Paopou en mousse (Libre)

« L'atmosphère semble agréable... L'air marin chatouille mes narines, le soleil réchauffe ma peau, le train de vie paraît apaisant... est-ce véritablement le cas ? Je le pense, mais je n'en suis pas certain, je ne suis pas capable de m'assurer de la réalité des choses qui passent par le filtre du ressenti personnel et des émotions — moi qui n'ait pas de cœur ».

Cela faisait peu de temps que Leaxiz existait en tant que lui-même. Quelques heures, quelques jours, quelques semaines. Il avait eu l'instinct de rejoindre l'Organisation bien vite après s'être rendu compte de sa nature d'être dénué de cœur, puisqu'il connaissait Phoenix de son vivant, alors qu'il se faisait encore appeler « Alizé ». Un nom avec lequel il ne voulait plus être rattaché, parce qu'il n'était pas Alizé et ne le serait jamais. Il n'était pas cette personne, et cela allait bien au-delà de la relation « Somebody / Nobody » d'un Simili classique. Étant à l'origine un Avale-Rêves créé par le véritable Alizé afin de restaurer son cœur d'antan corrompu par les Ténèbres, il n'a jamais été celui qu'il pensait être ; il n'avait été qu'une simple copie — un outil créé dans le but de servir la volonté de son créateur tout en assurant la pérennité de celui-ci. Mais la création a failli à la raison de son existence. L'Avale-Rêves perdit le cœur du véritable Alizé qu'il devait restauré et développé ; devenant ainsi un être complexe — un Simili disposant des caractéristiques et capacités d'un Avale-Rêves. Il était un être nouveau et unique, dans tous les sens du terme, qui devait apprendre à vivre pour et par lui-même.

« Bon, j'ai une mission à accomplir, je ne peux pas rester des heures à rêvasser face à l'océan à observer les embruns marins », se dit-il alors qu'il était accroupi face à l'horizon, sur la toiture d'une maison de l'île principale des Îles du Destin. Même s'il avait justement pour but de « vivre pour et par lui-même », ceci devait premièrement passé par le fait d'accomplir des tâches pour l'Organisation. Mais cela ne le dérangeait pas, il savait que ces missions avaient pour but premier sa propre personne, qu'il allait se forger son propre cœur au fil de ses aventures.

Il avait été envoyé dans ce monde précis avec une quête à remplir : « vas sur les Îles du Destin », lui avait ordonner Phoenix à Illusiopolis, « ce monde a vu passé de nombreux porteurs de la Keyblade et t'aidera peut-être à réveiller ton pouvoir latent ». Il faut normalement avoir un cœur pour pouvoir manier une Keyblade, qui naît des profondeurs de celui de son porteur. Si Leaxiz venait à être capable de faire appel à une nouvelle clé, son corps vide chercherait rapidement à donner naissance à un bourgeon de cœur pour corriger ce défaut — naturellement. « Pour accentuer tout cela et favoriser ton destin, tu devras trouver un Fruit Paopu. Il est dit que "si deux personnes partagent l'un de ces fruits en forme d'étoile, alors leurs destinées seront liées à jamais" », lui avait fait savoir sa Supérieure. « Mais dans ton cas, puisque tu veux être le seul maître de ta destinée, mange le fruit en entier — seul. Tu seras lié à toi-même, à en croire cette légende ».

Une légende... qui ne garantissait rien, ce n'était qu'une croyance populaire du coin pour Leaxiz. Mais il s'était dit qu'avec un peu de fantaisie, en voulant y croire, alors peut-être qu'un effet placebo pourrait se produire et lui offrir le résultat escompté. Il n'avait rien à perdre dans cette affaire, et c'est bien pour cela qu'il se retrouva sur les Îles du Destin avec l'intention de trouver ce fruit "en forme d'étoile". Se levant de son perchoir de tuiles, il remarqua de l'action dans le centre ville; et compris bien vite que la présence d'un ours aux allures de peluche affrontant des citoyens n'avait rien de normal — même s'il pensa un quart de seconde qu'il pouvait s'agir d'une coutume locale. Il ne connaissait pas la nature de l'ennemi, et à vrai dire il ne savait pas véritablement qui était l'ennemi dans la situation qu'il observait. Peut-être qu'avec un cœur, cela m'aurait sauté aux yeux. Comment percevoir ce qui est bon et ce qui est mauvais, lorsque l'on ne ressent aucune émotion ?

Et puis il y eu un enfant qui s'approcha de la bête, et qui commença à lui adresser des mots que le Simili ne pouvait pas attendre d'où il se trouvait. Un geste qui affola les villageois, et qui risquait bien de mettre la créature encore plus en rogne. Leaxiz voulait agir mais il n'arrivait pas à se décider. À qui dois-je m'allier et pour quelle raison ? Devrais-je plutôt ignorer cette querelle, bien qu'elle ait lieu sous mes yeux ? Que va-t-il arriver à cet enfant si je m'éloigne ?

C'est parce qu'il était encore jeune, avec peu d'expérience, et surtout parce qu'il n'avait pas de cœur que Leaxiz prit une décision bien étrange. « S'ils ont un ennemi commun, alors peut-être s'entendront-ils, et alors la querelle cessera », se dit-il en enfilant la capuche de son manteau noir synonyme de l'Organisation, « la bête ne prêtera pas attention à l'enfant si je m'interpose — moi et les miens ». Une fois ces mots prononcés, Leaxiz sauta de bâtiments en bâtiments pour arriver rapidement sur le lieu de l'altercation, comme un félin bondissant à travers la savane en direction de sa proie. Avant d'y faire apparaître une ronde de Reflets autour des villageois et de l'ours, il attrapa l'enfant lui semblant insouciant pour le mettre à l'écart de la bataille — bien qu'il donnait surtout l'impression d'effectuer un kidnapping.

« Montrez votre valeur en combattant ces créatures, côte à côte, et alors je prendrai un choix vous concernant », fit-il savoir à la fois au peuple de ce monde et à la bête; tandis qu'il s'était à nouveau dressé sur une bâtisse du coin — tenant captif l'enfant par derrière. Était-ce vraiment là la meilleure des solutions envisageables ? Il y avait de quoi en douter.

Vient-il d'encourager l'animal paraissant dangereux ? Quel lien pouvait exister entre l'enfant et la bête ? Ce sont là les questions que se posa Leaxiz, qui gardait un œil sur l'enfant qu'il pris à ses côtés. Le Simili s'était peut-être trompé, il gardait fortement cette possibilité à l'esprit, et remettait en question ce qu'il pensa de la situation. Cet enfant n'était peut-être pas en danger... est-il allié à cette créature ? Et si oui, pourquoi s'attaquaient-ils aux êtres de ce monde ? Pour le plaisir de semer la discorde, ou pour se protéger d'autrui ? Il était encore trop tôt pour que Leaxiz se fasse une idée concrète de la situation, en admettant qu'il en soit possible, lui qui n'avait que peu de références pour estimer les émotions se dégageant dans n'importe quelle scène se déroulant sous ses yeux. Il avait agit par instinct en cherchant à protéger la personne lui paraissant la plus faible, mais il ne fallait probablement pas se fier aux apparences.

Leaxiz avait souhaité faire naître une forme de cohésion au sein des différents parties de cette altercation, mais cela ne se passa clairement pas comme prévu. La tension, au lieu de s’apaiser, avait été empirée. Pourquoi continuent-ils d'attaquer l'ours ? Ils doivent s'allier pour combattre les Reflets, pas profiter de la situation pour affaiblir l'animal ! C'est ce que je souhaitais !

D'une certaine manière, les paroles intérieurs de Leaxiz furent entendues. Il cru d'abord que sa propre volonté avait forcé les hommes à agir selon sa vision des choses, mais il compris rapidement — en voyant l'enfant agir — que cela n'avait rien à voir avec ses propres souhaits. Les actions des hommes envers les Simili, aux côtés de l'animal, semblaient dictées par les pouvoirs du jeune garçon. Et que dire du fait que ces êtres humains changèrent soudainement d'émotion une fois les Simili vaincus, au point de se réjouir de l'existence de la bête qu'il voulait chasser quelques minutes auparavant au point d'y risquer leur peau ? Apaise-t-il les tensions ? A-t-il ce genre de don sur les émotions ? … ou bien, les manipule-t-il simplement ? Je souhaitais que cela se passe ainsi, que les problèmes s'évanouissent... mais pas contre leur gré.

« C'est bien toi qui a provoqué ce changement brutal dans leurs esprits, c'est ça ? Pourquoi avoir fait cela ? », demanda Leaxiz désorienté au garçon, avant d'ajouter aussitôt : « Ils avaient le choix d'agir selon leur propre libre arbitre, c'est ainsi que cela devait se passer, personne ne devrait être autorisé à manipuler la vie d'un autre... qui es-tu pour te donner le droit d'agir de la sorte ? ». Puisque par le passé — dans sa précédente existence encore récente — il avait été manipulé dans tous les sens au profit de celui dont-il était issu, Leaxiz ne pouvait pas laisser ce genre de pratique se faire. Il ne pouvait pas comprendre ce type d'agissement, il ne pouvait pas accepter la possibilité qu'une personne ne soit pas pleinement actrice de sa propre vie.

Altérer les souvenirs et non les émotions... est-ce foncièrement différent ? C'est la méthode qu'avait utilisé le garçon, selon ses dires ; mais Leaxiz ne semblait pas vraiment convaincu par les bienfaits d'une telle chose — même si le résultat final paraissait bénéfique et idyllique. Cela devrait être interdit... personne ne devrait pouvoir jouer avec l'esprit d'autrui... modifier les souvenirs d'une personne, c'est agir sur ce qu'elle était, est et deviendra. C'est lui retirer une partie de ce qu'elle est et a décidé d'être...

Leaxiz ne pouvait cautionner ce genre d'agissement, et alors qu'il n'était pas censé ressentir d'émotions de part l'absence de cœur, il avait l'impression d'avoir une légère boule dans la poitrine. Une petite gène, une petite douleur. La frustration sous la forme de cette sensation arrivait à se manifester dans son corps, tellement la situation le dérangeait. Leaxiz était sensible à ce type d'agissement. On lui avait caché sa nature, on lui avait insufflé des souvenirs qui ne lui appartenait pas, on modifiait ses émotions pour correspondre aux souhaits de son créateur. Évidemment qu'il ne pouvait pas se dire qu'il n'y avait pas de problème dans ce genre de choses, étant donné qu'il en avait été victime... mais pour autant, si cela n'était pas arrivé, il ne serait pas qui il était à ce moment-là, il n'existerait sans doute même pas...

Alors qu'il avait mis un peu plus de poigne dans le fait de garder captif l'enfant, sur le coup de la colère qui balbutiait en lui, l'enfant réussit à se débattre pour se libérer. Leaxiz, dans sa propre réflexion, avait lâché prise. Il ne pu que voir le garçon s'élancer vers le sol, finissant par être rattrapé par la bête qui l'emmena avec lui au loin.

« Un simple jouet... destiné à servir des sorcières... », répéta Leaxiz, qui compris alors la nature du garçon qui venait de disparaître vers l'horizon, emporté sereinement par l'ours noir. Il n'y a pas beaucoup de différence entre lui et moi, dans un sens, pensa Leaxiz. J'ai également été façonné comme un jouet, avec pour simple but d’œuvrer au bonheur d'une personne, qu'importe mon avis ou ma volonté sur cela. Celui que je pensais être a servi le maître de son monde, puis j'ai justement servi celui que je croyais être — mon créateur. Cela a toujours été comme ça, chez « moi ». Même maintenant, d'une certaine manière, je sers également une « sorcière » puisque je suis devenu un membre de l'Organisation de Phoenix... Mais, maintenant, j'en suis pleinement conscient. Et ce service rendu n'est qu'un moyen de m'épanouir en tant que moi-même... oui, c'est ainsi qu'il faut percevoir les choses, qu'il se disait en semblant plein de motivation.  

Peut-être que si je suis ici, c'est pour lui faire ouvrir les yeux ? Pour qu'il ne soit pas qu'un simple jouet, pas seulement une simple invocation, mais bien plus, pour qu'il soit pleinement « lui » ?, qu'il commença à penser, en se disant que le destin l'avait peut-être mené volontairement vers celui du pantin. « Que mon cœur soit la clé qui me guide », que Leaxiz aurait bien voulu pouvoir penser, mais cette phrase faisait référence à Meiko et Ava — la famille que jamais il n'eut totalement et à laquelle il ne voulait pas songer — et puis il n'avait pas de cœur... il ne pouvait faire confiance qu'à son instinct.

Et son instinct, justement, il avait été plutôt bon. Alors qu'il avait consciemment plutôt fait apparaître des Reflets qui se firent rapidement éliminés par l'ours et les quelques villageois assez courageux pour les affronter, Leaxiz avait inconsciemment fait apparaître un Avale-Rêves de type Esprit, une Komory Bat, qui suivi le jouet et son alliée ; pour écouter leur discussion. Le petit animal volant revînt vers Leaxiz, qui lui transmis les informations obtenues.

« Hm, ainsi... il recherche également un fruit Paopu. Nos destins étaient inévitablement liés pour que nous recherchions la même chose, au même endroit, au même moment », dit Leaxiz, en félicitant l'Avale-Rêves d'une petite grattouille entre les deux oreilles. « Je vais prendre les devants et trouver ce fruit avant lui », fit savoir Leaxiz, qui invoqua cette fois-ci volontairement d'autres Avale-Rêves afin de patrouiller les différentes îles et trouver le fruit en question.

[***]

En peu de temps, le Simili trouva l'endroit grâce à ses camarades Avale-Rêves avec qui il partageait une nature commune. Il les félicita tous de tendres caresses, en semblant heureux, comme si à leur contact il était capable d'avoir un véritable cœur — comme s'il était vivant en tant qu'Avale-Rêves à leur côté et non en tant que Simili. Leaxiz n'avait trouvé qu'un seul arbre à travers les Îles du Destin où un fruit Paopu avait poussé, un seul arbre majestueux tout en ayant poussé dans une forme étrange quasiment horizontale sur le flan d'une petite île faisant face au soleil couchant. Le jeune homme décrocha le fruit de son arbre, et attendit l'arrivée de l'intéressé, assis sur le tronc de l'arbre face à l'océan.

L'air marin lui chatouillant les narines, le soleil couchant réchauffant sa peau... Leaxiz tentait de profiter à nouveau de ces sensations — en vain. Il avait attendu la venue de sa némésis du moment en prenant le temps de se poser et de se fondre dans l'atmosphère paisible de ce monde, face à l'océan, afin de tenter de ressentir quelque chose le concernant, mais rien ne venait, aucune émotion ne naissait dans son corps vide. Un corps qui était chaud à l'extérieur, mais incroyablement froid à l'intérieur. Pourtant... il y avait bien quelque chose qui se produisait chez le ''Simili-Avale-Rêves''. Ce monde lui faisait penser à celui qu'il n'avait jamais connu, mais dans lequel il eu toujours l'impression de vivre avant que tout ne s'emballe... son monde ''natal'' ; qui ne l'était pas en réalité — puisque les souvenirs qu'il avait n'étaient pas les siens mais ceux de son créateur.

Si la Bourgade de l'Aube est son monde, celui-ci peut-il être le mien ? Dois-je chercher un endroit me réconfortant par un soleil chaleureux évoquant celui de la Bourgade, ou bien dois-je justement m'éloigner au plus loin de tout ce qui me rapproche de lui ? Un dilemme et des questions existentielles, ce sont là les pensées que Leaxiz avait bien trop régulièrement pour un développement positif. Il devait laisser parler son instinct, et cesser de faire parler sa pensée. Il devait s'ignorer pour mieux se trouver, et ceci passait dans le contact avec les autres. Et ''l'autre'' en question qu'il attendait vînt à lui.

« Et bien, qu'attends-tu ? Je n'ai pas l'intention de te le remettre facilement », répondit rapidement le Simili d'une voix également sans émotion à son tour après celle du jouet, « et si par l'intermédiaire de ce fruit mon intention était justement le fait de mieux connaître tes pouvoirs, pour mieux te définir, pour mieux me définir ? », qu'il ajouta aussitôt avant de se retourner vers son interlocuteur — faisant ainsi dos à la mer et au soleil couchant qui venait disparaître dans sa silhouette.

Que va-t-il faire, après tout ? Réécrire mes souvenirs pour faire en sorte que je réponde positivement à sa requête ? Qu'il essaye, cette magie ne fonctionnera pas sur moi, car j'ai déjà donné dans ce genre de situation. Personne ne peut me duper une nouvelle fois de la sorte. Le Simili ne craignait pas grand chose du garçon artificiel de part son passé, mais surtout parce qu'il était dans l'incapacité physique et sensorielle de ressentir de la crainte. Pour autant, malgré cette sérénité d'esprit, il ne s'amusait pas de la situation : Leaxiz était sérieux dans ses propos, bien qu'il jonglait d'une main avec le Fruit Paopu pour se donner un trait caractéristique et singer une personnalité ne lui appartenant pas.

Les paroles de Leaxiz troublèrent son interlocuteur, son adversaire en devenir, qui chuta dans la confusion. Le Simili connaissait très bien ce type de réaction soudaine mêlant folie et incompréhension, et parfois avec une pointe de remise en question de tout et rien à la fois. Cette réaction provoquée chez le jouet le poussa à passer à l'action, ce qui plu à Leaxiz d'une manière ou d'une autre. Il est inutile de comprendre ce qui nous dépasse, il faut simplement savoir apprendre à faire avec, afin de le surmonter. C'est ainsi que j'ai réussi à accepter ce que j'étais, et c'est uniquement par le fait de l'accepter, je l'espère, que je pourrais me défaire totalement de ma condition.

Et puis, même sans prendre en compte les pouvoirs du garçonnet, les paroles de celui-ci n'étaient pas véritablement fausses. Leaxiz avait au fond de lui réellement envie de donner le fruit Paopu au petit brun. Non pas pour que celui-ci puisse répondre à la requête de celle à qui il obéissait, mais pour que le jouet puisse s'émanciper de la même façon que Leaxiz souhaitait le faire. Selon les pronostiques de Phoenix, consommer l'un de ses fruits en solitaire nous permettrait de devenir le maître de notre propre destinée... Il est moins enclin que moi à agir en tant que lui-même, alors il mérite certainement plus ce fruit pour pouvoir dessiner sa propre existence.

Ce que Leaxiz ne prenait pas en compte, c'est qu'il n'avait pas songé à la possibilité que l'enfant-jouet puisse prendre plaisir à obéir à sa maîtresse, se réjouir du fait d'exister pour quelqu'un, se contenter avec un grand plaisir du fait d'avoir de l'importance grâce à autrui. Forcer le jouet à s'émanciper de sa nature de serviteur, n'était-ce pas déjà une façon de le manipuler sans son accord ? Il y avait-il une morale à respecter dans tout cela ? Dans les faits, ce n'est que Leaxiz qui semblait dérangé par ce genre de chose.

Après les mots ensorcelés de Toshiro, le Simili senti comme une raideur apparaître dans tout son corps. Cela commença par les mains et les pieds, en montant le long des membres pour arriver jusqu'au tronc. Cela ressemblait à la sensation d'avoir des fourmis, un engourdissement du quel il paraît impossible de se soulager. Cet effet se propagea dans tout son corps après être monté le long de sa colonne vertébrale, jusqu'à venir toucher la nuque en guise de point crucial. Ainsi, Leaxiz semblait être totalement dépossédé de la capacité de se mouvoir librement, comme s'il n'était plus qu'une conscience dans un corps ne lui répondant pas. Il paraissait subir la volonté de Thoshiro, être devenu la marionnette de ce pantin, et se déplaçait progressivement en direction de son nouveau maître.

Cela n'est pas comme ça que cela doit se passer !, pensa à nouveau Leaxiz, qui au-delà de ne pas aimer se faire manipuler ne semblait pas non plus apprécier le fait de ne pas pouvoir avoir un impact dans une situation qui le dépassait. Mais... comme il le savait, en y songeant à nouveau ... "Il est inutile de comprendre ce qui nous dépasse, il faut simplement savoir apprendre à faire avec, afin de le surmonter".

Leaxiz se laissa alors faire. Son corps ne lui répondait plus, mais il faisait confiance à son instinct, et sentait que cela était la meilleure chose à faire afin de pouvoir trouver un moyen d'agir par lui-même une fois le moment pleinement venu. Il avança alors en direction de Toshiro, guidé par la volonté de celui-ci, le bras tendu vers l'avant en présentant le fruit Paopu dans la paume de sa main.

« J'ai... quelque chose à vous offrir... », réussit à dire le Simili en se retrouvant face au garçon, prêt à lui donner le fruit. Son bras tendu devînt soudainement trop mou pour rester soulever, et s'abaissa subitement en faisant tomber le fruit sur le sable fin. Était-ce le moment que le Simili attendait et prévoyait, ou bien venait-il de remettre le précieux sésame de sa venu en ce monde sans pouvoir agir ?

Le destin fut clément, et comme Leaxiz l'avait espéré, c'est en se laissant faire qu'il obtenu une ouverture parfaite. Il n'eu même pas besoin de forcer sur son corps pour rompre le charme, puisque l'individu le fit de lui-même. Retrouvant pleinement contrôle des muscles le composant, Leaxiz se retrouvait donc dans la capacité de s'en prendre au garçon, tandis que celui-ci était à genoux. Allez, pensa Leaxiz pour s'encourager à passer à l'action, il est à mes pieds. Je peux m'opposer à lui facilement maintenant, lui faire regretter ses actes dans le ville tout à l'heure, pour qu'il en tire une bonne conclusion. Allez, je me lance !

Bien qu'il était parfaitement dans une situation à son avantage sur le plan physique, le plan émotionnel l'empêchait d'agir. Est-ce qu'il me contrôle toujours sans que je ne m'en rende compte ?! Non... c'est différent. Ce qui l'empêchait d'agir, c'était sa propre morale, ses propres valeurs. Ce jouet avait beau être capable d'utiliser des envoûtements redoutables, il n'avait pas l'allure d'un combattant, il n'était qu'un enfant visuellement, et surtout qu'un simple jouet. Leaxiz pouvait-il le juger ? Le Simili avait beau se reconnaître en se projetant dans ce pantin, ils étaient tout de même deux individus différents. Il ne pouvait peut-être pas faire un comparatif entre sa propre volonté de s'émanciper de son créateur et l’allégeance que ce jouet vouait à sa maîtresse.

« Dis moi, es-tu heureux ? » demanda étrangement Leaxiz en se laissant tomber sur les fesses, d'un petit saut en arrière, afin de se retrouver à la même hauteur que le garçon à genoux. « Comme moi tu n'es pas quelqu'un de très explicite, et cela se comprend. Mais au fond de toi, es-tu heureux dans la vie que tu mènes ? Ne souhaiterais-tu pas être libre d'agir par toi-même, et non pour répondre aux besoins de quelqu'un d'autre... j'ai... j'ai besoin de comprendre », qu'il ajouta aussitôt, en fixant l'enfant jouet de ses grands yeux roses. 

J'ai fait une fixette là-dessus, mais peut-être qu'éprouver du plaisir à servir quelqu'un est une manière comme une autre de s'épanouir. Trouver son propre bonheur dans le bonheur d'autrui... la solution est peut-être là. Est-ce sa solution, à lui ? Serait-ce la mienne ?

Alors qu'il ne se posait pas ces questions existentielles qui tourmentaient l'esprit de Leaxiz, le jeune jouet avait une réponse qui convenait à tous ces soucis : l'entourage. C'est grâce à la demoiselle qu'il servait de son plein bon vouloir qu'il se développait, il existait à travers elle, tout en ayant sa propre vie et en pouvant faire ses propres choix. N'était-ce pas ce que l'Esprit Alizé vivait en côtoyant sa mère de substitution Meiko, son mentor Ava, son modèle de bravoure Kuro, ou bien même des personnes plus étranges et s'opposant à lui aux premiers abords; comme Longinux, Phoenix, Vanitas ou encore Braig ?

Tous ces noms ont fait parties de la vie de l'Esprit Alizé, et on mené à faire de Leaxiz l'être qu'il était actuellement — qu'il l'ait choisi ou non. Ça, il ne pouvait pas le renier ou du moins il devait arrêter de le faire. Continuer de renier son passé finirait par l'empêcher d'avancer vers l'avenir, Leaxiz ne ferait que faire marche arrière et s'engouffrer de plus en plus dans la solitude; une solitude qui le réduirait à néant...

Leaxiz remarqua l'aura ténébreuse qui naquît du corps du garçonnet lorsque celui-ci pensa à son passé, mais ces émotions négatives furent canalisés par les émotions et pensées réconfortantes. En voyant cela, le Simili se demanda s'il serait capable de réagir de la même manière. Moi qui n'ait pas su dompter les Ténèbres qui habitait le coeur que j'avais, est-ce que je saurais maîtriser mes nouvelles émotions ? Est-ce que je ne vais pas provoquer à nouveau les Ténèbres si j'obtient un cœur ? Il me faudrait quelque chose, ou plutôt quelqu'un, à qui je pourrais penser pour atténuer ces émotions négatives...

« Je te remercie pour ta réponse sincère », répondit Leaxiz en se redressant avant de continuer ses mots, « Nous sommes un peu pareil, tous les deux. C'est pour cela que j'avais besoin de te comprendre. Comme toi, je n'ai pas de cœur, et j'apprends à vivre sans dans l'espoir d'en avoir un, un jour. La chose qui nous différencie, c'est que moi je n'ai pas véritablement de proches. Je ne compte pour personne, et personne ne compte pour moi ». C'était une bien triste vérité que Leaxiz disait-là, même si le Simili ne se rendait pas compte de la dureté de ses paroles.

« Tu as de la chance d'être lié à quelqu'un tout en pouvant te défaire de ses envies et agir par toi-même. Retiens bien cela, tout le monde n'a pas cette chance; et c'est pour cela que je pense qu'il faudrait que tu limites tes pouvoirs de contrôle sur les autres », se permit de dire le Simili. « Tu sembles apprécier ton existence puisque tu en es libre, alors ne penses-tu pas que les autres sont dans le même cas ? Les gens sont plus heureux s'ils sont libres d'agir par eux-mêmes, et non si on les force. Je suis bien placé pour penser cela... ». Leaxiz gardait toujours à l'esprit la possibilité de faire reconsidérer à Toshiro le fait de changer les pensées et actions des autres, puisque c'était quelque chose qui lui tenait "à cœur". « Tu es néanmoins libre de penser ce que tu veux là-dessus, dans tous les cas », qu'il ajouta, pour ne pas forcer son interlocuteur à prendre une décision.

« Je suis peut-être simplement curieux... », repris le Simili, « mais j'aimerais savoir d'où est-ce que tu viens ? Quel est le monde dont tu évoques ? ». Rencontrer ce personnage avait été une bonne chose pour le développement de Leaxiz, même s'il n'avait pas eu son propre fruit Paopou et même s'il n'avait toujours pas éveillé sa potentielle Keyblade, il avait pu percevoir une nouvelle façon de voir les choses — c'est pour cela qu'il voulait lui rendre l'appareil et peut-être l'aider à retrouver son monde s'il le connaissait.

HRP : Pas de soucis, ça me va ! :
Et puis je ne suis pas pressé dans tous les cas, je met du temps à répondre. x)
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Leaxiz réfléchissait. Leaxiz hésitait. Pouvait-il se permettre de quitter les Îles du Destin en compagnie du garçonnet pour rencontrer la sorcière Morganne ? Il se trouvait normalement en mission pour l'Organisation, il était supposé retourner à la Demeure située à Illusiopolis après son passage dans ce monde océanique, afin d'y faire son rapport — et expliquer pour quelle raison il n'avait pas obtenu de Fruit Paopou. Je ne sais pas quoi faire, cette mission n'avait pas beaucoup d'importance pour l'Organisation, elle en avait pour moi; mais cela pourrait tout de même être mal perçu si je ne reviens pas dans les temps — et en plus sans avoir rempli ce que je devais faire. Hm.

"Heureusement", d'une certaine manière, le jouet parvînt à aider Leaxiz dans sa réflexion. Même si ces deux-là se ressemblaient, et même si le Simili se voulait ouvert d'esprit et capable de comprendre toutes les perceptions et visions des choses possibles; il ne pouvait pas nécessairement les accepter. En l’occurrence, il laissa le choix à Toshiro de continuer à utiliser ses pouvoirs ou non tout en souhaitant que le jouet fasse le "bon" choix. Il s'agissait de quelque chose de totalement objectif, et la justification du garçon était parfaitement valable, mais elle ne pouvait pas convaincre Leaxiz pour autant. Il ne comprend pas, il ne comprendra peut-être jamais. Il n'a jamais agit contre son plein gré, alors il ne sait pas ce que cela fait; il ne peut pas avoir le recul nécessaire pour comprendre en quoi cela peut être mal. Je voudrais le forcer à changer de pensée, mais si je le force, alors je serai également fautif !

C'était un véritable casse-tête psychologique et moral que le Simili n'arrivait pas
à résoudre, il ne comprendrait peut-être jamais non plus. Il n'était pas prêt à le faire ce jour-là, en tout cas. C'est pour cela que Leaxiz répondit, gentiment, à l'invitation par la négative.

« J'ai bien peur, s'il m'est autorisé de prétendre une telle chose, ne pas être disponible maintenant pour rencontrer celle que tu chéries. Je n'ai personne qui m'attend, si ce n'est du travail; des choses à écrire, d'autres à apprendre. Merci pour la proposition néanmoins, il est fort probable que je puisse me libérer une autre fois pour que l'on puisse remettre ça à plus tard ! », fit-il savoir, lui qui se renseignerait à l'avance au possible sur une "sorcière Morganne" avant de se présenter à elle, au cas où, pour ne rien avoir à craindre. Peut-être pourrait-il faire passer ça pour une mission, le jour où il sera prêt à rencontrer quelqu'un qui — en comparaison — correspondait à ce qui l'effrayait et l'insupportait. Et puis... je ne suis pas encore prêt à rencontrer quelqu'un de "réel", tout simplement. Il y a une différence entre un collègue Simili, un jouet magique, ou une véritable personne faîte de chaire et d'os — mais surtout d'une âme et d'un cœur.

« Hm, je vois », répondit Leaxiz en se rendant compte de l'amnésie (sélective ?) du petit personnage. « Un "T" tu dis ? Je pourrais essayer de te faire parvenir une liste de tous les mondes qui commencent par cette lettre, il y a certainement des registres là-dessus d'où je viens, tu reconnaîtras peut-être le nom de ton monde d'origine », proposa le Simili. « Mais pour cela il faut que je puisse te retrouver le moment venu. Dans quel monde vis-tu avec ta maîtresse ? » qu'il demanda ensuite.

Écrire... c'était une forme d'exutoire, selon les paroles de Phoenix. Pour mieux comprendre les émotions du monde, et les siennes, l'écriture peut-être une bonne méthode de travail; une approche particulière dans lequel chaque personne se découvrira une façon de faire différente — en donnant un regard différent à son lecteur. C'est pour cela que j'écris, pour m'aider à me découvrir mais aussi ...

« ... pour aider les autres », répondit Leaxiz à la question du garçonnet. « Lors de nos missions, nous pouvons vivre des tas de choses, faire un tas de rencontres, découvrir un tas de choses. En retranscrivant nos aventures à l'écrit nous mettons aux propres nos idées, nous gravons nos souvenirs dans le réel, nous définissons nos pensées avec un point de vue extérieur, en prenant du recul par rapport à la situation. Ainsi, nous pouvons mieux comprendre comment nous agissons, et nos réactions ainsi mises sur le papier peuvent être une bonne lecture pour nos semblables dénués de cœur », expliqua le Simili en se souvenant d'une chose qu'il avait perdu.
« Écrire et lire sont un moyen, pour moi, de donner sens à ma vie... elle-même issue d'un livre... », qu'il ajouta en murmurant faiblement les derniers mots — comme s'il se parlait avant tout à lui-même. Et il ne mentait pas en disant ça, quand bien même il le pourrait. Il ne mentait pas, ni à son interlocuteur, ni à lui-même. Ma vie... mon existence, il est bien vrai qu'elle est issue d'un livre, pensa-t-il, puisqu'elle est due au Livre des Prophéties.

Le Simili buta ensuite sur le mot — ou plutôt le nom — que le jouet prononça. Thie-rriya ? C'était ça, ce monde ne disait rien de particulier à Leaxiz, il ne le connaissait pas personnellement mais il avait l'impression d'en avoir peut-être déjà en entendu parler auparavant. Le Simili compris que ce monde avait beaucoup d'importance pour le jeune jouet, et c'est pour cette raison qu'il recentra également la discussion autour de cet endroit.

« Je ne connais pas ce monde », répondit Leaxiz, avec un semblant de compassion dans son timbre de voix. Il laissa quelques secondes de blanc, puis se repris dans ses paroles. « Enfin, je veux dire par-là que je n'y ai jamais été, mais ce n'est pas un nom qui m'est inconnu. J'ai l'impression d'en avoir déjà entendu parlé. De la bouche de qui ? Je l'ignore. Ou bien peut-être ai-je lu quelque chose à son sujet là d'où je viens, dans les archives de l'Organisation ? Je n'en sais pas plus, je rêve peut-être en disant cela », émis le jeune homme aux yeux rosés.

Écrire... il s'agit d'un long processus qui s'écoule sur des années. D'abord en commençant par les bases de son apprentissage, de sa compréhension, puis de sa mise en pratique aussi titubante peut-elle être à ses débuts. Tous jeunes écoliers a déjà failli baisser les bras face à la difficulté du maniement des mots et des lettres qui les composent, mais pour autant, quoi qu'il arrive; ils finiront tous par y confrontés un jour ou l'autre et devoir y faire — justement — pleinement face. En bravant tant bien que mal les difficultés. Et qui sait, peut être y prendront-ils goût...

Alizé n'aimait pas écrire, ni lire. Un comble pour celui dont la destinée, aussi malforturnée fut-elle, le conduisit à vivre de long siècles de solitude à travers les pages d'un livre scellé. Mais Leaxiz, lui, qu'en pensait-il ? Pouvait-il seulement "aimer" écrire et lire ? C'est l'impression qu'il avait, à défaut d'en avoir la certitude. Quand l'on ne peut être sûr de rien, l'espoir et les croyances sont ce qui peuvent sauver une personne. L'écriture ferait de même.

"Avec du papier et de l'encre", répondit Leaxiz avec un sourire légèrement dessiné, en ne souhaitant pas se plonger trop loin dans les métaphores et les allégories. Si Toshiro était destiné à laisser son emprunte sur ce monde à travers quelques lignes de texte, alors il en serait ainsi, il apprendra à écrire; c'est ce que se disait le Simili. Et puis Leaxiz n'était peut-être pas bon pour faire le professeur, il avait beau savoir courir la plume sur cahiers, il n'avait jamais appris à le faire en tant que lui-même. Il savait le faire, c'est tout. Il faisait avec, comme n'importe quoi.

"Hum j-j-j'en ai peut-être trop dit", tiqua le Simili en se demandant s'il avait bien fait de parler un peu trop de l'Organisation. "Je ne suis pas certain de pouvoir te donner la localisation de notre Demeure. Nous avons bien essayer de bien faire, pour nous et tout le reste du monde, nous ne sommes pas vraiment des êtres appréciés de tous. La cohabitation peut s'avérer difficile, et c'est pourquoi nous vivons à l'écart, dans un endroit difficilement trouvable par autrui", expliqua Leaxiz, qui ne savait pas s'il était autorisé à inviter des inconnus dans le repaire de l'Organisation, surtout en temps que recrue relativement récente.

Y avait-il quelques choses de ce genre là, dans le règlement de l'Organisation ? Y a-t-il véritablement des règles à suivre dans nos rangs, si ce n'est celle qui dictent nos vies et celles des mondes ? Peut-être que Phoenix me pardonnerait ce genre d'erreur, si cela en est une... après tout... elle me doit beaucoup.

Leaxiz devait beaucoup à Phoenix, grâce à elle il avait de quoi se repérer dans cette nouvelle vie. Il avait un but. Il avait une raison de vivre, à défaut de ne pas avoir de raison de mourir. Mais rétrospectivement, c'est Phoenix qui en devait énormément à Leaxiz, ou du moins à celui qu'il était juste avant. Sans les pouvoirs du Livre des Prophéties qu'il avait avant en sa possession, jamais la Sucrerie des Ténèbres n'aurait pu renversé l'Organisation, jamais elle n'aurait pu en prendre le pouvoir, et l'avenir des mondes n'auraient sans doute pas été le même.

Elle devrait me pardonner, oui.

"Je... je peux t'y conduire, si tu le souhaites. Si tu trouves quelque chose là-bas t'aidant dans tes recherches, alors j'accepterai le fruit en guise d'échange; mais garde Nana avec toi, si elle le veut évidemment", ajouta le Simili, en faisant apparaître derrière lui un obscur vortex qui les mènerait en direction à Illusiopolis.