La revanche d'Alois Trancy [Libre]

C'est en sentant la présence d'une connaissance que Yuki accepta enfin de sortir de sa léthargie. Elle avait passé plusieurs mois dans la jungle comme une racine, comme une larve à attendre que le temps passe et pourvu qu'il l'oublie. Techniquement, Yuki estimait qu'il était encore un peu trop tôt pour retrouver Mélodie et de toute façon, elle ne souhaitait que s'assurer qu'elle se porte bien. Elle ne comptait pas vraiment la retrouver, lui parler. A présent, pour Mélodie, Yuki était morte et cela ne devait pas changer. Parfois, elle se demandait si elle ne faisait pas ça pour fuir ses responsabilités ou l'amour agréable mais étouffant que Mélodie lui portait. Mais au moins, elle pouvait se dire qu'elle faisait ça pour que Mélodie apprenne deux ou trois choses sur la vie, qu'elle grandisse. C'était cruel, mais si Mélodie considérait Yuki comme sa mère, alors Yuki tâcherait d'élever Mélodie d'une façon ou d'une autre, même si elle avouait qu'elle ne se serait pas vu élever son propre enfant comme ça si elle en avait eu.

En même temps, rien n'avait jamais été prévu dans sa vie. Sans doute même n'aurait-elle jamais eu d'enfant si son rêve de vivre le grand amour avec la reine Emiri s'était concrétisé. Mais comme toujours, ça allait de déception en déception.

Peu importe. Ici, sur la terre des dragons, Yuki était prête à parier qu'il y avait au moins, une personne qu'elle connaissait. Ce n'était pas quelqu'un qu'elle appréciait loin de là. Mais c'était le genre de personne à éliminer, à mettre hors d'état de nuire. Surtout que cette personne s'en était déjà pris à Mélodie. Peut-être que son rôle serait celui-ci vis à vis de Mélodie, la protéger de très loin en éliminant toute menace, même éloignée.

Elle avait encore ramené sa capuche sur sa tête, la faisant descendre aussi bas que possible pour ne pas qu'on voit son visage atrophié. Son visage semblait décomposé, comme une pomme pourrie. La malédiction des dieux. Et inutile qu'on la voit comme ça. Un jour, elle se trouverait tout de même quelque chose de plus pratique qu'une capuche devant ses yeux, l'empêchant de voir correctement. Un peu de tulle, ou bien un masque, quelque chose dans ce genre...

Elle ignorait bien sûr ce que cette personne venait faire ici, mais elle savait que cela ne pouvait rien présager de bon. Un peu plus tôt, elle avait senti comme une cassure, quelque chose d'étrange. Cela ne semblait pas venir d'ici, mais plutôt de Shinrya. Cependant, la présence avait changé d'endroit, les origines des cassures semblaient s'être déplacées. En fait, à présent, ici, cela semblait grouiller d'une multitude d'énergies différentes. Quelque chose se préparait. Et Yuki n'aimait définitivement pas ça.

Elle s'approcha d'un marchand. Elle savait quoi demander. Une personne comme celle qu'il cherchait, c'était assez particulier dans ce monde. Elle répugnait juste de le demander, car, rappelons-le, Yuki n'était pas du genre bavarde. De sa voix monocorde et froide, elle demanda:

-Excusez-moi. Vous n'auriez pas vu un gamin blond, du genre occidental ? Il était peut-être accompagné d'un homme assez grand, occidental aussi, cheveux noirs avec des lunettes.

-Cela ne me dit rien. J'ai vu une fille occidentale, ça oui. Mais un enfant blond, non.

-Par curiosité, elle ressemblait à quoi ?

-Hmm, cheveux châtains clairs je dirais, coupés mi-longs... Assez petite. Sûrement une jeune fille, à peine la vingtaine. Habillée d'un kimono rose, malgré qu'elle soit sûrement du genre européenne.

-Merci.

Elle s'éloigna. Une fille ? Ca n'avait sûrement rien à voir avec ce qu'elle cherchait. Une autre voyageuse sans doute. La description ne lui faisait penser à personne. Haruhi ? Non, elle a les cheveux foncés. Non, sans doute rien d'important.

Yuki était tant à ses réflexions, tellement plongée dans une longue et vaste recherche mentale de tous les visages qu'elle connaissait, et qui pourraient ressembler à la description du marchand, qu'elle ne vit même pas arrivé la personne qui la heurta. Et autant se faire heurter par quelqu'un n'est pas agréable, autant se faire heurter par une boîte de conserve, c'était assez douloureux.

En tombant, sa capuche bascula. Elle atterrit face contre terre, ses cheveux tombant sur les côtés. Elle eut juste le temps de mettre ses mains devant elle pour se rattraper, se retenir de heurter les pavés. Elle se mit sur les genoux et avec empressement, remit sa capuche sur la tête en priant pour que personne ne l'ait vu. Peine perdue, un enfant l'avait regardé faire et la regardait avec un visage si choqué... Dieu que le regard d'un enfant était parlant, bien plus que celui de sa mère juste à côté. Dieu qu'elle sentait bien plus dans ce regard là toute l'horreur et le rejet. Dieu comme elle aurait voulu lui épargner ça. L'enfant détourna le regard en poussant un cri étouffé, pour ne pas qu'on l'entende trop. C'était ça: être un monstre ?

Autant dire que cela mit Yuki dans de mauvaises dispositions, déjà que la bousculer n'arrangeait rien, alors en plus causer un tel choc chez un enfant... Une fois la capuche bien remise, elle tourna la tête vers la personne qui l'avait bousculé. Et l'apparence de cette personne aggrava encore les choses, quant à la première impression que Yuki avait d'elle. Déjà que Yuki avait pour habitude de se montrer méprisante... Ca serait pire encore. Et, même si on a déjà dit que Yuki ne faisait pas mieux, le fait que Yuki ne pouvait voir le visage de la personne, c'était bien pire encore.

L'apparence de la personne ne laissait pas vraiment de doute sur son métier. C'était un soldat, à n'en pas douter. Et pire encore, un soldat tout emmitouflé dans une armure de métal au point qu'on aurait dit un robot. Elle, Yuki, qui avait été soldat et qui en était venu à détester l'armée qui avait fait d'elle ce robot, qui détestait tous ces gens qui obéissaient aux ordres comme des marionnettes... Les soldats représentaient tout ce que Yuki détestait: destin, robot, pantins, ordres, violence aveugle...

Yuki refusa tout bonnement la main du soldat et se releva d'elle-même, de très mauvaise humeur. Mais comme si elle avait gardé une once suffisante de générosité, elle répondit quand même:

-La terre des dragons. Empire de la Chine. Bon, ça restait du Yuki, du monocorde et du pragmatique. Economiser sa salive avant tout. Elle regarda autour d'elle comme si elle s'attendait à voir apparaître ce pour quoi elle était venue, débouler, mais visiblement, la rue était calme et il n'y avait personne d'étrange. Juste ces passants qui semblaient les ignorer. Et, oh miracle !, elle osa enchaîner la discussion elle-même.

-Vous n'êtes pas d'ici donc. J'imagine que vous n'avez vu personne d'étrange, qui n'aurait rien à faire ici. Genre un gamin aux cheveux blonds affublé d'un homme tout en noir avec des lunettes ?

Yuki regarda cette chose qui venait d'apparaître. Une image holographique visiblement, quant à savoir s'il s'agissait d'une entité mécanique ou d'une personne à l'autre bout de la galaxie qui communiquait avec le soldat... Ca c'était le mystère. La chose se présenta, tout en énonçant qu'ils n'étaient pas à la même époque. Des voyageurs du temps, encore. Depuis que Stain avait bidouillé avec la vie et la mort, le passé et le présent, voir le futur, tout ceci semblait bien fragile et propice à des extravagances de ce genre.

En attendant, lorsque la chose se présenta, Yuki ne rendit même pas la révérence ou même le moindre geste de salut. Elle n'était déjà pas polie avec les êtres humains, elle n'allait pas l'être avec une image projetée.

Le soldat ne connaissait pas de personnes telle que Yuki l'avait décrit. Mais il proposa tout de même de l'aider, visiblement avec l'aide de l'équipement du spartiate, un truc comme ça. Yuki haussa un sourcil dubitatif, bien que cela ne se vit pas sous sa capuche.

-Et comment votre équipement pourrait m'aider ? Vous ne semblez ni de mon monde, ni de celui que je cherche, donc je doute que vous sachiez quoi que ce soit sur lui, même avec une boîte de conserve omnisciente.

Où... où suis-je? Je me levais en me tenant la tête histoire de calmer la douleur. Je regardais autour de moi. Je ne voyais vraiment pas où j'avais aterri... Je me mis à avancer comme une âme en peine que j'étais, me demandant pourquoi j'étais là et qui j'étais. En marchant, j'avais l'impression de n'être qu'une âme enfermée dans un corps; sans coeur ni volonté propre. J'avançais en essayant de me souvenir... Mais de quoi? Je réfléchissais à voix haute...:

- Pourquoi suis-je ici? Qui... Non, que-suis je...?

Plus j'avançais, plus j'avais la sensation de n'être qu'un pantin. Tout était flou dans ma tête: mon nom, mon âge, mon passé... Tout se mélangeait et la migraine qui m'était passée me reprit soudainement. Je m'assis sur un rocher juste à côté de moi en posant une main sur mon crâne et l'autre sur mon coeur... mon coeur? J'avais beau essayer de prendre mon pouls sur mon poignet ou mon cou et poser la main sur mon coeur, je ne sentais rien. Mais si mon coeur ne battait plus, comment se faisait-il que je sois... Vivante? Etrangement, le fait de ne plus sentir mon coeur battre aurait dû m'angoisser, me faire peur... Mais rien. Je ne resentais rien... Je me recroquevillais les genoux sous le menton et la tête dans les bras, attendant patiemment...:

- Si mon coeur ne bat plus, je ne devrais même pas marcher ou même penser...

Yuki ne croyait pas une seule minute qu'une machine pourrait lui permettre de retrouver une anguille pareille à Alois. Alors, elle préféra s'éloigner d'Iris, refusant son aide. Elle reprit son chemin en suivant la route de pavés qui parcourait la ville de long en large. Visiblement, personne n'avait vu Alois. En revanche, certains citaient toujours cette fille habillée d'un kimono rose, comme si elle avait fait impression. Yuki s'étonnait de ce fait et surtout que même pour elle, cette information ne semblait pas dénuée d'intérêt. Pourtant, qu'est ce qui pourrait l'intéresser dans le fait qu'une fille en kimono rose était passée ? Allez savoir... En attendant, cette info la marquait.

Pendant ce temps, une fille en kimono rose, justement, sortait de la ville et passait sur le chemin qui peu à peu commençait à s'encombrer de mauvaises herbes et se perdait au loin, plus loin que le regard. Elle s'arrêta devant un rocher où une jeune fille était assise. De sa voix douce, elle s'adressa à elle:

-Tu attends quoi là ? Que la vie s'intéresse à toi ? Tu n'es pas triste quand même ? Elle tendit la main comme si elle voulait "secouer" un peu la fille pour la faire réagir, mais soudain, elle eut un brusque sursaut, regarda à sa droite et elle s'enfuit.

Et pour cause, Yuki venait de sortir de la ville à son tour, convaincue qu'elle n'aurait aucune information sur Alois et que celui-ci ne devait pas se trouver en ville sinon, quelqu'un l'aurait vu. En arrivant sur la route, elle remarqua aussitôt le kimono rose (comment rater son rose flashy sur cette route grise, parsemée de mousse verte ?). A vrai dire, au début, cela n'intéressa Yuki qu'à moitié. Elle se dit qu'elle venait de trouver la fille dont tout le monde parlait mais que cela n'avait pas d'importance quant à sa quête.

Mais quand la jeune fille en rose s'enfuit à sa vue, Yuki sentit qu'il y avait peut-être plus à trouver chez cette fille qu'au premier abord. Peut-être en savait-elle plus sur Alois ? Quelque chose clochait dans cette fuite inattendue. Yuki se lança aussitôt à sa poursuite, mais la jeune fille était rapide. En fait, elle finit même par disparaître, sans que Yuki ne comprenne comment elle avait fait cela. Il y avait ce petit bois qui pouvait cacher quelqu'un si on prenait directement à gauche... Mais, avait-elle déjà couru cette distance ? Avait-elle tout bonnement disparu ? De plus en plus énigmatique. Yuki devait trouver cette fille au kimono, quelque chose clochait chez elle.

Elle s'arrêta au niveau de la fille sur le rocher (elle n'avait fait qu'un saut de puce quoi) en grommelant quelque chose d'inaudible.

-Eh, vous ! Vous la connaissiez ? Vous parliez de quoi ? Dit-elle à la jeune simili, non sans sentir comme une certaine froideur d'âme chez cette fille.

Je ne réagis pas lorsque la fille me tendit la main. Moi, triste? Les sentiments sont bien inutiles pour des êtres sans coeur. Tout ce que j'espérais c'était qu'elle parte... Ce qu'elle fit aussitôt. Seulement, au moment où la fille en kimono partit, une autre fille arriva. Celle ci semblait moins... Comment dire... Amicale.

Après qu'elle ait parlé, je levais lentement la tête, je me dépliais et je me mettais debout face à elle. Je réppondis sur un ton si dépourvu du moindre sentiment qu'on aurait dit un robot:

- Non, je ne connais pas cette personne. Mais elle m'a dit "Tu attends quoi là ? Que la vie s'intéresse à toi ? Tu n'es pas triste quand même ?"... Pourquoi me demande tu ça? Pourquoi tu ne te contente pas de m'ignorer...?

Je continuais de réfléchir... Je n'avais visiblement plus de coeur vu que plus rien ne battait dans ma poitrine... Je ne resentais rien, aucun sentiment... Il n'y avait pas trente-six solutions. Les seules créatures possédant ces caractéristiques dont j'ai entendu parler sont les Similis...

Quand la jeune fille répondit, Yuki fut saisie par la stupeur. Elle avait eu l'impression un instant d'avoir regardé dans un miroir. En effet, elle avait répondu avec une voix monocorde, comme un robot et ce qu'elle avait dit, était digne du top 5 des phrases que Yuki utiliserait pour manifester sa tendance à la misanthropie et sa volonté de rester seule. On aurait vraiment dit Yuki. Un ton de robot, une volonté affichée de rester seule et une cinglance dans les mots utilisés... Du Yuki tout craché.

Cela aurait été le genre de Yuki, elle aurait éclaté de rire. C'était quand même assez particulier. Elle avait déjà croisé des gens antipathiques qui n'avaient rien à envier à Yuki, mais cette fille, c'était la ressemblance parfaite.

En attendant, ce qu'elle venait de dire laissait entendre qu'elle ignorait qui était la fille au kimono rose, qu'elles ne se connaissaient pas et que la fille au kimono avait juste essayé d'entrer en contact avec la simili. Qu'est ce que ça aurait donné si elle était restée ? Elle n'aurait sans doute pas eu la même réaction que Yuki qui, à présent, n'accordait plus aucune importance à Elyx.

Déjà, les sympathiques, elles les ignoraient, mais alors ceux qui ne voulaient pas lui parler, elle n'allait pas plus s'intéresser à eux. Elle savait de toute façon ce que ça faisait d'avoir ce caractère et de réclamer la solitude. Quand on ne l'obtient pas, on devient irascible. Inutile donc de l'embêter davantage. Autant la traiter comme Yuki aurait aimé qu'on la traite. Toutefois, elle ne put s'empêcher une petite touche taquine:

-Faut savoir. Tu veux que je te dise pourquoi je te demande ça ou tu veux que je te laisse tranquille ?

Elle fit la question et la réponse, et tourna le dos à la jeune fille. Elle avança un peu sur le chemin pour essayer de repérer la fille au kimono. Non, disparue. Elle mit une main sur sa hanche et caressa son menton tout en réfléchissant. Connaissant Alois, Yuki était prête à parier que si ce n'était pas elle qui le trouvait, c'était lui qui la trouverait. Alors, peut-être valait-il mieux attendre ? En plus, le soleil descendait derrière les arbres, le crépuscule commençait... Elle avait besoin de réfléchir. Elle s'éloigna suffisamment de la simili pour ne pas entrer dans son petit "cercle intime" et ramassa des brindilles pour installer un feu de camp. Tout en fixant les flammes, elle se mit à réfléchir. Elle sortit ses ailes noires de son dos pour se cacher entre elles. D'autant que ça la réchauffait davantage. Elle se demanda un court instant si Mélodie allait bien.

Je voyais bien qu'elle me taquinait en disant ça, j'étais peut être amnésique mais pas totalement dupe. Je la laissais faire son train-train et je finis par me rapprocher d'elle à pas lents. Ce qui est étrange, c'est que je suis censée n'avoir aucun coeur, aucune émotion... Et pourtant, cette fille avait bien failli me faire rire. En me rapprochant, je disais:

- Tu sais, ce n'est pas très poli de partir sans dire au revoir. Tu pourrais au moins... Je ne sais pas moi, me dire ton nom par exemple... Puis aussi pourquoi tu es ici...

Même si je n'étais pas du genre à parler des masses, je n'avais quand même pas envie de rester totalement seule dans un endroit que je ne connais pas sans me souvenir de quoi que ce soit à part ma migraine. Si j'avais su que c'étais ça d'être une Simili, j'aurais pas résisté et je me serais laissée engloutir par les Ténèbre, point. Mais...

Je m'arrêtais et je me baissais pour toucher le tatouage sur ma cheville. Il représentait une rose noire et sang. Je ne savais pas pourquoi il était là mais je devais bien avoir une raison pour m'être fait ce truc... Peut être était-ce ça qui me retenait ici? C'était peut être pour connaître la signification de ce tatouage que je n'avais pas voulu être absorbée dans les Ténèbres... En y réfléchissant, je levais la tête vers la fille:

- Alors?

Yuki était si perdue dans ses propres pensées qu'elle ne sentit pas que la jeune fille s'était approchée. Elle ne s'attendait pas à ce qu'elle lui parle. Elles n'étaient finalement pas si semblables. Yuki n'aurait sans doute pas brisé cette distance entre elles. Chacun serait resté dans son coin, et fin de l'histoire. A son tour de se montrer froide donc ? Elle lui fit remarquer qu'elle n'avait pas dit au revoir, pas plus qu'elle ne s'était présenté. Elle finit même par demander ce qu'elle faisait ici. Et beh... Si ça n'était pas des présentations... Comme quoi, voulait-elle être ignorée ? En tout cas, Yuki l'ignora, elle, un temps.

Comme elle sentait que la jeune fille ne partait pas, elle releva ses ailes pour la voir, juste au moment où elle relevait la tête et lançait son "alors ?", de sorte qu'elle n'avait pas, même entraperçu, son tatouage et le fait qu'elle l'avait touché. Le "Alors ?" la surprit encore plus. Comme si soudainement cela devenait important. Voulait-elle être ignorée tout en refusant d'ignorer les autres ? En tout cas, ce n'était pas en lançant un vibrant "alors ?" qu'elle allait se faire ignorer.

Bref, toutes considérations mis à part, Yuki rabattit ses ailes dans son dos, sans les faire disparaître. Elle n'avait pas envie de parler, comme d'habitude, mais comme elle sentait qu'elle ne partirait pas, elle décida de répondre. Il fallait dire aussi qu'elle fascinait Yuki, à être parue d'abord aussi semblable à elle. Pff, elle n'allait quand même pas encore s'attacher comme à Mélodie ? Qu'était devenue la Yuki qui crachait au visage de tout ce qui essayait de se faire ami avec elle ?

-Tu as une drôle de façon de te faire oublier, dis-moi. Ca ressemblait à une boutade, mais son ton monocorde de pantin sans fil avait rendu sa phrase assez froide et cinglante. -Je suis Yuki. Je cherche un gamin aux cheveux blonds, nommé Alois. Il est souvent affublé de son majordome, un grand homme tout en noir avec des lunettes. J'imagine que toi non plus tu ne les as pas vus ? "Ce serait trop beau" dit-elle presque entre ses dents.

Quant à savoir qui était la jeune fille, ça, elle avait l'air de s'en foutre complètement. Ca, en revanche, c'était du Yuki tout craché. Elle rabattit ses ailes. Pas autant que la première fois, laissant encore Yuki apparaître, ne fermant pas complètement la conversation, mais gardant coûte que coûte son regard sur les flammes. Autant pour ne pas se montrer trop amicale que pour éviter qu'on voit son visage atrophié. Déjà que le fait qu'un enfant ait eu peur de son visage tout à l'heure l'avait énormément attristé...

Je m'approchais encore un peu histoire de resentir la chaleur des flammes. Je croisais les bras sur ma poitrine et serrais les jambes, fixant le feu, puis je répondis:

- Qui a dit que je cherchais à me faire oublier? Crois ce que tu veux mais au contraire, j'aimerais trouver quelqu'un qui puisse m'aider à me retrouver moi même... Et pour le gamin, la seule personne que j'ai vue à part toi c'est cette fille en kimono.

Je ne m'attendais pas à ce que Yuki soit amicale ou encore qu'elle me réponde, ça n'avait pas vraiment l'air d'être son genre. Je m'accroupis devant le feu en me demandant pourquoi jétais ici... Du peu que je savais sur les Simili, ils naissent dans des mondes à la frontière entre la Lumière et les Ténèbres comme par exemple la Cité du Crépuscule... Alors pourquoi étais-je ici?

Yuki ne se voulait pas particulièrement amicale. Comme à son habitude, elle montrait une certaine froideur, se refermait sur elle-même. Mais néanmoins, elle appréciait un peu Elyx. Sans doute parce qu'elle avait plus souvent de l'affection pour les gens paumés. Au fond, elle se reconnaissait autant dans le fait qu'Elyx semblait perdue que parce qu'elle lui avait un temps ressemblé quand elle lui avait répondu. Mais, il était clair que Yuki ne voulait pas s'attacher et ne souhaitait pas que la conversation dure trop longtemps.

Cependant, depuis qu'elle avait croisé Mélodie, elle était plus bavarde que d'habitude, plus encline à parler et à aider, même si elle désirait avant tout se faire oublier pour que Mélodie ne la retrouve pas, ou qu'elle ignore qu'elle était vivante. Et ce n'était pas en parlant d'elle avec une autre fille qu'elle resterait discrète, mais elle s'était laissée emporter. Depuis Mélodie, elle appréciait davantage la compagnie. En fait c'était à double tranchant: dans la jungle où elle s'était un temps caché, elle avait été très méfiante et très réservé, voir méprisante. Mais c'était aussi parce qu'elle n'avait pas apprécié qu'on la retrouve si vite et qu'elle se cherchait elle-même. Et parfois, elle pouvait être amicale, pas avec les plus optimistes comme Ondine, qu'elle détestait et vomissait, mais plutôt avec les paumés.

Tout ça pour dire que plus vite Elyx partirait, mieux ce serait pour Yuki, qui refusait toujours autant la compagnie des autres, même si ce soir, fait assez rare, elle appréciait un peu de compagnie "innocente". Elle voulait se "retrouver elle-même", c'était un but que Yuki comprenait et même partageait. Elle appréciait cet état d'esprit parce que c'était le meilleur moyen de refuser le destin et de s'en décider un par soi-même.

-C'est toi qui m'a demandé pourquoi je ne t'ignorais pas ? Mais il faut croire que j'ai mal compris ? Que tu étais juste étonnée que je te parles. Ou alors c'est une question existentielle et ça, tu devrais éviter, ça met les gens en pétard.

En attendant, Elyx n'avait pas vu Alois, comme prévu. Rien à dire, ce gamin était une vraie anguille. Mais Yuki était convaincue que quand il serait prêt, il viendrait de lui-même jusqu'à elle. Le seul souci, c'était prêt quand et à quoi ? Il ne faudrait quand même pas qu'il la prenne trop par surprise, ce gamin était vraiment trop dangereux pour qu'on le laisse avoir la maîtrise totale de la situation. Yuki s'en rongea le poing.

-Te retrouver ? Continua Yuki pour essayer de penser à autre chose. A croire que le stress l'a rendait sociable. -Encore une question existentielle. Je ne sais pas ce que tu entends par là, mais tu dois être encore plus paumée que tu n'en as l'air. Le souci c'est que je suis pas particulièrement douée pour retrouver les choses perdues. Ce qui est perdu une fois est perdu à jamais dit-on... Ah ben encourageant pour Elyx, elle s'en était même pas rendu compte la Yuki, avec son pessimisme déplacé.

-Ce qui est à peu près sûr, c'est que tu n'es pas humaine. En tout cas, tu n'es pas de ces mortels que les shinigamis récoltent une fois le trépas venu. Je l'aurais senti sinon. Non, tu sembles plutôt être de ceux qui ne laisseront pas plus de trace d'eux qu'un courant d'air, après leur passage. Et vlan, Yuki devrait vraiment tourner sa langue plusieurs fois dans sa bouche avant de parler. Pas toujours bavarde, mais quand elle parlait, elle décochait des flèches.

Pendant ce temps, un homme tout en noir était assis, droit sur son séant, raide, sur un rocher en surplomb. Il était tellement raide et il faisait à présent suffisamment sombre pour que l'on ne sache pas où il regardait, car on avait l'impression qu'il regardait devant lui, quand c'était plutôt les filles en contrebas qui l'intéressait. Dans les chaudes dernières lueurs du crépuscule, ces lunettes étaient seules à encore briller.

Je finis par m'assoir près du feu en répondant à sa première remarque:

- J'ai dis ça parce que je ne m'attendais pas spécialement à ce qu'on fasse attention à une fille paumée qui ne sait même pas qui elle est...

Je l'écoutais en admirant les braises... Je ne savais pas pourquoi mais cette chaleur avait quelque chose de... rassurant. Je finis par relever la tête vers Yuki quand elle parla du fait que je voulais "me retrouver"... Etrangement, je me surpris en train de... sourire...:

- Tu as raison, je suis pas humaine... Ou du moins je ne le suis plus. Tu sais ce qui arrive quand un coeur est plongé dans les ténèbres mais que le corps et l'esprit ne veulent pas suivre?

La nuit tombait déjà et je n'en savais pas plus sur moi même... hormis le fait que j'étais à présent une Simili...

Heureusement qu'elle n'était pas susceptible, la Elyx, ou qu'en tout cas, en tant que simili, les émotions ne la touchaient plus tellement, parce qu'elle réagit assez bien aux remarques déplacées et pessimistes de Yuki. En attendant, elle s'était installé, laissant Yuki dans le doute (appréciait-elle qu'elle s'immisce de plus en plus, ou pas ?), et répondait à sa première remarque.

-Tu sais... C'est pas écrit sur ton front "ne sait pas qui je suis". Alors, je pouvais pas le savoir et du coup t'ignorer.

En un sourire, la simili lui posa une question, acquiesçant aux dires de Yuki.

-Bien sûr que je le sais. Le coeur sombre et de là naissent un sans-coeur et un simili. Tu dois donc être le simili. Je dois bien admettre que ces histoires là ne me concernent pas. J'ai eu assez rarement affaire aux sans-coeur et aux similis.

C'est vrai que depuis le début, Yuki avait eu affaire à beaucoup d'ennemis, mais finalement, c'était rarement des histoires de coeur, de sans-coeur, de simili, c'étaient des choses encore plus complexes: des humains et des dieux. Tout le monde autour d'elle s'occupait de keyblade, de sans-coeur, des mondes, et elle, elle paraissait hors de tout ça. Autant par son caractère d'ermite que par son histoire et ses préoccupations, ses ennemis. Tiens, là, elle avait affaire à un gamin et à un démon. Pas l'ombre d'un sans-coeur ou d'un simili.

-J'en déduis que tu ne dois donc être "née simili" que depuis peu et que tu ignores ton nom et ton ancien toi ? Bah. C'est passager. Trouve-toi une cahute dans le coin et entame une nouvelle vie ici. Fouiller le passé n'apportera rien de bon. Fais pas la même erreur que moi. Crois pas et va pas voir si l'herbe est plus verte dans le champ d'à côté.

C'était pas exactement l'histoire de sa vie cela, mais au fond ce n'était pas si faux que ça. Et aujourd'hui, si Yuki devait revivre son enfance, elle choisirait de rester chez elle et vivre une vie de brodeuse de soie. Elle fixait le feu en ayant l'impression d'y voir des échos du passé et y entendre des rires d'enfants.

-Je peux m'asseoir ?

Yuki sortit soudain de sa rêverie en sursautant. En tournant la tête, elle vit une ombre qu'éclairait à peine le feu. La seule chose qu'elle arrivait à discerner, éclairé par le feu, sur cette ombre menue, c'était un bout de tissu rose. L'ombre n'attendit pas de réponses, elle s'installa et en descendant, la lumière du feu put dévoiler son visage. Un visage d'ange, des yeux noisettes, des cheveux châtains clairs. Elle était habillée d'un kimono rose. Yuki fut d'autant plus surprise, qu'elle avait l'impression que la jeune fille avait un air de famille avec quelqu'un qu'elle connaissait. Emiri Ki... Non pas elle, Emiri Kimidori.... C'était une coincidence.

-Vous voilà enfin vous. Pourquoi vous être enfui ?

-J'ai vu votre visage, il m'a fait peur. Je vous ai apporté de quoi vous restaurer. Des nems et de la sauce, et des boules de riz.

Yuki sursauta et rabaissa sa capuche. Comment elle avait pu voir son visage ? Est-ce qu'en courant, l'espace d'un instant cela avait-il dévoilà son visage ? Et même, était-ce une raison suffisante pour s'enfuir ? C'était... Vexant.

Je restais à fixer les flammes en me disant que pour quelqu'un de totalement antipathique au premier abord, Yuki était plutôt sympathique... J'écoutais avec attention ce qu'elle me disait, mais lorsqu'elle me dit :

- Trouve-toi une cahute dans le coin et entame une nouvelle vie ici. Fouiller le passé n'apportera rien de bon.

A ces mots, je redressai vivement la tête vers elle. Je répondis à voix basse comme pour moi même:

- Mais je dois fouiller le passé pour savoir qui je suis... Je ne veux pas rester anonyme... Et je ne veux pas m'installer ici. Dès que possible il faut que je parte de ce monde...

Je rebaissais la tête et lorsque j'entendis la voix familière de la fille en kimono de tout à l'heure, je sursautais. En la voyant, je préférai détourner le regard et je me mis à observer le ciel. Je me doutais bien que je ne risquais pas de passer inaperçu bien longtemps avec mes longs cheveux verts et mon attitude de paumée mais bon...

Yuki soupira. Elle s'attendait à ce que Elyx refuse son conseil. Personne ne suivrait ce conseil sans doute, parce que personne ne connaissait ce qu'elle avait vécu. Mais soit, ce n'était pas son problème, ce n'était pas elle qui en pâtirait et elle ne viendrait pas aider Elyx si cela venait à lui jouer des tours, elle l'aurait prévenu, c'était déjà beaucoup. Presque, puisqu'Elyx avait énoncé le fait qu'elle partirait dès que possible, Yuki n'aiderait pas à l'aider à s'en aller. Si elle restait bloquée ici, elle reconsidérerait peut-être sa première idée. En attendant, qu'elle ne s'attende pas à voir Yuki l'y aider. Quoiqu'en temps que simili, elle saurait se téléporter non ?

Revenons à l'instant où la jeune fille en kimono s'installa parmi eux. Yuki se camoufla davantage dans sa capuche donc, et Elyx détourna le regard. La situation amusa visiblement la jeune fille qui émit un petit rire.

-Vous voulez jouer à cache-cache ? Vous n'êtes pas très bon. Allez, dépêchez-vous de manger, ça va refroidir.

Yuki ne mangeait plus depuis bien longtemps. Donc, elle ne risquait pas de faire une exception pour une fille qu'elle ne connaissait pas et qui avait des réactions plus que suspectes. Mais, au moins, son retour permettrait peut-être d'en savoir plus.

-Qu'est ce que vous regardez comme ça dans le ciel ? Vous y avez perdu quelque chose ? Quoique... Quand on y regarde, la vue de ce ciel étoilé n'est pas désagréable.

-Qui êtes-vous pour vous inviter comme ça ? Avant que de vous faire confiance et de vous laisser entrer dans notre cercle, j'aimerais savoir à qui je parle.

-Parce que vous faites de même avec tout le monde ? Vous ne savez même pas qui est cette fille et vous ne la connaissez depuis pas plus longtemps que moi.

Yuki détourna le regard en grommelant. Elle marquait un point. Preuve était faite que Yuki ne réagissait pas de la même manière avec tout le monde. Ce genre de réaction agressive, elle l'offrait à pas mal de gens à vrai dire. Elyx était un peu "privilégiée".

-Mais peu importe. Vous n'avez pas tout à fait tort et je m'excuse. Je m'appelle Emiri Kimidori. Et vous ?

Yuki sursauta. Elle se foutait d'elle ou quoi ? Elle serra les poings mais ce fut bien inutile. Sa colère éclata. Elle se mit sur son séant et attrapa par le col cette fille qui l'énervait déjà avec son air angélique, sa bonne humeur déplacée, et son aplomb. Mais si en plus, elle venait profaner la mémoire d'Emiri Kimidori, la femme que Yuki avait aimé jadis en secret, là Yuki ne réponderait plus de rien.

-Vous vous foutez de moi ? Emiri est morte. Alors arrêtez de vous moquer de moi et encore plus, de vous moquer de la mémoire de la reine de Shinrya ! Comment même connaissez-vous ce nom ?

Yuki avait d'abord fermement empoigné le col de la jeune fille, mais comme elle ne s'y était pas attendu, la jeune fille trébucha et finit par tomber à terre, Yuki sur elle. Yuki avait en tout cas une folle envie de lui casser la tronche à cette menteuse.

J'avais catégoriquement refusé de toucher à la nourriture. On pourrait dire que je n'avais pas le "coeur" à manger quoi que ce soit... Quelle ironie. Franchement, j'avas découvert aujourd'hui que je m'étais transformée je-ne-sais comment en Simili, il ne fallais pas s'attendre à ce que je sois prête à dévorer un vrai festin. Je regardais le plus loin possible, plongeant dans mes pensées.

J'avais tant de questions auxquelles je n'avais pas la réponse... Pourquoi suis-je ici ? Qui suis-je ? Et surtout... Que signifie ce tatouage sur ma cheville...?

Alors que je me posais ces questions, la voix de Yuki me sortit de mes réflexions. Je l'entendais crier -sûrement après la fille en kimono- mais je ne faisais pas du tout attention à ce qu'elle disait. Je me levai en tournant le dos à Yuki et à la fille. Je ne disais rien et je regardais la lune comme si j'étais hypnotisée...

Yuki aurait pu la frapper jusqu'à ce qu'elle demande pardon. Mais étrangement, cet air de famille sur sa figure la retenait, instaurait le doute dans son coeur, lui laissant penser l'impossible, l’inimaginable, ou en tout cas, ce que Yuki ne voulait surtout pas imaginer. La jeune fille, en tout cas, ne se défendait pas beaucoup, bien que la peur se lisait dans ses yeux. Elle avança les mains devant son visage en tremblant et Yuki l'avoua, elle avait l'impression de frapper Emiri Kimidori elle-même, mais... Ca ne pouvait pas être elle. En attendant, lui faire du mal lui donnait un étrange haut le coeur. Alors, elle se calma et se releva et, presque en boudant, elle tendit sa main pour l'aider à se relever.

Emiri saisit la main et se releva en s'époussetant. Elle s'inclina comme pour la remercier ou s'excuser. Puis, elle dit:

-Ne me frappez pas, mais je suis vraiment Emiri Kimidori. Le dieu des enfers a sommé mon âme de m'incarner dans ce corps. C'est Fujino Asagami qui l'a exigé pour se venger. En revanche, je n'ai aucun souvenir, donc je m'excuse si je ne vous ai pas reconnu damoiselle.

Alors ça c'était le bouquet. C'était tellement invraisemblable que Yuki ne crut pas une seule seconde à cette histoire. C'était quand même un peu simple de dire "j'ai tout oublié", un peu simple pour se justifier et se faire passer pour une autre. Elle avait encore envie de frapper cette menteuse. C'est fou. Quand elle ne la regardait pas, ses paroles paraissaient être du mensonge. En revanche, quand elle la regardait dans les yeux, elle avait vraiment l'impression de voir Emiri. Alors quoi ?

-En tout cas, ton amie semble adorer le ciel. Elle a peut-être une affinité particulière avec. Elle a un nom ?

-Parle pas comme si elle était pas là ou qu'elle savait pas parler, tu l'as devant toi.

-Exact. Alors ? Je parie que tu t'appelles Moony ou Stella...

-Et toi ? Tu connais Alois ou pas ? Sais-tu où il est ?

-Ben en fait, c'est lui qui m'envoie te parler.

Yuki n'en croyait définitivement plus ses oreilles. Oh, certes, elle s'y attendait, mais ça tombait tellement cru dans son assiette, que ça en était immangeable. Bien qu'elle n'y croyait pas, si elle était vraiment Emiri, alors elle tuerait Alois pour s'être approché d'une personne aussi pure et vertueuse qu'Emiri.

-Grmpf ! Et qu'est ce qu'il veut ?

-Te rencontrer. Il m'a dit qu'il voulait s'excuser et qu'il te donnait rendez-vous dans la chaumière au coin de la route, près des bois.

Alors ça, ça sentait le piège à plein nez. Mais elle ne voulait pas laisser passer une chance d'attraper ce gamin. Elle devait donc se dépêcher de tenter sa chance.

-Hmpf, soit. Euh... Machine, tu restes ici. Ou bien va t-en, comme tu veux, mais ne me suis pas.

-Au revoir, Stella. S'inclina Emiri en poussant un petit rire amusé. Et toutes deux s'éloignèrent un peu du camp.

"Machine" ? Quand Yuki m'appela comme ça, cela me sortit de ma réflexion. Elle voulait que je reste ici ou que je parte... Et l'autre fille en kimono qui m'appelait Stella... Non mais vraiment... Je répondis à Yuki avant qu'elle ne parte:

- Bien, si tu veux que je parte je vais pas te déranger plus longtemps. Mais c'est dommage... Et au fait, je ne m'appelle PAS Stella...

Puis sans me retourner, je partis à l'opposé. Au bout d'un long moment passé à marcher, je sentis une douleur à la cheville. Juste à l'endroit du tatouage. Il devait être assez récent mais cependant j'avais l'impression de l'avoir toujours eu. Je m'appuyais contre un arbre pour me reposer et je me remis à fixer le ciel. Mais qu'est ce que j'avais avec le ciel moi...?

Yuki ne regretta pas vraiment d'abandonner Elyx. Elle n'aimait pas s'attacher aux gens et elle était tellement obnubilée par Emiri et Alois que plus rien d'autre n'avait d'importance. Toutefois, elle s'avouait qu'elle avait fait preuve d'égoïsme à son égard. Mais ça, elle vivait avec depuis longtemps, c'était dans son caractère. Et puis, elle lui avait proposé de rester... Bon d'accord, ce n'était pas pour la retrouver là, puisqu'en fait, elle ne serait sûrement pas revenue la voir, mais quand même.

Yuki suivit donc Emiri, sentant de loin venir le piège. Il y avait une maison de bois près de la forêt, sûrement un baraquement à bûcherons abandonné. En tout cas, c'est ce qu'il semblait au vu de l'apparence de la baraque. Elles s'approchèrent et Yuki sentit les ténèbres se faire oppressantes. Emiri entra dans la maison, mais Yuki resta à l'extérieur un instant. Elle hésitait à présent, elle allait entrer dans la gueule du loup. Et pourquoi ? Elle ne le savait même pas. Elle savait juste qu'Alois était passé par là et qu'elle était responsable, quelque part, d'avoir brisé les chaînes de ce démon qu'était Alois.

Elle savait aussi que quelque chose de bizarre s'était passé à Shinrya et que l'aura d'Alois s'était scindé en deux. C'est ce qui l'avait intrigué. Il se tramait quelque chose, elle en était sûre. C'était pourquoi elle était là. Bien, maintenant qu'elle s'en était rappelé, qu'elle s'en était assurée, elle devait se décider. Entrer ou partir, ou tenter une autre approche.

La voix d'Emiri l'appelant brisa sa réfléxion et la fit avancer. Elle passa la porte. Aussitôt, elle sentit que de multiples créatures sautaient sur elle et qu'un filet se tendait. Les créatures lui lacérèrent les bras. Le filet se déplaca et la jeta dans une cage à peine plus grande qu'un enfant de six ans. Il y eut un son, celui de quelqu'un frappant dans ses mains et les créatures cessèrent leur torture. Dans l'ombre de la maison, elle entendit le bruit d'une flamme qui apparut dans l'obscurité. Elle alluma une cigarette, et seule la lueur de celle-ci brillait dans le noir.

-Yuki, Yuki... J'avoue je ne pensais que ce serait si facile.

-Alois, sale gamin, je te jure que je te le ferais payer.

-Ah vraiment ?

Il frappa dans ses mains et les créatures se jetèrent à nouveau sur elle. Mais comment ? Elle ne les voyait pas, il passait à travers les barreaux. Ils poussaient des cris affreux, c'était un véritable vacarme assourdissant.

-Depuis tout ce temps... Je croyais que tu me prendrais un peu plus au sérieux. Je crois que tu vieillis mal. Ton visage en est une preuve comme une autre. Mélodie va bien ?

-Ne parle pas d'elle, chien.

-Oh, tu aboies encore ? N'ai je pas été assez clair ?

Il frappa dans ses mains, les créatures recommencèrent.

-Il y a quelques jours, je suis né à nouveau, ma chère Yuki. N'est-ce pas formidable d'assister à sa propre naissance ? Toi tu as assisté plusieurs fois à ta mort, moi à ma naissance. J'imagine qu'on peut dire que je suis le plus chanceux.

(je voudrais juste dire que j'arrête ce RP. Suite aux changements effectués sur ma présentation, c'est un peu comme si je revenais à zéro... Désolée Yuki.)