas le moment de jouer la comédie et de faire des devinettes, tu as cessé les enfantillages, je devrais en faire de même".

"Cela ne me donne pas une réponse pour autant, tu sais", rétorqua la Sucrerie des Ténèbres en levant les yeux au ciel. "Je veux t'entendre le dire".

"Je suis toi, évidemment", lâcha aussi simplement l'inconnu en passant sa main gantelée sur la joue de Phoenix, la caressant avec douceur et réconfort. "Tu m'as sauvé par le passé, ou plutôt dans le futur, cela dépends de la façon dont on peut voir les choses, mais je n'ai pas envie de me perdre moi-même dans ce genre de détails !".

"Je ne suis pas sûre de te suivre, n'es-tu pas Exnihilo ? N'es-tu pas... mon frère ?", voulu savoir Phoenix.

"Non, enfin, si, mais je suis plus proche de toi que je le suis de lui, malgré mon apparence et ma voix masculines. Je suis ce qui résulte d'une union avec Exnihilo, lui qui voulait te sauver. Même si la finalité que tu vises n'est pas celle qu'il espérait, je pense qu'il comprend ton raisonnement à travers les miens. Il a abandonné son individualité pour me permettre d'agir, moi qui ne devrait pas pouvoir exister. Je ne sais même pas ce qui lui arrivera lorsque je vais à mon tour disparaître, lorsque nous allons disparaître, mais je souhaite pour lui qu'il pourra penser à toi là où il sera. Le Destin le lui permettra".

"Il savait qu'il allait mourir avant de faire cela ?", demanda Phoenix, espérant ne pas avoir gâcher une vie pour la sienne.

"Oui. Je l'avais prévenu, et il m'a fait confiance. Mais aurait-il du ? Je lui ai plus ou moins menti en le laissant penser ce qui lui plaisait. Il m'a pris pour notre mère cet idiot ! Il a toujours fait une certaine fixette sur elle, et donc sur nous, enfin, sur toi. Un genre de syndrome d’œdipe qui n'a jamais été comblé ni combattu, lui qui voyait en notre défunte mère la femme parfaite. Une beauté et une force de la nature, une héroïne, une femme qu'il retrouvait en toi — bien qu'il ait eu relativement peu de souvenirs d'elle. D'une certaine façon, j'imagine qu'il avait envie de s'unir à elle pour espérer l'égaler. Il a probablement fait ça dans son propre intérêt. Te sauver, s'unir avec notre mère, tout ça venait se présenter comme un ultime sacrifice le rapprochant de son idéale. C'était égoïste avant d'être généreux, même s'il donna ce qu'il était pour cela.".

"Bordel. Quel idiot. Et il s'est trompé, c'est ça ? Tu... tu n'es pas "notre mère", donc ?"

"Je te l'ai dit, je suis toi, "bordel". Avec une partie d'Exnihilo à présent, certes, mais je n'en reste pas moi toi. Je suis celle qui devait initialement être, mais dont le destin a été chamboulé par une autre version d'elle-même : toi. Tu ne te rappelles donc pas ? Il y a de cela quelques années, avant que tu ne prennes les rennes de l'Organisation, tu as fait un petit tour dans une simulation de l'avenir via le Livre des Prophéties d'un porteur de la Keyblade que tu avais réveillé d'un sommeil antique. Tu as vu ce que ton avenir serait, mais tu as réussi à l'altérer. Tu as fait diverger le monde en prenant conscience de ton futur, en achevant la version de toi qui ne demandait qu'à partir.

Je suis ce qui en résulte. Celle dont tu as brisé le cœur, la "toi du futur", la "toi du Livre"; c'est moi. Je ne suis jamais véritablement parti, peut-être parce que cela m'était impossible, de part ma condition particulière. Je suis ce qui devait exister, mais pour autant je n'ai jamais véritablement existé, rendant ma propre existence incertaine. J'ai erré à travers la ligne temporelle de notre vie, voguant à travers les époques et les dimensions à la recherche du moment opportun pour pouvoir enfin m'échapper, pour enfin cesser d'exister. Et je l'ai enfin trouvé, ce moment, cet instant précis, l'événement que nous vivons actuellement.

Phoenix. Il y a toujours un risque pour que ta mort n'en soit pas une, que tu renaisses sous une nouvelle forme, que ton cœur d'origine te revienne. Il y a toujours un risque que tu reviennes d'on ne sais où, tu es comme ça. J'en suis la preuve. Moi qui ne devrait pas pouvoir vivre je ne peux même pas mourir. À moins que le paradoxe ne s'intensifie, et que le Destin, perdu à travers tous ces événements, décide de nous effacer de ce qu'il avait écrit. Cela peut lui paraître soudain, à ce fameux Destin, mais j'ai la sensation qu'il est d'accord avec cela. Que la fin de notre existence le soulage, peut-être parce qu'il se rendait compte qu'il n'allait nulle part avec nous, qu'il ne pouvait rien faire de bien avec toi. Non pas parce qu'il ne t'aime pas, mais peut-être parce qu'il t'aime trop, alors il préfère te laisser s'en aller avant que tout ne se complique. Avant que tu ne périsses d'un manque de temps, d'envie, et tout ce qui l'accompagne.

Mais ce Destin dans lequel je crois n'est pas omnipotent, il n'est pas un Dieu. Loin de là. Il est soumis aux règles régissant notre monde; et c'est donc là que j'interviens. Je suis une anomalie, son Deus Ex Machina en boîte, l'entité qui réglera ses soucis et lui permettra de dormir sur ses deux oreilles.

Mon existence était incertaine, la tienne aussi, et pourtant nous pouvons considérer que nous avons eu une belle vie, même plusieurs si l'on cumule nos divers récits. Un schéma n'arriverait même pas à expliquer tout ce que nous avons vécu et tout ce que nous avons été, mais cela doit maintenant s'achever. Nous ne serons plus. Nous ne serons qu'un souvenir à travers sa mémoire, rien de plus. Quelques lignes sur les pages du Destin, des lignes terminées par un point final.

En rentrant en contact avec toi, à présent, Phoenix, je clôture notre histoire".

C'est serein que le Destin pourra avancer. [ Musique ]