Il était un rêve [PV Teru]

[ ► Musique ]
Jours, mois, années...
Ces notions n'avaient plus aucun sens pour cet être noyé dans l'incompréhension. Elles étaient bien vagues et probablement erronées dans l'esprit du jeune homme au corps chétif et aux yeux dominés par un mélange de colère et de tristesse. Enragé contre le destin, et déçu de lui-même; No Name s'était retrouvé à errer dans le Domaine des Ténèbres avec l'incapacité de s'en libérer.
Depuis combien de temps s'y trouvait-il ? Il n'en avait aucune idée. Comment est-ce qu'il s'y était retrouvé ? Il ne s'en souvenait que trop bien.

Il avait fait la connaissance d'un deuxième Gardien des Ténèbres qui lui ouvrit un portail vers sa destiné, censée le mener à Illusiopolis dans le but d'en apprendre plus sur ce qu'abritait son cœur. Mais que nenni. Ce portail le fit tomber dans les tréfonds du royaume obscure, dans des abysses que même un aspirant maître des Ténèbres comme lui ne pouvaient encore dompter. Par chance, No Name n'était pas seul dans ce calvaire. Je ne pense pas à son compagnon au pelage roux en écrivant ces lignes — puisque celui-ci ne répondait plus aux appels de son maître dans ces lieux — mais à la folie qui l'accompagnait. Personnifiée sous les traits d'un visage semblable au sien, mais dont les teintes évoqueraient celui qui le hante et l'obnubile... le défunt Maître Xehanort.

Pourquoi avoir atterri dans les tréfonds du monde ?
Le Gardien des Ténèbres m'aurait-il menti ?
M'a-t-il envoyé ici par crainte de mes capacités et mon futur, jaloux de mon talent en devenir ?

Rien de cela. Même si ces questions naquirent inévitablement dans la tête de No Name dans les premiers moments, en revenant de temps en temps à son esprit. Au fil de ses pas errants et hasardeux, le jeune homme à la mine atroce finit par se demander s'il n'avait pas été envoyé ici, ironiquement, pour ne pas embrasser la voie intérieure menant aux Ténèbres de son avenir. Bien qu'il avait envie de ce pouvoir, que ses démons intérieurs le titillait en la personne de ce mystérieux "Names" — ersatz du coeur de Xehanort — quelque chose ou plutôt quelqu'un voulait l'empêcher d’assouvir ses envies de puissance et de connaissance. Comme si le Destin lui-même remettait en cause ce qu'il avait prévu pour l'héritier de la Keyblade Innommée, comme s'il se donnait le temps de réfléchir et remettre en cause ce qui était écrit et destiné à arriver.

Est-ce vraiment le Destin qui agit de la sorte ?
Est-ce la volonté de Names ? Ou bien celle de cette autre entité ?

En pensant à cela, No Name se remémora un rêve qui se frottait aux frontières de la réalité. Le premier rêve dans lequel il pu parler pleinement à son autre lui, ce fameux "Names" qu'il craignait tout autant qu'il admirait — sans même connaître ce qu'il était réellement. Dans ce songe qui affecta son cœur et son esprit, il y avait une autre personne à ses côtés, une autre silhouette drapée de noir, mais dont le visage ne lui avait pas été révélé. Une entité qui le poussa à se réveiller pour s'éloigner de Names et ce qu'il représentait, pour l'envoyer vers un autre chemin; mais dont la destination fut à nouveau dérivée vers l'obscurité.

"SI TU M'AS FAIT ARRIVER ICI VOLONTAIREMENT, SI TU ME RETIENS PRISONNIER, DIS MOI SEULEMENT POURQUOI !?", s'archana à demander à haute voix dans un cri torturé le jeune homme à l'agonie — tout en sachant que seul le silence infini des tréfonds serait réponse à sa question. Ici, pas même les Sans-coeurs n'osaient mettre les pieds.

Il n'y avait rien.
Rien et la faim.
Rien et la peur.
Rien et la colère.
Rien et la tristesse.
Rien et la folie.
Rien. Seul No Name et sa propre fatalité... jusqu'à ce que...

Jours, mois, années...
Ces notions allaient reprendre sens. Maintenant.

[ ► Musique ]
No Name se retrouva sur un sol de fraîche verdure, assoupi et les idées peu claires.
"Que s'est-il passé...", qu'il demanda dans le vide en écarquillant ses yeux qu'il avait l'impression de ne pas avoir ouvert sous la lumière du jour depuis des années. Sentant un poids sur son thorax il se redressa, avant de se rendre compte que son compagnon de quasi-toujours se trouvait à ses côtés. Wish, le Chirithy du jeune homme, était endormi contre sa poitrine. Il apposa sa main contre le pelage de la créature pour la réveiller, et profiter à nouveau de la douceur qu'elle représentait.

"Est-ce que je suis... ?", qu'il ajouta en se levant pour observer les alentours. Un monde aux allures féodales et fantaisistes, où une épaisse forêt empiétait une plaine verte et rocailleuse dont la limite semblait être un château entouré de ronce par-delà un pont aux pierres grisées par le temps. Est-ce que je suis mort ?, qu'il osa se demander pleinement, même s'il n'était pas capable de soulever la question à haute voix.

"Hm ? C'était encore ce rêve ?", demanda la créature rayée de noire, en ne pouvant comprendre le ressenti de son acolyte.
"Un rêve...", répéta No Name en tâchant d'éclairer ses souvenirs et ses idées.
"On dirait que tu le revis encore et encore, depuis ce jour. Est-ce que ça va ?", voulu savoir Wish.
"Quel jour ?", demanda No en se retournant vers son camarade. Pourquoi est-ce que tout est aussi flou, depuis combien de temps je rêvais, et surtout à partir de quand...
"Celui où Makuta Naga, ze crois, t'as fait prendre ce drôle de portail. Depuis que l'on recherche... hum... Illuz'iopolis ?", répondit la poule de poils avec son zozotement caractéristique. "Depuis ce jour là il t'arrive de faire de drôles de rêves de temps z'en temps".
"Oh...", Tout cela n'était donc qu'un rêve ? Un rêve qui me hante dans la recherche d'Illusiopolis... "Mais dans ce cas là, qu'est-ce que je faisais à dormir ici en plein milieu de cette forêt ?" Je n'ai peut-être pas toute ma tête, mais jamais je ne me serais laissé tomber de sommeil dans un endroit exposé comme ce coin de plaine...
"Hmm, z'dirais parce que dernièrement c'est assez dur, on fait trucs épuiz'ants après trucs épuiz'ants, tu dois être fatigué. Et puis te rendre dans un nouveau monde pourrait t'avoir fait perdre tes repères, mais ça va le faire !", répondit l'Avale-Rêves en tentant de rassurer son maître et ami, avant de s'avancer pour poursuivre leur chemin, laissant No Name réfléchir à la situation un court instant.
"Wow, est-ce qu'on va pouvoir passer à travers ça ?", qu'il demanda, en montrant à No Name le champ de ronces épineuses qui se dessinaient devant eux. "On ferait peut-être mieux d'y revenir une autre foi-", qu'il ajouta jusqu'à se faire couper la parole par No.
"Non, on va y'aller", qu'il fit savoir en observant un corbeau passer par-dessus les ronces en volant. "Nous avons des ailes nous aussi".

Même s'il ne maîtrisait pas encore pleinement ce processus, No Name fit apparaître sa Keyblade, avec l'intention de lui faire prendre la forme qu'il avait déjà pu utilisé par le passé. Celle de grandes ailes aux allures démoniaques et mécaniques venant se greffer à son dos. Avec ça, il pourrait aller au-delà des ronces, vers la forteresse obscure — repère qu'il ignorait être celui de l'obscure fée Maléfique.

C'est dans un fracas, né d'une gerbe d'énergie violacée, que l'arme éponyme de No Name s'anima dans la paume de sa main. Temblottante, la lame donna l'impression de céder sous la force magnétique d'une entité supérieure, comme si la volonté de son porteur était assez forte pour la plier et la remodeler en quelque chose de nouveau. Ça y est, c'est fait.

Comme souhaité, même si le résultat n'était pas certain, No parvint à transformer sa Keyblade en une sorte de paire d'ailes démoniaques. Elles étaient asymétriques, l'une plus grande que l'autre, mais cela ne jouait en rien dans sa maîtrise du vol - puisqu'elle était approximative quoi qu'il arrive. C'était l'une des rares fois où No Name réussi à lui faire prendre cette apparence volontairement, de manière consciente, sans que cela soit du à l'instinct ou la force du Destin. Déployant ses nouveaux membres dantesques avec fierté, fondant son regard dans l'œil que l'une de ces ailes arborait; No lâcha un petit sourire de satisfaction. Il avait l'impression de mieux maîtriser les capacités de cette arme antique, et pour ainsi dire, avoir la sensation d'être moins perdu face à tout ce qui se dessinait devant lui depuis le début de sa quête, floue et personnelle. Mais ça, ce n'était qu'une simple impression...

"C'est vrai qu'c'est classe n'empêche !", dit Wish en s'extasiant devant l'allure de son compagnon, secouant sa petite queue et ses courtes oreilles tombantes frénétiquement. A cela, No releva un sourcil en se tournant vers son camarade. Il pensa d'abord lui répondre froidement, en lui disant que l'on s'en fichait que cela soit "classe" ou non, que l'intérêt n'était pas là, que cette arme et ses pouvoirs lui échappaient totalement; mais le jeune homme préféra faire plaisir à son Chirithy, son ami, et tourna sur lui-même pour exhiber ses majestueuses et effrayantes ailes d'acier. Il termina son tour en prenant pleinement appuie sur le sol, fléchissant les genoux, avant de se redresser et faire un bon dans le ciel pour prendre son envol; donnant naissance à une bourrasque notable sur son passage — faisant virevolter le petit Avale-Rêves en pleine extase quelques pas plus loin.

"C'est vrai, c'est classe", ajouta No à sa parade aérienne avec le sourire. C'est bien parce qu'il était en pleine forêt dense et perdue de toute civilisation que No réagit de cette manière. Accompagné d'autres personnes jamais il n'aurait lâcher la moindre expression de joie, craignant de transmettre une forme de faiblesse, mais cela était différent lorsqu'il était seul avec son "frère" de toujours.

Toutefois, No Name du vite se raviser et ranger son sourire aimant, puisqu'il remarqua qu'ils n'étaient pas seuls. En prenant de la hauteur, il aperçu une jeune fille à quelques dizaines de mètres d'eux, jonchant également la barrière de ronces qui les séparaient du seul endroit attrayant de ce lieu : le château qui surplombait la forêt par sa prestance. Si cette bâtisse est entourée et protégée des inconnus par sa flore aux allures surnaturelles, n'est-ce pas parce qu'elle avait quelque chose d'intéressant à cacher ? N'était-ce pas là le repère de quelqu'un de sombre et vil, parfait pour alimenter la quête du jeune homme ?

"Est-ce qu'il vient de... ?", marmonna l'héritier de l'Innommée en observant un second corbeau voler en direction de l'épais château, après avoir dérober quelque chose à la jeune fille remarquée quelques secondes plus tôt. Le garçon aux cheveux rosés se concentra sur la trajectoire à prendre et s'élança à la poursuite du corvidé. Ce n'était pas vraiment dans ses habitudes de venir en aide à une personne dans le besoin, et cela ne le serait sans doute jamais. No ne faisait pas cela pour une inconnue, non, c'était bien pour lui. Si ce corbeau s'empare de cet objet, c'est qu'il a un intérêt à le faire, non ? Cette pierre doit avoir quelque chose de particulier, en plus d'attirer l’œil.

"Vas-y Noné !", s'écria la boule de poils orangées pour encourager son acolyte. Mais les encouragements — aussi vaillant qu'ils étaient — n'allaient pas pouvoir aider No Name dans cette course poursuite, puisqu'elle fut très vite interrompue. Aussitôt No s'élança dans la direction du corbeau que les ronces recouvrant les alentours du château se mirent à se mouvoir pour former des barrières d'épines sur le chemin du jeune homme, l'empêchant d'atteindre sa cible. Il avait beau essayer d'aller plus vite ou plus haut dans le ciel pour se frayer un chemin, les plantes parvenaient toujours à l'en empêcher et le repousser, jusqu'à finir par en faire leur prisonnier.

No s'était retrouvé lacéré de toutes parts par les ronces, dont les épines pénétraient sa chère pour le maintenir immobile, comme s'il était enroulé par des fils de barbelés. Ces plantes n'étaient pas carnivores, mais elles avaient, semblerait-il, tout de même un besoin avide de sang — ou plutôt de meurtre.

No tentait de se débattre tant bien que mal, en vain. La douleur était-elle la seule raison de l'existence, l'inévitable prix à payer pour obtenir la moindre chose en ce bas monde ? C'est l'impression que No Name avait au fil de ses périls. Une douleur physique arrivait toujours à un point donné, lui rappelant qu'il avait beau avoir hérité d'une Keyblade renfermant de grands pouvoirs, il n'en restait pas moins qu'un homme. Banal, faible. Un être à la chair bien trop tendre, aux os facilement broyables sous les courroux du malheur.

Et bien-sûr, au-delà de la souffrance physique, il y avait la pression psychologique. Et face à ça, No était bien seul, puisque la raison de cette pression n'était autre que sa propre personne. Ses choix, ses envies, ses rêves; tout ça s'accumulait comme un poids insoutenable sur son dos — un poids qui finirait par le briser de l'intérieur s'il ne trouvait pas un moyen d'y échapper. C'est sans doute pour ça qu'il continuait à souffrir, dans l'unique but d'arriver à sa finalité tant attendue, être maître de lui-même mais aussi de tout ce qui l'entoure, ne plus avoir la moindre crainte, plus le moindre besoin. C'était parfaitement égoïste, ou peut-être plutôt individualiste, mais No était prêt à écraser le monde entier si cela pouvait lui permettre de ne plus se faire écraser par le monde.

Mais en attendant toute cette belle fiction, No était lacéré par les ronces épineuses du Domaine Enchanté. Bien loin de ses rêves de domination, il ne pu maintenir l'invocation de sa Keyblade qui disparu, le laissant encore plus vulnérable. Perdant gouttes de sang après goutte de sang mêlées aux larmes et à la sueur, aux portes de l'évanouissement, No vu une bien étrange scène se dérouler sous ses yeux. La jeune fille précédemment repérée s'avançait à travers les ronces, sans donner l'impression d'en souffrir, comme si elle ignorait totalement leur existence. C'était surréaliste. Comment faisait-elle ça ? Était-elle la maîtresse de ces lieux ? Un esprit venu prendre ce qu'il restait de No ? Ou bien n'était-ce là qu'une hallucination, provoquée par la souffrance ?
Elle n'était sûrement rien de tout ça, mais elle était bien plus, puisque par son aide No pu se défaire délicatement de ces maudites plantes, comme si elles étaient devenus dociles. Ce n'était peut-être qu'une impression, il y avait quelque chose d'onirique dans cette scène, mais la finalité était bien réelle : No était libéré. Enjoué de voir son ami sauvé, No le rejoint en se téléportant à ses côtés, prenant tout de même soin de ne pas atterrir malencontreusement avec les derrières empalés.

No n'aimait pas qu'on le prenne de haut, qu'on lui fasse un sermon, surtout pour pointer du doigt une erreur dont il avait bien conscience. Il s'en voulait déjà bien assez pour qu'on en rajoute une couche, mais pouvait-il seulement se rebeller face à ces paroles, lui qui devait peut-être la vie à cette inconnue ? Il n'allait pas la remercier, il avait développée une certaine fierté, mais il se devait tout de même de répondre à sa question — même si la dite réponse n'avait que peu d'intérêt.

"Vous voulez savoir où nous nous trouvons ? A priori, dans un champ de ronces", répondit premièrement No Name d'un ton sarcastique, pour faire bonne impression, tâchant de garder un minimum de crédibilité après ce qui venait de lui arriver. "Pour être honnête, je n'ai aucune connaissance sur cet endroit, comme mon état le prouve", qu'il ajouta aussitôt, en se montrant plus appréciable malgré un ton plutôt froid.

No trouvait bien étrange qu'elle n'ait pas plus d'informations que lui sur ce lieu, elle qui avait réussi à donner l'impression de dompter les plantes épineuses de cette forêt comme bon lui semble. Était-ce un mensonge ? Un test de sa part ? Il n'y avait aucune preuve indiquant qu'elle était lié à cet endroit, ni même à ce monde, mais No ne perdait pas cette possibilité de vue. Si elle était là, c'est qu'il y avait bien une raison... non ? Après tout, il n'y en avait pas vraiment pour que le jeune homme se retrouve là non plus. Elle était peut-être également une personne vagabondant de monde en monde, c'est l'impression qu'elle pouvait donner, même si son accoutrement avait un certain cachet collant avec l'atmosphère et l'allure générale du Domaine Enchanté. Il ne s'agissait pas de sa forme naturelle, mais ça No ne pouvait le savoir.

"Attends", ordonna No en voyant la jeune femme s'avancer à son bon vouloir à travers le labyrinthe d'épines, après lui avoir fait parvenir son intention de rejoindre le château. Il aurait souhaité lui demander pourquoi elle faisait cela, quel était son intérêt là-dedans, mais il préféra éviter la question pour ne pas rester dans cette mauvaise situation. "Ne crains-tu pas qu'il y ait d'autres pièges dont tu pourrais faire les frais en avançant de la sorte ? Ces ronces ne nous font peut-être plus rien, grâce à toi je présume, mais qui sait ce qui peut se terrer plus loin dans ce dédale", ajouta le jeune homme, en se demandant ce qu'ils allaient bien pouvoir trouver de pire en direction de l'effroyable château.

La jeune femme avait raison. Les tourments présents dans ce monde devaient forcément venir d'une personne en particulier, c'était quasiment une évidence, la magie noire scuintait par tous les pores de cette lugubre forêt. Une aura indisernable, mais aussi indissible, la parcourait dans ses moindres recoins. Une sensation pesante, comme celle d'être constamment observé du coin de l'œil par une entité invisible — et maléfique.

No Name devait voir les choses d'une manière plus large, plus réfléchie. Il devait apprendre. Il avait beau vouloir se montrer calculateur, il loupait toujours des informations, biaisant par conséquence son sens de la déduction. Une négligence provoquée par un manque de connaissances des lois et capacités dirigeant l'univers et ses mondes. "Celui qui ne sait rien ne peut rien comprendre", comme dirait une certaine personne. Une phrase qui résonnait inconsciemment dans l'esprit du jeune porteur de l'Innommée, non sans hasard.

No se tenait sur ses gardes en avançant à travers l'endroit, plongeant vers l'inconnu, perdant de vue l'entrée de cet hostile territoire. Mais il ne s'inquiétait pas trop pour cela, s'il venait à se perdre, il avait toujours la possibilité de quitter les lieux à travers un portail des ténébres, tant que sa Keyblade était sienne. Mais s'il était tombé dans ce monde, ce n'était pas pour rien, et il n'avait pas l'intention de le quitter sans en savoir plus sur ce qui pouvait s'y préparer.

"Qu'est-ce que-" qu'il bredouilla en faisant apparaître sa Keyblade, un peu tardivement malgré une belle exécution, lorsqu'un nouveau corbeau montra le bout de son nez, ou plutôt de son bec, à la demoiselle. Un animal dont elle un n'avait pas l'air de se méfier, avec qui elle semblait même plutôt à l'aise, malgré la chapardise de l'un de ses congénères.

Visiblement, il n'y avait rien à craindre du corvidé en lui-même, malgré la noirceur de son plumage qui pouvait être intimidante. Ce n'était pas sa présence qu'il fallait redouter, mais les raisons de sa vue. Il était un messager à la solde de la personne derrière ce qui se tramait, ayant reçu pour ordre de faire parvenir une lettre à la meneuse du petit groupe.

Une lettre funeste, dont les mots déchirèrent le cœur de la jeune femme à la peau pâle. Pareille à quelqu'un venant d'apprendre la perte d'un proche, le malaise la guettait, prêt à l'ensevelir sous le poids de la révélation. Qu'est-ce qu'il y était écrit ? Pouvait-il s'agir de quelque chose de plus que personnelle ? No ne savait pas comment réagir à la situation. Il n'avait jamais eu à réconforter quelqu'un, et personne ne l'avait jamais réconforté non plus. Cela avait toujours été ainsi. Il y avait bien son Chirithy, mais c'était différent, ce n'était pas comparable avec une véritable personne, faite de chaire, de sang, mais surtout d'un cœur...

C'est peut-être parce que No pensa à son ami que le dit Chirithy, Wish, se dégagea du capuchon de son acolyte pour venir se blottir contre l'inconnue, après avoir sauter de l'épaule de son maître. Les Avale-Rêves de sa catégorie avaient comme pouvoir, ou plutôt comme nature profond et existentielle, la capacité de se nourrir des mauvais rêves, des mauvaises pensées. Il pouvait être un allié de taille sans que l'on s'en rende compte, capable de revigorer quelqu'un qui se noit dans les sanglots.

"Ça va aller ? Vous z'allez pas faire un malaise ? On s'rait bien vite dans un sale état sans vous !", dit la boule de poils orangée, pour s'assurer que tout allait bien, même s'il sentait que les choses pouvaient être meilleures.

"Quelqu'un vous veut du mal ?", demanda No Name par la suite. Il ne souhaitait pas connaître les moindres détails de l'affaire en cours, mais il avait besoin de savoir quel type d'ennemi cette jeune femme pouvait bien avoir. No savait qu'il était encore bien loin de sa destiné à la finalité tant attendue, bien loin d'être capable de repousser tous les dangers et mettre les mondes à ses pieds par sa simple existence; il n'était rien d'autre qu'un gamin errant dans les mondes quasiment aléatoirement. Il voulait connaître l'identité de la personne à qui il allait devoir s'opposer...

C'est amusé que No regardait son compagnon se dandiner fièrement sous les compliments. La petite créature serrait ses pattes l'une contre l'autre en singeant un air gêné, alors qu'elle adorait recevoir des éloges, peut-être parce que cela ne lui était pas souvent arrivé. Notamment sur son physique, qui peut paraître commun quand l'on ignore sa nature. Il était bien vrai qu'un pelage orange était quelque chose de plutôt rare chez les Chirithy, il avait de quoi se pavaner, d'en être fier — à défaut d'avoir d'autres qualités. Il aurait pu rebondir sur le fait d'être pris pour un chat, la ressemblance pouvant être trompeuse, mais il préféra laisser passer ce quiproquo; pour assurer la pérennité du sourire qui naissait sur le visage de la jeune femme.

Sur ce point, No et Wish était très différent. Wish pouvait facilement se prendre d'affection pour autrui, se lier d'amitié avec des inconnus; un trait de caractère qui provoqua parfois quelque gêne dans le triste quotidien sous le signe de la misère qu'il avait mené avec son partenaire. No, lui, était naturellement plus froid et réservé; bien qu'il avait pour mauvaise habitude d'idolâtré ceux qui le dépassaient, les personnes dégageant une certaine prestance, le genre de personnalités auquel il aspire à ressembler. Des rencontres qu'il peut alors prendre pour des mentors. Des modèles qui ne devraient pas l'être...

N'ayant pas pu obtenir réponse à sa question, sans doute car l'inconnue ignorait réellement la menace qui pesait sur leur sort, le trio repris son chemin en bravant les ronces grâce aux capacités magiques de la tête du groupe. Arrivé à l'endroit souhaité, c'est dérouté que No se retourna en se rendant compte que la forêt d'épines repris son apparence initiale. Il n'en avait pas compris le fonctionnement, mais le pouvoir de sa nouvelle camarade l'intriguait au plus haut point. C'était peut-être ce talent qui était convoité ? Et si ce ne l'était pas, cela voulait dire que l'objet qu'on lui avait volé était encore plus impressionnant que ses capacités ? No devait le découvrir.
Et peut-être, qui sait, se l'approprier...

"L'endroit est tout aussi impressionnant une fois proche", fit savoir No Name, tout en se demandant si tout cela était une bonne idée. Mais pouvait-il seulement se donner le droit de craindre un endroit un peu lugubre, lui qui se donnait pour but d'obtenir un pouvoir démentiel tout aussi dangereux ? Pouvait-il seulement avoir le droit de ressentir de la peur, lui qui aspirait à devenir une figure crainte ? Il fallait peut-être passé par là pour devenir ce qu'il voulait, même si cela n'était pas glorieux. Il devrait d'abord combattre cette nature, cette facilité à avoir peur de l'inconnu, le vertige qu'il ressentait face aux nouveautés du monde; pour mieux le dominer. Pour être digne d'une telle destinée.

Prenant son courage à deux mains, No s'avança près de la porte principale, l'entrée de la bâtisse, menant vers une cour entourée d'une épaisse muraille. Il aurait pu tenter de rentrer par effraction en s'envolant dans les airs et atteindre une fenêtre, ou même tenté de se frayer un chemin à travers une meurtrière un peu plus large que les autres; mais il ne voulait pas faire de bêtise. Il ne contrôlait pas parfaitement son vol, et puis, il avait compris qu'il fallait parfois mieux rester à terre. L'entrée principale semblait donc être la meilleure option, afin de ne pas créer la moindre tension avec l'hôte de ces lieux.

Alors qu'il allait apposer sa main sur le heurtoir stylisée à l'apparence d'une tête de dragon, afin de signaler leur présence, la porte s'ouvra naturellement : faisant bien comprendre qu'ils étaient attendus, et qu'ils étaient déjà remarqués. Tenter de rentrer par effraction aurait donc bel et bien été un mauvais choix à faire. Était-ce un premier test qu'ils venaient de réussir ? Rien n'était certain.
"Bon, et bien, allons-y", dit No, tandis que son Chirithy revînt se blottir au creux de son cou, caché sous la capuche de son compère.

La cour du château était habité par de drôles de créatures à l'aspect anthropomorphique, armées d'arc et d'épées, des sbires de l'obscure maîtresse de ce domaine, peut-être d'anciennes têtes brûlées qui avaient été maudits pour avoir mis les pieds dans un tel endroit sans autorisation. Ils étaient trop nombreux pour que No puisse les éliminer et s'assurer d'avancement librement, mais les sbires ne semblaient pas d'humeur combative, ils n'en avaient sûrement pas reçus l'ordre, ou bien au contraire, ils avaient reçu l'interdiction de leurs faire le moindre mal — tant que leur souveraine n'avait pas obtenu des réponses à ses questions. Il était sans doute préférable que l'ennemie se manifeste d'elle-même, sans que le trio ne cherche à semer le trouble avant d'en avoir une raison.

Il fût impossible pour No Name de comprendre que proposa sa camarade, peut-être pour détendre la situation, relâcher la pression. Non pas parce qu'il n'y avait pas d'hôtel dans son monde natal, mais plutôt parce qu'il n'avait jamais eu l'occasion d'en entendre parlé. Dans les bas-fonds de la Mégalopole des Songes, on ne cherchait pas d'hôtel pour passer la nuit, on ne pouvait que se permettre d'espérer avoir des cartons — à défaut de couvertures — pour réduire les risques de pneumonie. Un hôtel était un luxe qu'il n'avait jamais osé imaginer.

La demoiselle l'accompagnant semblant savoir y faire avec ces drôles de créatures, en usant d'un beau phrasé et de codes sociaux quasiment aristocratiques qui dépassaient No et ses connaissances. Au moins, il aurait su faire un geste de la main pour les saluer, mais jamais il n'aurait pensé faire une révérence. Sur le moment, il hésita même à faire de même, mais le temps qu'il réfléchisse et analyse le mouvement, il aurait été en décalage total. L'effet n'aurait pas été le même, en plus de lui provoquer une certaine gêne.
C'est grâce à elle que No, en suivant ses pas, pu continuer sa progression dans le château-fort. Il se sentait un peu comme un vaillant chevalier escortant une noble princesse, comme si quelque chose d'officiel et prestigieux allait avoir lieu, comme une rencontre entre deux souverainetés pour effectuer un traité important et pacifiste. Mais ces belles choses, ces beaux contes, il n'y croyait pas. Ces histoires étaient bonnes pour les enfants. Et puis l'idée d'imaginer un tel scénario lui paraissait stupide car, quoi qu'il advienne, No n'avait rien d'un chevalier. Et il n'aspirait surtout pas à le devenir. C'était même tout l'inverse.

Ils pénétrèrent plus en profondeur dans les fortifications, et No prenait de plus en plus conscience de l'endroit dans lequel il venait de s'engouffrer. Bien qu'il n'avait pas de bonne connaissance en magie qui aurait pu lui permettre de discerner l'aura magique qui habitait ces lieux, il parvenait à ressentir les ténèbres l'habitant : les ténèbres de Maléfique, bien plus grandes et envoûtantes que tout ce qu'il avait pu croiser jusqu'à maintenant. De fortes Ténèbres, différentes de celles des obscurs Gardiens, car fondamentalement plus noire et cruelle. D'une certaine manière, la noirceur de son cœur pouvait se rapprocher de celle qu'il éprouvait au contact de son alter-égo, Names. Est-ce donc cela, le vrai pouvoir des Ténèbres ?

"Hm, oui, plutôt", répondit No, même s'il n'avait aucune connaissance en décoration. Qu'aurait-il pu dire d'autre ? Commenter les formes des dalles quadrillant le sol sous leurs pieds ? S'extasier devant les jeux de lumière naturels qui existaient grâce aux interstices entre quelques pierres aux murs ? Il n'y prêtait pas attention. C'est même qu'il n'avait aucun avis sur la question, expliquant alors sa réponse détachée d'un ton désintéressée. Cela lui importait peu, même si cela aurait pu lui donner des idées pour, un jour peut-être, son propre repaire. Mais au fond... cet endroit l'intimidait.
Il fut également intimidé par le personnage qui se présenta à eux, sombre et élégant, qui exécuta également une révérence en guise de salutation, mettant encore No dans l'embarras de ne pas savoir comment agir face à ce genre de coutume. Mais soit, l'heure n'était pas à des cours de bonnes conduites en milieu aisé.

"Drôle de type", lâcha No lorsque l'individu se retira après un échange d'intenses regards avec Teru. Quelque chose qui dépassa également les connaissances et compréhensions de No. Qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Était-ce un jeu de séduction ? Une invitation à quelque chose ? Avait-il percé les mystères entourant l'invitée ? Découvert sa nature ?
No en vînt même à ce demander si ces regards n'avaient pas une signification particulière pour eux, si cela ne pouvait pas être un genre de signal, un code qu'ils auraient pu préparer à l'avance — Teru était-elle alliée à ce type et la maîtresse de ces lieux ? No venait peut-être de se jeter dans la gueule du loup. Mais en y réfléchissant mieux, cela ne tenait pas debout. Pourquoi l'aurait-elle sauvé des ronces si elle lui voulait du mal ? Ils auraient pu s'en prendre à lui directement à ce moment là. Cela ne collait pas, mais on n'allait pas reprocher à No d'avoir été méfiant l'espace d'un instant

"Vous n'aviez pas l'air si enjouée que ça tout à l'heure, lorsque vous avez reçu la lettre", fit remarquer le jeune homme tout en venant s'adosser à un coin de la pièce, loin du canapé et des distractions se trouvant au centre de celle-ci. "A moins que vous ne soyez plutôt impatiente de revoir ce que l'on vous a volé ?", qu'il demanda ensuite, "j'ai bien vu que le corbeau vous a pris quelque chose avant notre rencontre, et vous l'avez compris suite à la lettre. J'ai beau m'être mis dans une sale situation à travers les ronces, je ne suis pas aussi bête que j'ai pu le laisser paraître. Nous sommes alliés dans cette aventure, et notre ennemie devrait bientôt se manifester, alors ne faudrait-il pas que je sache mieux les raisons de notre présence ici ? Et ainsi, se faire mieux confiance ?"

Le moment était venu pour le porteur de l'Innommée de réclamer des informations.

La demoiselle avait vu juste, elle ne pouvait pas se permettre de faire confiance à No. Malgré un doux visage et une apparence juvénile qui auraient pu l'aider à obtenir ce qu'il voulait dans la vie, No disposait d'un regard vide et intriguant qui ne mettait pas à l'aise — comme si ses yeux étaient le parfait réceptacle de son cœur, avide de pouvoir. Le fait de l'avoir suivi dans cette aventure n'arrangeait pas non plus les choses et le rendait plus que suspect.
No, en guise de réponse, ne pu que sourire face à la perspicacité de la jeune femme. Même s'il n'eu pas de détails sur l'objet convoité, la réponse de Teru lui permit de confirmer ses pensées, confirmer que la pierre en question était quelque chose de particulier à ne pas mettre entre toutes les mains. Pouvait-elle être dangereuse pour son possesseur ? C'était une possibilité à ne pas écarter, et No se voulait pas entraver sa destinée par un malheur, même s'il gardait à l'esprit que cela pouvait l'aider à avancer dans sa quête.

Quelqu'un approche...
Quelqu'un d'important...
... quelqu'un que je... connais ?

No le ressentait. Une présence s’amplifiait de plus en plus. Les ténèbres d'un puissant cœur s'approchaient de lui. La pression qu'exerçait cette noirceur se faisait forte, et même si elle pouvait faire peur, elle créait plutôt chez No Name une sorte d'état second. Il était enivré par les ténèbres émanant de la sorcière, au bord du vertige, il expérimentait un syndrome du voyageur. Une folle excitation intérieure, l'appel du pouvoir, l'appel du mystère, l'appel des Ténèbres. Dans les abysses de son cœur et les bas-fonds de sa conscience, l'entité incertaine l'habitant se régalait de cet invisible spectacle.

Elle était finalement là, la sorcière, cette fée déchue ayant voué son cœur à l'obscurité. Une grande dame drapée tout de noir, arborant une coiffe cornue venant entourer son élégant visage auquel on ne pouvait donner d'âge. Mais le plus envoûtant chez elle, au-delà de ses yeux d'un vert perçant semblable à la coupe parfaite d'un péridot, c'était sa voix charismatique et sépulcrale. Ce n'est pas qu'il tombant sous le charme de cette femme, mais plutôt qu'il était passionné parce qu'elle représentait et évoquait : la magie noire, la puissance, la jouissance, les Ténèbres. Il n'en fallait pas plus que No voue soudainement un culte à cette entité féerique et diabolique, notamment lorsqu'il pris connaissance de son nom, et qu'ainsi, tout paraissait beaucoup plus clair : elle était Maléfique. L'obscure souveraine dont il avait connu l'existence par l'intermédiaire du Gardien des Ténèbres du Chaos. La mère de la patronne des Gardiens affiliés à la noirceur du monde. Une souveraine, une antagoniste de la Lumière, une sommité du mal — si ce n'est carrément pas une déité en la matière.
Le voyage, non pas initiatique mais plutôt pathologique, qu'avait entamé No allait pouvoir prendre un nouveau tournant. Il était maintenant convaincu de la raison de sa présence dans ce monde, les Ténèbres l'appelait, et le destin l'avait emmené à la rencontre de cette femme après avoir croiser des Gardiens des Ténèbres. S'il voulait dominer les Ténèbres sans avoir à les craindre, cela serait en se rangeant au côté de cette femme. Mais il n'aspirait pas à devenir son apprenti, mais plutôt son égal, son allié — comme le fût Xehanort par le passé. Il suivrait les traces de cet homme, en réussissant là où celui-ci échoua.

"Calme-toi, sois respectueuse", lâcha brièvement No en revenant dans le centre de la pièce, plus près de Teru. Il la tutoya, peut-être pour lui faire comprendre qu'elle devait redescendre d'un ton; après qu'elle se soit énervée face à la maîtresse de ces lieux. No tentait d'attirer la sympathie de Maléfique par cette action, en supposant que cette femme pouvait en émettre pour autrui. Il réussit au moins à attirer son attention, puisque Maléfique émit un sourire après cette remarque.
Vint le moment où elle présenta la pierre qu'elle avait dérobé par l'intermédiaire de son corvidé fétiche à la jeune femme. L'artefact que chaque personne dans la pièce convoitait, bien qu'elle ne revenait de droit qu'à l'une d'entre elle. Mais ce droit, Maléfique pouvait se permettre de se le donner.

La Pierre des Voeux ? Intéressant.

De la bouche de Maléfique, No prenait connaissance des propriétés de la pierre aux multiples reflets. Avec un tel objet, sa quête pouvait prendre un nouveau sens. Il avait premièrement songé à faire en sorte que les souhaits de Maléfique soient réalisés, l'aider à ce qu'elle obtienne ce qu'elle recherchait, et ainsi s'attirer les bonnes grâces de la sorcière. Mais la pierre pouvait l'emmener directement à la finalité qu'il recherchait, sans devoir s'associer à Maléfique. N'était-ce pas préférable ? Pourquoi se plier un temps à la volonté de quelqu'un s'il pouvait directement obtenir ce qu'il désirait ?
Le deal proposé par Maléfique était simple, mais il manquait d'efficacité. Les menaces de Maléfique pouvaient-elles seulement porter fruit ? No et Wish n'étaient que des compagnons temporaires pour la jeune femme, des inconnus. Il fallait probablement une plus grande motivation pour que Teru l'aide, en admettant qu'elle serait prête à céder. Qu'elle reste sur ses positions n'arrangeait pas les ambitions de No Name, qui du prendre part à cet échange pour créer une voie lui permettant de se sortir victorieux de cette situation.

"Si vous n'arrivez pas à vous mettre d'accord, il me reste une option", évoqua No, en invoquant sa Keyblade dans la paume de sa main droite."Si je la brise en un millier de fragment grâce à la lame de mon arme, que vos rêves s'envolent en poussière, la question ne serait-elle pas réglée ?", demanda No en prenant de l'assurance, pointant sa clé en direction de la sorcière, ou plutôt de la Pierre des Vœux qu'elle avait en main.

Menacer de la détruire est certainement ce qui fera agir l'une en priorité sur l'autre, l'une d'entre elles devrait forcément abandonner sa position, pour le bien d'un souhait d'un côté et pour préserver un objet rempli d'affection d'un autre. C'est mon moment. Mon moment de mettre la situation à mon avantage. L'arme est entre mes mains, c'est à moi de décider de l'avenir de cette pierre, et pour ainsi dire, à l'avenir de ces deux femmes. Regarde moi, Destin ! Regardez moi, Ténèbres ! Regarde moi, Xehanort ! Je suis le maître de la situation ! Je soumets qui je veux du bout de ma lame !

No pensait avoir la situation entre les mains. Il se voyait déjà gagnant. Si Teru refusait, il se retournerait contre elle pour aider Maléfique, et si elle acceptait par crainte que la Pierre soit détruite, alors il avait dans l'intention de s'en prendre à la sorcière pour que cela soit son vœu qui devienne réalité. Mais une fois de plus, No fut aveuglé par le pouvoir, et le pris pas en compte tous les paramètres qui s'offraient à lui. Faire apparaître sa Keyblade n'avait pas été un coup de poker, bien au contraire, il venait de montrer sa faiblesse — faire comprendre à Maléfique ce qu'elle devait faire.

"Cette arme. Cette Keyblade. Je la reconnais. Elle appartenait à ce vieux maître déchu, ce vieux fou, que je dois remercier pour de nombreuses choses, bien qu'il me mis dans de mauvaises positions à plusieurs reprises. J'en viens à comprendre qu'il a définitivement rejoint l'au-delà ? Jamais il n'aurait abandonné cette clé", expliqua Maléfique en retrouvant le sourire. "Vous les porteurs de la Keyblade, vous êtes toujours si peu méfiants. Tu oses me menacer de ton arme, alors que ton cœur est rempli de Ténèbres ? Imbécile, je dompte les Ténèbres à ma guise, je peux donc dompter ton cœur !", qu'elle ajouta en levant les bras au ciel, invoquant alors une gerbe de flammes vertes qui jaillit droit sur le porteur de l'Innommée.
Les flammes l'entourèrent, sans pour autant le brûler. Elles semblaient plutôt le ronger, pénétrer en lui, le rendre docile comme une marionnette. Un pantin doté d'un pouvoir particulier, qui lui servirait à obtenir ce qu'elle voudrait. "Attaque la, vole ses capacités, vole lui son cœur, vole lui ce qu'elle est !", ordonna Maléfique, tandis que No s'élança arme en main dans la direction de Teru. Prêt à lui asséner un coup d'estoc en plein cœur.

Ce n'était pas soutenable. Non. No ne pouvait accepter se retrouver dans une telle situation, victime d'un sort se nourrissant de son cœur en tant que source d'alimentation. Les Ténèbres qu'il avait fait naître au plus profond de son être en venaient à être sa faiblesse, alors qu'il n'avait compté que sur elles pour obtenir de la force. Une triste ironie. C'était donc ça, la volonté du Destin ? Le faire tourner au ridicule à la moindre occasion ? Lui mettre la tête dans le mur à chaque fois qu'il pensait être sur le bon chemin ? Il faut croire. La vie aimait se jouer des personnes comme lui, et Maléfique savait en profiter. Il n'était pas le premier idiot à se faire avoir à ce jeu, à devenir son pantin le temps d'un instant.

Il se rendait compte de ce qu'il se passait, il vu son adversaire du moment échapper à son assaut en se transformant en chauve-souris pour prendre de la hauteur, s'envoler librement et se mouvoir plus facilement à travers la pièce; mais il ne pouvait rien faire contre cela. Ses muscles bougeaient à son insu, et même son cœur rythmait d'un mouvement qui n'était plus le sien. Il n'était plus qu'une conscience, incapable d'agir, simple spectateur du combat. No Name subissait, comme il avait subit son existence jusqu'à maintenant. Dans un sens, cela ne changeait pas vraiment grand chose à sa vie; même si cela s'avérait plus pénible qu'à l'accoutumé. Être faible et spectateur d'une condition de laquelle il ne pouvait s'extirper, il connaissait.

Voilà à quoi tout cela m'a amené, vraiment ? Je suis quasiment revenu au point de départ, incapable de faire ce qu'il me plaît, et cette fois-ci au sens propre. Que ce soit par cet odieux Destin, par Xehanort, par cette clé, ou bien par Maléfique, je reste toujours le pantin de quelque chose.
Que dois-je faire pour couper ces fils qui me rattachent toujours à la réalité ? Les Ténèbres peuvent-elles seulement m'aider à m'en détacher ? Je commence à croire que non. Mais idiot comme je suis, même si elles me posent problème, même si je les repousse, je vais toujours finir par les admirer et les envier au bout d'un certain temps. Comme une addiction revenant au galop, sans la moindre chance de s'en sevrer. Dans le fond, j'étais peut-être mieux là où j'étais avant, seul, en la compagnie de Wish...

Profitant de ce moment de réflexion personnelle qui lui était offert, No remettait en cause son aventure, et plus loin que ça, il remettait en cause sa vie. Il cherchait le pouvoir, mais face à Maléfique, il compris qu'il y avait déjà d'autres personnes lui étant nettement supérieures à la tête des mondes et des forces de l'univers. Et faible comme il était, tant physiquement que mentalement, il ne pouvait avoir l'ambition de les surpasser. Son rêve et sa quête de pouvoir s'achevait ainsi dans son esprit, sous le poids de la réalité. Il ne serait pas l'homme du siècle, ni même de la décennie. Son récit sera oublié, en admettant qu'il intéresse seulement quelqu'un.
Même Names semblait l'ignorer dans cet instant, lui qui l'habitait, lui qui voulait le dominer, pourquoi n'agissait-il pas ? Si Names tirait véritablement ses origines de Xehanort, pourquoi ne pouvait-il pas s'interposer face à la magie de Maléfique ? Il était peut-être temps pour No de se rendre à l'évidence qu'il ne s'agissait que d'une voix dans sa tête, un persona pour lequel il optait par moment, un personnage dans lequel il pouvait déverser tous ses défauts, une chimère, un songe; qui ne pouvait l'aider dans la réalité.

C'était donc ça ?

No se heurta l'arrière de la tête par l'intermédiaire de Teru qui fit en sorte de tomber sur lui, espérant que cela serait suffisant pour rompre le charme. De ce mouvement soudain, Wish apparu, il se matérialisa par instinct dans un petit nuage de fumée; sentant que son camarade avait besoin d'aide. "No, ze sais quoi faire !", qu'il dit en apparaissant. En tant qu'Avale-Rêves de type Esprit, Wish avait la capacité de se nourrir des cauchemars, de les éliminer. Un envoûtement n'était pas bien différent d'un cauchemar, il s'agissait d'un moment où l'esprit se perdait au profit des tourments. Qu'ils soient intérieurs ou proviennent d'une source extérieure, la magie de Maléfique en l’occurrence, cela revenait fondamentalement à la même chose. La petite boule de poils pris position au côté de No, appuyant ses pattes contre le front de son camarade inerte.

"Maudite créature ! Ne te mets pas en travers de mon nouveau larbin !", s'écria Maléfique en comprenant ce que Wish tentait de faire après que Teru ait étourdi No. En profitant de cette situation, il espérait faire revenir le jeune homme à la raison. Mais Maléfique ne pouvait se le permettre, elle avait tout ce qui lui fallait entre les mains pour mettre à bien son plan. Elle disposait de la Pierre des Vœux, elle avait celle qui lui était liée en face d'elle, et avait surtout un docile porteur de la Keyblade qui serait capable de lui voler son cœur et les pouvoirs qu'il détenait. Elle avait déjà réussi ce genre de tour par le passé, en profitant de la faiblesse d'un porteur de la Keyblade pour s'accaparer le cœur d'une Princesse de la Lumière, cela n'était pas bien compliqué; aucune boule de poils orangée ne pouvait se dresser face à ses ambitions. Maléfique opta pour la solution de facilité. Après que son sceptre magique émis une lueur verdâtre, une vague de flammes dévorantes apparurent, répondant à l'appel de leur souveraine. Le salon n'était pas bien grand, et ce feu supplémentaire rendait la pièce encore bien plus étouffante, puisqu'il entourait les protagonistes de cette aventure qui avait mal tourné.

C'est en parallèle que Maléfique transforma l'un de ses bras en la poigne d'un dragon, un membre à la taille démentielle qui traversa la pièce en un mouvement pour venir attraper le petit Avale-Rêves de ses griffes acérées. "Nyaaaah", poussa Wish, plein d'effroi, alors qu'il se voyait être éloigné de son ami. Juste après cela, No se redressa, repoussant Teru qui était tombée sur lui. Le Chirithy espérait avoir réussi à faire reprendre le contrôle de soi à son ami, mais le doute s'installa lorsque celui-ci s'entoura d'une aura obscure avant regarder avec admiration sa Keyblade. Son regard était quasiment vitreux, hagard, comme s'il était ailleurs, mais d'une manière différente qu'auparavant. Le sort de Maléfique ne semblait plus faire effet, mais No n'avait pas retrouvé ses esprits pour autant. On aurait même pu penser qu'il l'avait perdu. Peut-être pour toujours. Il s'agissait là de la matérialisation de sa perte d'ambition, de sa perte d'envie de toute chose, face à ce chaos désastreux qu'était sa vie.

[ Musique ♪ ]
"Pour une fois... je crois savoir quoi faire", qu'il balbutia alors que son arme semblait perdre de sa consistance, elle vacillait entre l'opaque et le transparent, quasiment sur le point de disparaître. Il avait compris qu'en abandonnant ses souhaits, en abandonnant le peu d'attachement qu'il avait à sa vie, son cœur avait perdu en force, et la Keyblade ne le reconnaissait plus comme à sa hauteur. Elle allait l'abandonné à son tour, ce n'était plus qu'une question de temps. "C'est la première fois que j'ai le sentiment de savoir comment l'utiliser, alors qu'il s'agit ironiquement de la dernière fois où je l'aurais en main", qu'il ajouta avant de reprendre aussitôt en direction de Teru, "si tu peux un jour faire un vœu pour moi, souhaite que ma prochaine vie soit loin de la voie que j'ai bêtement choisie. Elle ne mène nulle part, si ce n'est vers la mort". Terminant ces mots, No se transperça la poitrine avec sa propre arme. Résonant en parfaite harmonie avec son maître, Wish compris ce qu'il devait faire, et profita de la surprise de Maléfique pour lui mordre la main, se défaisant ainsi de son emprise. Il pu, par la même occasion, s'emparer de la Pierre des Vœux.

Du cœur de No s'échappait un flot de Ténèbres, mais la vampire n'avait rien à craindre de celles-ci. Seule Maléfique en était la cible. Cette fois-ci, No maîtrisait son cœur, et maîtrisait ce qui en sortait. Le corps de No se désagrégea, ne laissant que sa Keyblade au sol, avant que celle-ci ne disparaisse  à son tour quelques secondes plus tard. La vague d'obscurité éteignit les flammes, et emporta Maléfique avec elles vers le Domaine des Ténèbres. Elle finirait par en ressortir, elle finirait par revenir vers son royaume d'une manière ou d'une autre comme elle avait toujours réussi à le faire, mais cela laissait le champ libre à Teru pour s'éloigner de ces terres. Pour qu'elle puisse continuer à protéger sa relique.

"Et bien, c'était peut-être ça, son but finalement. Je savais qu'il finirait par faire quelque chose de bien, vaut mieux tard que jamais", dit Wish en se rapprochant de Teru, lui tendant la Pierre des Voeux du bout de ses petites pattes rondes. La petite créature étant fondamentalement liée à la vie de No, sa fin était aussi imminente. La boule de poils se blotti un instant contre la jeune inconnue, appréciant un dernier signe de tendresse, avant de disparaître à son tour, rappelée par les forces du destin.